Killian

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Le roi Killian, premier du nom, passait ses journées dans la salle du trône, immobile. De loin, on aurait pu le confondre avec une statue. Il était assis sur son trône d'onyx, ses grandes mains posées sur des accoudoirs rongés par les ronces.

Il était difficile de donner un âge au souverrain. Avec son dos droit et sa peau lisse, il paraissait jeune. Pourtant, l'immense fatigue qui se lisait dans son regard acier trahissait sa vieillesse. Ce n'était pas un homme particulièrement beau avec son nez aquilin et ses joues creuses. Ses longs cheveux ailes-de-corbeau étaient emmêlés. Sa tunique sombre était trempée et déchirée. Mais malgré cette apparence négligée, il dégageait une aura de noblesse.

Un soir, un violent orage avait eventré le toit de la salle. Les gouttes de pluie pouvaient ainsi s'engouffrer par la cicatrice béante, recouvrant les dalles de marbres d'un voile aqueux. Néanmoins, le roi restait insensible à l'averse. L'eau s'égouttait de ses cheveux et dégoulinait sur sa peau pâle sans qu'il ait seulement frissonné.

Du lever au coucher du soleil, ses prunelles mortes scrutaient sa cour désertée. Autour de lui, il n'y avait plus que des souvenirs. Quelle ironie. Durant son règne, il n'avait jamais été vraiment seul. Ministres, maîtresses et chevaliers gravitaient sans cesse autour de lui en quête de faveurs. Le plaisir de l'intimité lui était inconnu. Il y avait toujours un serviteur dans un recoin ou derrière une porte, prêt à bondir au moindre de ses désirs.

À présent, il n'y avait plus qu'une famille de chouettes pour lui tenir compagnie. Les petits ne quittaient pas encore le nid et se blotissaient les uns contre les autres en un petit tas de duvet blanc. Chaque nuit, les parents partaient chasser pour nourrir la tribu sous l'œil vigilant du roi. Il épprouvait un plaisir simple à observer les oiseaux. Leur vie paraissait si sereine.

La solitude ne pesait nullement au monarque. Il en avait assez de tous ces faux-semblants et n'aspirait qu'à la tranquillité. C'est pourquoi il était resté, alors que tous les autres avaient fui vers l'avenir. Sans le poids de la couronne, son existence n'avait plus de sens.

Killian avait oublié la faim, la soif et le sommeil. Il aurait pu rester un siècle de plus au cœur de la citadelle, ignorant le monde. Le temps n'avait plus aucune emprise sur lui. Aucun poison n'avait d'effet sur son corps et sa peau ignorait la morsure du feu. Durant sa longue vie, les tentatives d'assassinat s'étaient succédées, infructueuses. De nombreuses fois, il avait mené ses troupes à la guerre et en était revenu sans la moindre égratignure. Car aucune lame mortelle ne pouvait le blesser. Dans la lande, il était considéré comme un dieu vivant.

Pour obtenir cette immortalité, il avait payé le prix du sang. Dévoré par l'ambition, il n'avait pas hésité et avait conclu un pacte avec les druides. Ces derniers s'étaient montrés clairs : le jour de ses 127 ans, ils viendraient le chercher.

Ce jour fatidique arriverait à l'aube.

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