Hélène : seule mais reposée

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 Je me réveille, le soleil filtre à travers les stores de ma chambre, j’ai du mal à atterrir, je ne sais plus trop où je suis. Je me sépare difficilement du contact accueillant de l’oreiller dans lequel ma tête s’enfonce. Autour de moi, je vois les murs blancs et du mobilier ancien. Dans les brumes du réveil, la lumière m’éblouit.

 Deux minutes plus tôt, il faisait nuit, je courais sur des toits en tuiles romaines. Pierre me tenait la main et me traînait derrière lui. Nous suivions un gros chat roux sous les lumières de projecteurs étranges. Dans notre dos, des hommes en costume noir nous tiraient dessus avec des gros engins bizarres. Les rayons qu’ils lançaient faisaient exploser les cheminées coniques des toits, tout autour de nous. Je me suis réveillé alors que nous sautions dans le vide vers une grosse sphère verte qui semblait flotter dans le ciel.

 Je secoue la tête, je commence à me souvenir, le train, les MIB, Antarès à la gare, Pierre qui m’aide à deux reprises. Ça a dû s’emmêler dans mon ciboulot, je soupire. Le soleil brille dehors, j’ai dû dormir des heures. Je regarde ma montre, il est à peine douze heures trente, la journée ne fait que commencer !

 Objectif numéro un : supprimer ces relents de chacal faisandé douze ans dans un bain d’acide. Je vide mon sac et en extirpe des vêtements propres, mon PC. Je constate avec une grimace que mon tailleur est froissé, pas grave ! Je verrais si le logeur a un fer, en attendant je le mets sur cintre dans une armoire capable de loger trois familles de réfugiés. J’espère que mes vêtements ne se sentiront pas perdus et je prie les divinités de l’entretien professionnel d’agir sur les sales faux plis de mon seul vêtement classe.

 Tout au fond de mes bagages, je trouve enfin ma trousse de toilette. Je rentre dans l’énorme salle de bain. Je tourne un des robinets ouvragés, l’eau froide surgit, mes espoirs de détente fondent, mais bientôt, dans un effrayant bruit de tuyauterie, un liquide brûlant la remplace en crachotant tel un dragon asthmatique. Quelques réglages plus tard, j’arrive à me débarrasser de mon odeur sous une eau passant sans arrêt du tiède au franchement bouillant. Au lieu de me détendre, mes ablations se transforment en roman à suspense. J’imagine les titres de la presse le lendemain : « Venise : une étudiante française décède lors d’une douche, des traces de brûlure et de congélation sur tout le corps. »

 La douche terminée, j’enfile une culotte et un tee-shirt. Dans la chambre, sur une table postée près de la fenêtre, je remarque une cafetière fumante, une tasse et des tartines. Ma première impulsion est d’éprouver une profonde reconnaissance envers mon logeur, puis je me demande, avec une pointe d’appréhension, ce qu’il faisait dans ma chambre pendant ma douche. Enfin, je m’interroge sur l’impression que j’ai pu lui laisser avec l’ensemble de mes affaires traînant par terre dans cette belle chambre.

 Je me sers une tasse et vais la boire sur le balcon, histoire de vivre un petit moment de vraie détente. La température est plus clémente qu’à Paris, mais ce n’est pas les tropiques non plus. Heureusement, le soleil me sourit et réchauffe ma petite personne.

 Je sirote donc mon café, accoudée à ce balcon de pierre. À quelques mètres, sur la place, des riverains discutent à grand renfort de gestes. L’un d’eux, depuis la fenêtre, parle sans doute le dialecte local dont je ne comprends que des bribes éparses. Mon regard divague vers le canal et ses bateaux. Ils circulent lentement et produisent un bruit de vaguelette sur les murs des maisons. Les conducteurs me saluent de la main. Je leur rends leurs gestes, il sourient. Ah, ces Italiens !

 Par contre, la vieille dame qui me regarde depuis la fenêtre d’en face a plutôt l’air de vouloir ma mort. Je réalise alors que ma tenue a de quoi attirer les regards des hommes et les reproches des mégères. Comme quoi, une culotte peut provoquer des émotions très contradictoires.

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