Chapitre 4

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Nous avons rapidement été freinés dans notre volonté d’aller frapper au cœur de la mine, au cœur du problème. Dès le premier couloir façonné de la main de l’homme et non plus de celle des nains, des monstres nous sont tombés dessus ainsi qu’un démon malfaisant. Plusieurs de mes compagnons ont alors été saisis de stupeur, immobilisés malgré les nuages d’insectes aux piques métalliques qui marquaient nos peaux sans le moindre répit. Notre exorciste, la vestale et Seng étaient les seuls à être encore en état de combattre, et nous n’avons pas failli malgré nos forces d’attaques plus légères. J’ai freiné un des monstres que Wargrief a envoyé dans un outre-monde quelconque, pendant que Seng décochait ses flèches qui faisait mouche à chaque fois, et que la vestale attaquait gracieusement de son katana. Le démon en a profité pour s’éclipser alors que je tentais, pragmatique comme à mon habitude, de gifler nos compagnons pour les ramener à la conscience de la réalité – avec succès, d’ailleurs. Les deux monstres de chair se prenaient coup sur coup jusqu’à disparaître grâce à la force efficace des autres, au renfort de ma poêle « Frappeuse de démons » que j’ai prêté à Krorin, et c’est d’ailleurs à ce moment que ce dernier a pu accueillir les nains venus, comme ils l’avaient promis, nous aider à nettoyer ces mines des horreurs et des monstres. Et heureusement, car le machin qui avait provisoirement disparu est revenu à l’attaque. C’est ainsi que j’ai découvert que je pouvais fabriquer des espèces de petites bombes incendiaires avec mes fioles et de l’huile. Il faudra que j’en parle à un Maître gobelin ou à des Maître nains, tiens. Nous avons perdu à ce moment de braves nains plein de courages. Nous avons pu alors profiter d’un petit peu de répit pour panser nos blessures et faire l’inventaire des objets et armes chers à mes compagnons et qui avaient disparu.

C’est aussi un moment qui restera gravé dans la mémoire de Seng, sans doute, car il a eu la chance de retrouver sa femme vivante — quoique défigurée pour preuve de sa résistance face aux oppresseurs. Elle a été conduite avec bienveillance par les nains à l’extérieur, comme ses semblables délivrés par notre intervention, et nous avons alors repris notre chemin pour nous enfoncer encore plus profondément vers la source de tous les maux de la région.

Il est difficile de qualifier avec réalisme ce à quoi nous avons été confrontés en descendant dans le puits qui avait été autrefois scellé. C’est à ce moment que je me suis demandée si nous étions vraiment de taille. Ce fameux démon majeur, dont nous avions entendu parler, n’était alors qu’un concept. Le découvrir dans toute sa réalité ­ — quoiqu’encore emprisonné dans sa gange magique hélas déjà fendillée à quelques endroits — était un spectacle saisissant dont je me souviendrai longtemps. Je ne pensais pas, en quittant mon exploitation, et donc la ville, que je me retrouverais nez à nez avec ce genre de chose. Peut-être qu’à un moment, je prendrai mes fusains pour le dessiner, pour ne jamais oublier cette monstruosité.

Notre grande chance était d’avoir la vestale avec nous : elle nous alors expliqué qu’elle allait faire venir son père, le dragon. En tant que fille adoptive qui touche pourtant sa bille en combat, comme j’ai pu l’observer, je comprends qu’elle préfère s’en référer à lui. Wargrief réussit à la convaincre de rester avec elle pour l’aider, malgré le fait qu’elle ne l’a vraiment jamais aimé du tout. Je me dis qu’après tout, c’est un exorciste donc côté démon, il s’y connaît un peu. Mais nous tous devons quitter les lieux : notre choix est de remonter à l’entrée du puits pour empêcher le salopard de démon qui a piqué le médaillon de Belladone de venir empêcher Lee d’accomplir ce qu’elle a à faire. C’est un moment qui restera un peu nébuleux dans ma mémoire, galvanisée comme je l’étais par le cri de Lee venu des profondeurs. En face de nous se tenaient démons et monstres de chair. Ma nouvelle baguette magique acquise depuis peu fut un peu efficace, mais m’a valu l’attention d’un monstre de feu deux ou trois fois plus grand que moi. Je ne sais pas encore vraiment ce qui a motivé ma décision à ce moment-là, mais j’ai choisi de l’attaquer de face, avec ma poêle de toutes mes forces. Puis de plonger dans le vide, dans le trou béant pour éviter qu’il ne me frappe : choisir ma mort me semblait plus acceptable que lui laisser la satisfaction de me la donner.

Le combat fit rage, et je n’en sais que ce qu’on m’en a raconté par la suite — car oui, grâce soit rendue à Yumi et à son toucher divin, j’ai survécu. De peu, mais quand même. Donc le combat fût épique, et mériterait d’être chanté par des bardes. La rage qui animait Krorin ou Yumi, la provocation efficace de Belladone, les flèches mortelles de Seng, et le coup de grâce donné par Arsène mériteraient tellement plus que ce que j’écris ici. Je suis fière de faire partie d’un groupe de tels compagnons, plein de valeur et de courage, d’une grosse dose de folie aussi. Mais tout cela fut efficace. Et les mots sont faibles.

Ils ont été rapides et vaillants, jusqu’à permettre mon réveil, où ma lucidité l’a emporté sur ma faiblesse et j’ai pu faire avaler à Yumi le contenu de ma dernière potion de soin avant qu’elle ne trépasse. Nous étions tous encore un peu sonnés, mais il a fallu déguerpir au plus vite, et laisser le dragon faire son œuvre. Nous avons eu le cœur pincé à l’idée de laisser Wargrief et Lee dernière nous, mais nous ne pouvions rien faire pour eux et nous en avions conscience. Et alors que nous étions enfin revenus à la lumière du jour, accueillis par de nombreux nains en armes et pleins de traces des violents combats qu’ils avaient menés dans les galeries de la mine, la montagne tout entière s’est mise à trembler. Ensevelir le démon qui tentait de se réveiller était immédiatement la solution qui nous était venue à l’idée, mais seul le dragon en avait vraiment les capacités : et c’est ce qu’il fit. Toute la montagne a collapsé pour enterrer profondément toutes ces engeances. Nous avons alors vu Arsène, fou de douleur, comprendre qu’il ne reverrait pas celle qui avait ravi son cœur, la douce et forte vestale. Nous avons tous pensé à notre exorciste, resté lui aussi dessous dans un ultime sacrifice.

Ouais, enfin pour ce dernier, va falloir relativiser. Parce qu’au final, Belladone a eu une vision grâce à son dieu, et en vrai on nous a joué un tour de cochon. Parce que tout exorciste qu’il était, il était en fait possédé par un démon ! Je comprends mieux pourquoi la fille du dragon ne l’aimait pas. Mais c’était un démon qui voulait jouer un mauvais tour à un autre démon, donc le dieu Io a laissé faire. Voilà : se faire avoir à la fois par un démon et par un dieu, c’est quand même pas rien. Du coup, ce pauvre Wargrief n’était déjà plus lui-même depuis un bon paquet de temps, alors est-ce qu’on peut parler de sacrifice ? Je n’en suis pas sûre. J’ai plutôt envie de me dire « bon débarras » au final.

C’est donc fatigués et blessés, mais soulagés de cette victoire, que nous avons festoyé avec les nains. Sauf Arsène, bien sûr. J’ai aussi été invité par une Maîtresse Naine à venir rencontrer des ingénieurs dans leur ville souterraine. Un bain chaud aussi fut des plus bienvenus, ainsi qu’une bonne nuit de sommeil qui m’attend lorsque j’aurais reposé ma plume. Parce que la suite qui nous attend n’est pas des moindres : nous avons un château sur lequel marcher à six (les nains ne veulent pas intervenir et nous respectons tous cela). En revanche, Seng et le roi nain ont passé un accord béni par Belladone : on rétablit les échanges commerciaux et on supprime le racisme anti-nain, et ces derniers aideront financièrement les rebelles marqués dans leur chair à se relancer avec un pécule de départ.

En tout cas, il y a un chambellan va devoir rendre des comptes.

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