Chapitre 41 : la tempête. (2/3)

5 minutes de lecture

Elle secoua la tête.

— Frallo ? proposa-t-elle.

— Qui d’autre est le mieux placé pour ça ?

Vicol les rejoignit.

— Que se passe-t-il ? C’est quoi tout ce remue-ménage ? Nous sommes au milieu de la nuit.

— La sentinelle a été tuée, répondit Corist.

Le marchand n’était pas un grand stratège. Mais il voyageait depuis suffisamment longtemps pour en tirer les implications.

— Comment se fait-il que les pillards ne soient pas déjà là ?

— Je pense qu’ils voulaient nous capturer sans combat pendant notre sommeil.

— Je vais m’habiller.

Il revint quelques stersihons plus tard. Il portait une cuirasse bien épaisse qui lui laissait les bras nus, totalement libres de ses mouvements ainsi qu’une étrange arme constituée de deux bouts de bois reliés par trois anneaux. Il n’était donc pas qu’un simple commerçant, mais il participait activement à la défense de ses biens. Elle ne voyait cependant pas ce qu’un instrument tel que le sien pourrait faire comme dégâts.

Les caravaniers se mirent au centre de leur convoi, isolé de la forêt par le demi-cercle de chariot. Se disposant dos contre dos, ils attendaient, épée, massue, masse d’arme, hache ou lance à la main. Ils surveillaient le trou dans la lisière, origine probable de l’attaque. Mais les nuages cachaient la lune, ils ne distinguaient pas grand-chose. Et le vent les empêchait d’entendre. Ce n’était pas les meilleures conditions pour combattre. Mais Naim estima que leurs assaillants éprouveraient des problèmes identiques aux leurs. En fait, le plan des Sangärens aurait été parfait si elle ne s’était pas réveillée. Le bruit de la tempête naissante aurait masqué leur arrivée. Ils auraient tous été capturés dans leur sommeil. Mais maintenant qu’ils étaient sur le qui-vive, le déchaînement des éléments n’avantageait personne. Il était même possible qu’il ait caché leurs préparatifs et que ce fût ces pillards qui fussent surpris. Quoiqu’elle n’y crût pas trop. La lueur de leurs torches devait être bien visible dans la nuit.

— Les torches, glissa-t-elle soudain à Corist, il faut les éteindre, on fait une cible facile.

Corist regarda autour de lui, prenant conscience des multiples flammes qui éclairaient les lieux. Dans le feu de l’action, il ne les avait pas remarquées.

— Qui les a allumées ? J’avais pris soin d’étouffer le feu.

Sans attendre les ordres, deux hommes parcoururent le camp. Ils ramassèrent les torches et les frottèrent contre le sol pour les éteindre. Puis ils retournèrent près du foyer, qui couvait toujours sous la cendre, prêts à être ranimé une fois les hostilités engagées.

L’effet de surprise étant éventé, les Sangärens attaquèrent soudainement. Sur deux colonnes, au galop, ils s’élancèrent en hurlant, un flambeau à la main. Les files se séparèrent pour encercler les caravaniers. Ils n’étaient pas très nombreux, une quinzaine, ce qui expliquait qu’ils aient d’abord choisi la furtivité avant l’affrontement direct.

Les archets, cachés sous les chariots, abattirent les deux cavaliers de tête, ce qui perturba le bel ordonnancement des assaillants. Malheureusement, le chef n’était pas parmi eux. Il chevauchait au milieu de ses hommes.

Naim réfléchissait à toute vitesse sur leurs possibilités de survie. Techniquement, ils étaient en Helaria. Des patrouilles, il y en avait souvent sur cette voie. Mais avec la tempête qui approchait, ils avaient dû se calfeutrer dans leur caserne. Les Sangärens eux-mêmes devraient repartir rapidement pour se mettre à l’abri à temps. Ils allaient donc concentrer leur vol sur les objets légers et de forte valeur. Deux longes séparaient la route des plaines sangären, les chariots pourraient y être amenés pour être récupérés plus tard une fois le danger écarté. Leur butin caché en sécurité, les Sangärens iraient certainement rejoindre leur refuge à bride abattue. Des prisonniers les retarderaient. Et en ce lieu, qu’un seul caravanier arrive à donner l’alerte et les légions de la Pentarchie s’élanceraient à la poursuite des pillards.

— Ils vont tous nous tuer, lança-t-elle à Corist.

— Je sais.

Les archets n’eurent pas l’occasion de décocher d’autres flèches. Ils durent quitter leur position et s’enfuir maintenant qu’ils étaient repérés. Deux cavaliers se précipitèrent à leur poursuite. Plus les deux qu’ils avaient abattus, cela allait bien faciliter le travail des défenseurs.

— Ils vont se faire massacrer, cria Naim en les regardant courir.

— Ne t’inquiète pas pour eux. Occupons-nous de ceux-là d’abord.

Le combat s’engagea. Les montures des Sangärens leur donnaient un avantage, ils pouvaient frapper tout en étant eux même difficiles à atteindre. Celui équipé d’une hache s’élança alors. Au lieu de s’en prendre aux cavaliers, il attaqua les jambes des chevaux. Comprenant le danger que courraient leurs bêtes, les Sangärens s’écartèrent. Quelques-uns se regroupèrent pour affronter le géant. Mais ce dernier maniant son instrument comme s’il tenait une brindille, ils ne pouvaient pas approcher. Lui n’hésitait pas cependant. Faisant d’immenses moulinets avec sa hache, il nettoyait un espace vide autour de lui.

Finalement, quelques Sangärens ne voulant pas mettre leurs montures en danger mirent pied à terre pour le combattre d’égal à égal. L’un d’eux, un colosse aussi grand que lui, possédait également une hache. Ils se défièrent du regard. Puis ils s’élancèrent l’un vers l’autre et la lutte s’engagea.

Les archets qui s’enfuyaient à travers la plaine se retournèrent brutalement pour faire face à leurs assaillants. Les deux Sangärens qui les poursuivaient échangèrent quelques paroles qui témoignaient de leur satisfaction. Ces lâches allaient enfin leur offrir un beau combat. Ils se lancèrent au galop malgré la nuit. Brusquement, les archers sortirent quelque chose de sous les herbes. Des lances. Ils les pointèrent en avant, calées au sol, trop tard pour que les chevaux les évitassent. Le premier cavalier ne put rien faire, il avait trop d’élan, il était trop près. Son animal s’empala sur l’arme. Sous la violence de l’impact, le Sangären bascula et tomba. Le caravanier récupéra sa lance et se jeta sur lui avant qu’il ait pu reprendre ses esprits. Son partenaire put amortir le choc, il préféra s’exposer entre lui et sa monture. La pointe de pierre acérée lui entailla la cuisse. Il s’écarta de son adversaire.

Les deux archers se tenaient maintenant face à lui. Son arme était trop courte pour qu’il pût leur porter des coups. Sa blessure l’empêchait de mettre pied à terre pour combattre. Il les regardait. Son partenaire ne pouvait rien pour lui, il ne pourrait plus jamais rien pour personne. Voilà un défi à sa hauteur. Il leva son sabre et s’élança. Au dernier moment, il esquiva la lance. Il porta un coup, qui brisa la hampe. Et d’une. Emporté par sa vitesse, il continua sur quelques dizaines de perches avant de faire demi-tour. Brutalement, il sentit un choc violent suivi d’une douleur intense entre les épaules. Il avait perdu de vue que c’était des archers. Il fonça sur eux, le sabre au clair. Mais plus il approchait, moins il tenait droit sur sa selle. Finalement, il bascula sur le sol, achevant de se vider de son sang.

Pour sa première bataille, Naim avait l’impression d’avoir oublié tout ce qu’on lui avait enseigné. Jamais elle n’avait eu aussi peur de sa vie. Ses mouvements étaient crispés, inefficaces. Heureusement qu’elle était encadrée par deux bons combattants sinon elle aurait déjà été tuée. Néanmoins, au bout de quelques stersihons, elle n’avait toujours pas été blessée, elle reprit confiance. Peu à peu, sous le feu de l’action, les gestes appris à l’entraînement revinrent. Elle prit de l’assurance. Ses assauts devinrent moins hésitants. Elle parvenait à maintenir son adversaire à distance. Voyant qu’elle se révélait plus intéressante qu’il ne l’avait cru au premier abord, le Sangären lui sourit. Un sourire gourmand, comme celui d’un enfant face à un gros gâteau. Et elle engagea le vrai premier affrontement de sa vie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Laurent Delépine ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0