Chapitre 48 : Le piège - (1/2)

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Trois jours plus tard, Dursun entra dans la chambre de Deirane à l’aurore. En fait, aucune lueur n’apparaissait à l’horizon oriental. Elle la réveilla en sautant dans son lit et en la chahutant comme une gamine. Elle en était toujours une d’ailleurs. Le premier réflexe de Deirane fut de la repousser.

— Tu as vu l’heure, protesta-t-elle d’une voix ensommeillée, laisse-moi dormir.

— N’as-tu pas envie de connaître le nom de notre nouvelle alliée ?

Cette éventualité ne parvint pas à rendre Deirane de meilleure humeur.

— Si tu me le disais au lieu de faire tant de mystère.

— Et te priver de tout le plaisir de la découverte.

L’adolescente s’allongea à côté de son amie et l’enlaça. Dans son état, elle ne supporterait pas longtemps ses petits jeux. La seule inconnue était de savoir si elle allait la repousser ou s’enfuir. Dans les deux cas, elle était gagnante, elle aurait réussi à la faire lever. Aussi vite, pour une dormeuse comme elle, c’était un exploit. Mais ça marchait. L’Aclanli avait compris depuis des mois que Deirane ne partageait pas ses penchants pour les amours saphiques, elle n’éprouvait même pas de la curiosité.

Ce jour-là, Deirane surprit Dursun : elle fit les deux. Elle repoussa violemment son amie qui tomba par terre puis elle se leva. La jeune femme jeta un coup d’œil sur la couchette placée contre le mur. Loumäi était emmitouflée dans ses couvertures. Elle se demanda comment elle ne crevait pas de chaud. Elle ne la réveilla pas. Elle n’avait pas besoin d’elle. Plus tard, elle savait que la domestique ne serait pas contente quand elle découvrirait que Deirane s’était préparée sans elle. Mais la jeune femme pouvait supporter ses reproches.

Deirane fouilla dans le placard. Elle en tira son peignoir qu’elle revêtit après avoir ôté sa chemise de nuit. Comme elle était petite, il lui descendait presque jusqu’aux chevilles. Dursun ne perdit pas une miette du spectacle. Elle ne comprenait pas les préventions de Deirane. Dans sa chambre, elle ne manifestait aucune gêne. Mais dehors, la nudité la mettait très mal à l’aise. Quant aux jardins, il ne fallait pas y compter. Pourtant, le couloir était désert. Même les eunuques n’y venaient que rarement. Et toujours à des moments très prévisibles. Dursun n’éprouvait pas du tout la même chose. Mais il était vrai que son pays était plus libéral que celui de son amie. Sur ce plan-là tout au moins.

Deirane quitta la pièce. Dursun hésita un instant à la suivre. Mais elle renonça. Inutile de la braquer contre elle ce matin. Elle avait déjà pu voler quelques caresses délicieuses. Autant ne pas trop tirer sur la corde. Un jour, malgré sa douceur, Deirane allait se mettre en colère et la frapper pour de bon. Elle préférait que ce ne fût pas aujourd’hui.

Deux calsihons plus tard, Deirane était prête. Nëjya venait d’arriver. Et contre toute attente, Naim.

— C’est toute une expédition, remarqua-t-elle.

— Nous aurons besoin d’une excuse plausible pour nous balader aussi tôt dans les jardins, répondit Dursun.

— Depuis quand ? Il nous appartient, on peut y aller quand on veut.

— Je t’assure que ce sera nécessaire.

— Je suis assez d’accord, confirma Naim, j’ai décidé de vous montrer quelques prises au petit matin.

— C’est pour ça que tu viens avec nous ?

La grande Naytaine n’avait pas participé aux préparatifs du plan. Sa présence s’avérait plus que surprenante.

— Je vais avoir besoin d’elle, dit Dursun.

— Pour quoi faire ? Normalement, c’est le soir qu’on s’entraîne.

— Tu verras bien.

Le petit groupe quitta l’aile des novices pour se diriger vers les jardins. Toutefois, ce n’était pas à leur endroit habituel qu’elles se rendaient, mais dans un autre, encore plus isolé, bien que peu éloigné du bâtiment. Une fois cachée derrière une haie, Naim posa son ballot de tissu par terre et le déroula. Il contenait quatre poignards en silex poli dont la finition indiquait une facture helarieal. Deirane en prit un et l’examina attentivement.

— Mais où les as-tu trouvées ? demanda Deirane. Les armes sont interdites dans le harem. Tenter d’en introduire une est puni de mort.

— C’est Chenlow qui me les a confiés à la demande de Dayan. J’ai cru comprendre que les concubines représentaient le dernier rempart du roi face à un agresseur.

— Orellide m’a sorti un truc comme ça en effet. Tu vas nous apprendre à nous en servir ?

— Non, dit Dursun, Naim ne les a pris que pour donner le change, au cas où on se ferait surprendre.

Le fait était que Naim ne les avait pas distribués ni commencés à prodiguer la moindre explication quant à leur usage.

— Tu te trompes, la contredit Naim. Je vais réellement vous apprendre leur maniement. Et officiellement, c’est la raison de cet horaire inhabituel. Le soir, d’autres concubines se mêlent à vous. Et je ne veux pas leur donner un avantage.

— Maintenant, pas un bruit, leur intima Dursun. On est aussi silencieux que… On ne fait plus un bruit et on attend.

— Qu’est-ce qu’on attend ?

Dursun mit un doigt sur ses lèvres. Deirane comprit le message et se tut. Dursun se glissa sous la haie, de façon à pouvoir surveiller le chemin sans être vue. Pendant ce temps, Naim protégea les couteaux dans une gaine de cuir pour éviter que ses jeunes femmes se blessassent avec.

L’entraînement consista en une démonstration des passes d’armes et une répétition des gestes sous la supervision attentive de Naim. Elle passait entre ses deux élèves et corrigeait leur posture. Cela présentait l’avantage d’être relativement silencieux. Un peu à l’écart du chemin, derrière les haies et les buissons, personne n’aurait pu se douter qu’elles s’exerçaient là. De temps en temps, la sentinelle changeait, ce qui permit à toutes les jeunes femmes de pratiquer chaque mouvement au moins une fois.

Le soleil commençait à percer au-dessus de l’horizon quand Deirane entendit du mouvement près d’elles. Aussitôt, elle prévint ses amies qui cessèrent tout bruit. Cinq concubines arrivaient dans leur direction. Elles chuchotaient, mais en dehors de cela ne cherchaient pas à se montrer discrètes. Elles s’assirent sur un banc à une vingtaine de perches de leur position. Deirane et ses compagnes pouvaient les observer, mais elles n’avaient aucune chance de se faire repérer.

Les nouvelles venues discutaient tout en surveillant le chemin. Tout au moins les deux que la jeune femme parvenait à voir. De toute évidence, elles attendaient quelqu’un qui allait passer par là. Il s’écoula presque trois calsihons avant que la curiosité des espionnes fût satisfaite. De Deirane surtout, parce que Dursun savait qui devait venir.

La nouvelle arrivante marchait sans se préoccuper de qui que ce soit. De son point de vue, l’Yriani ne réussissait pas à la reconnaître. Mais lorsqu’elle se rapprocha, elle n’eut plus aucun doute. Cette silhouette fine tout en étant musclée ne pouvait appartenir qu’à Cali, la danseuse. Cette dernière se contenta de saluer de la tête les concubines tout en passant son chemin.

— Bonjour Cali, dit celle qui semblait être la chef.

Deirane avait identifié la voix de Mericia.

— Bonjour.

Cali s’arrêta par politesse. Mais elle resta silencieuse.

— Elle ne sait même pas nos noms, l’accusa Mericia. Je suis Mericia. Ce nom tu dois le connaître à défaut de savoir qui le porte.

— Bien sûr que si, je me souviens de toi, Mericia, répondit Cali, on vit ensemble dans ce harem, je te connais bien.

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