Hélène — surprise

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 Je me retourne, et là, je vois un grand gars maigre, qui en tient un autre par la manche. Le grand m’évoque Pierre Niney. Mince comme lui, mais plus brun. Je ne sais pas ce qui se passe, mais les deux types se parlent en langage de cow-boy, je veux dire par là, un langage d’hommes, rempli de testostérone et de sous-entendus menaçants.

 Je reconnais le vainqueur au premier coup d’œil : « Pierre Niney » (par simplicité, je décide de l’appeler comme ça). L’autre se retourne et se dépêche de s’éloigner.

 Je les regarde, hébétée. Je ne comprends pas à quel jeu s’amusent les mecs ici, mais entre les MIB qui me traquent, puis ne me traquent plus, Antarès qui joue la fille de l’air et les duels de regards, je me dis que j’ai atterri sur Mars. Certainement pas loin du cratère qui porte le même nom que moi d’ailleurs.

 Pierre détourne les yeux quand il s’aperçoit que je le dévisage, il ramasse mon guide et me le tend. Il baisse la tête, il est visiblement gêné. Comme il me dépasse de plusieurs têtes, ses efforts pour cacher son visage ne servent à rien. Mais alors là, rien du tout, mon coco !

 Dès que je saisis mon livre, il se retourne et part vers le canal. Je hausse les épaules, ce que je regrette t, les lanières de mon sac me cisaillent les chaires. Il faut que je me pose. La nuit a été entrecoupée par plein de réveils et j’ai eu mon plein d’émotions pour trois ans en arrivant en ville.

 Je marche vers l’arrêt de vaporetto, d’autres gens s’y massent, en fait une vraie foule de touristes et de Vénitiens. J’essaye de comprendre ce que je dois faire et regarde la carte du réseau, une sorte de gros poisson entouré de spaghettis de couleur avec des noms écrits tout petits dans des cases. J’ai plus les yeux en face des trous ! J’ai besoin d’un café, de grignoter un truc, ou mieux encore, d’une bonne douche chaude.

 Mais il faut que je quitte cette station, que je prenne un bateau et que je me débrouille pour rejoindre mon petit poney. Ça y est, je trouve la ligne 5.1 sur le plan, mais ça ne m’aide pas beaucoup, il faut d’abord que je me procure un ticket.

 Au guichet, je cherche à comprendre les tarifs proposés. J’arrive vite à deux conclusions : la première est que les billets à l’unité sont hors de prix, la seconde que je n’ai pas assez de liquide pour payer le forfait cinq jours.

 Je pare au plus pressé, quand vient mon tour je montre ma carte bleue et acquiers le précieux sésame qui m’ouvrira l’accès aux transports en commun locaux. La jeune caissière, peu aimable, finit par me sourire en constatant mes efforts pour lui parler italien.

 À peine la transaction réglée, je vois un vieux bateau qui pointe son nez vers le quai, il arbore fièrement le numéro 5.1 au-dessus de la cabine de pilotage. Je me presse, pris en tenaille entre le chariot à roulette d’une vieille dame et le barda d’un touriste autrichien. Je dis autrichien, mais il pourrait aussi bien être allemand avec ses cheveux blonds en brosse et son air rougeaud.

 Ça compresse, ça bouscule, ça chahute aux entournures, mais je suis enfin à bord. Je pénètre dans la cabine, mon gros sac toujours sur le dos. Les Autochtones jettent des regards aigres à mon passage, pas de place assise. J’avance jusqu’au fond du bateau, entraînée par le poids de mon bagage.

 Je n’arrive plus à focaliser, mes yeux se brouillent, je veux mon dodo. Une jeune femme, sans doute prise de pitié, me propose son siège, je l’accepte, pleine de gratitude. Alors que je souhaitais profiter de mon premier trajet, la suite du voyage est une succession de microsiestes interrompues par une voix féminine qui clame haut et fort le nom de la station et le sens de sortie au travers de haut-parleurs crachotants.

 Peu après Ospedale, je sais que je ne dois plus m’endormir, au risque de louper mon arrêt ; alors je regarde la cité qui défile sur la gauche du bateau. Elle forme une espèce de muraille construite avec des immeubles bas et roses, mais fermants la ville aux assauts de la mer. De temps en temps, un canal s’ouvre, s’enfonçant en ligne droite à l’intérieur de la ville.

 Cet aperçu me donne la sensation d’un contraste entre la vision d’une ville qui paraît monolithique si on l’observe de loin, mais qui semble en fin de compte se séparer en une multitude de petits éléments dès lors qu’on se rapproche. Une ville normale, quoi !

 Quand retentit « Celestia, Uscita a destra », le bateau s’est bien vidé, je me précipite vers la porte en tirant mon sac sur le sol.

 Devant moi, « Pierre Niney » se tient près de la sortie, il me laisse passer.

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