Sur la route, dix heures trente

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— Oulà ! Sam secoua la tête. Des gerbes eaux battaient son pare-brise. Il roulait trop vite et s’était rapproché dangereusement des véhicules devant lui. Son pied appuya par à coup sur la pédale afin d’éviter de bloquer ses roues sur la route trempée.

— Manquait plus que ça, marmonna-t-il en reprenant une allure plus détendue. L’averse avait cessé, malgré les nuages de plus en plus menaçants qui recouvraient le ciel. À cette vue, il sentit un tiraillement lui rappelant une période douloureuse qu’il tenait tant à oublier.

Il était un adolescent d’une quinzaine d’années et c’était un après-midi pluvieux. Il ressentait encore la sensation du ciré sur lui, les chaussures qu’il portait et le bas de son pantalon trempé par la pluie. Les rires proches de ses camarades qui résonnaient distinctement comme si c’était hier. Phil se trouvait parmi eux. Il se voyait en train de déambuler avec ses amis sur une grande rue qu’ils connaissaient bien lorsqu’une scène des plus inhabituelles s’était offerte à ses yeux aux abords d’un croisement coupant l’avenue.

Un pauvre bougre, apparemment ivre, était en train de s’étaler de tout son long à leur arrivée, brisant au passage une bouteille de bourbon à moitié vide qu’il tenait dans sa main. Pensant qu’il s’était fait mal, l’adolescent naïf qu’il était à ce moment-là avait instinctivement esquissé un geste vers ce type pour l’aider à se relever, mais les railleries de ses camarades avaient freiné son élan. Le bonhomme avait soudain redressé sa tête en leur direction en baragouinant un air incongru, provoquant ainsi l’hilarité de ses amis, sauf Phil, qui était resté en retrait. Sam s’était joint à eux à contrecœur de peur de dévoiler ce qu’il considérait, à l’époque, comme une faiblesse de caractère lorsqu’il se trouvait avec ses potes.

— Eh ! L’ivrogne arrête de boire ! avait-il balancé d’un air qui se voulait méprisant.

Le sourire béat du vagabond s’était figé. Il s’était alors retourné vers lui, un doigt accusateur pointé en sa direction. Ses amis pouffèrent de plus belle, mais lui s’était aperçu que le visage du pauvre homme le fixait d’un air livide.

— Tu l’as à la bonne, lança l’un de ses camarades en continuant de piaffer. Il te tend la main, prends-la-lui.

— OK ! Les gars, on s’en va, balbutia-t-il dit alors qu’un étrange sentiment s’était emparé de lui.

— Eh ! Il t’a traumatisé, on dirait, rajouta l’un d’eux.

Sam avait feint de baisser sa tête afin d’éviter le regard pénétrant.

— Non, mais j’ai froid et mes pieds sont mouillés.

Ils s’en étaient allés, laissant le vieil homme sur le sol sans l’aider. Sam n’avait pas osé se retourner.



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