Chapitre 13

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Depuis qu'on s'est embrassé sur le balcon Eyden m'évite comme la peste et la rentrée approche à grands pas. J'ai passé mes derniers jours de vacances avec les filles, Ian et Nino. Je me suis beaucoup rapprochée de ce dernier et j'ai appris que lui aussi allait débuter sa première année en fac de droit. Je pensais être la plus jeune du groupe mais j'ai été soulagée de savoir qu'une tête familière serait avec moi en cours. 

Seuls Timothy et Eyden étaient absents pour une raison que je suis la seule à ignorer, ce qui me frustre énormément. J'ai compris que Ian les aurait bien a compagnésbsi sa copine ne s'y opposait pas autant, ce qui me fait me poser encore plus de questions. Mon instinct me dit que cette affaire n'est pas nette, je le sens dans leurs regards fuyants lorsqu'on aborde le sujet. Nino m'a rapporté que Timothy et Eyden étaient amis depuis très longtemps et se considéraient comme des frères avant. Je me doute qu'il s'agit du même "avant" dont parlait Rose.

Eyden n'est pas comme Timothy malgré ce qu'il laisse penser, mais une raison inexplicable le pousse à rester avec lui. L'épisode de la plage m'a clairement montré qu'il désapprouvait son comportement mais quelque chose de plus profond le rattache à lui. A chaque fois que j'essaie d'avoir une confrontation pour obtenir des explications, il trouve un moyen de fuir. Et ça m'affecte bien plus que je ne l'aurais pensé. 

J'ai cependant décidé de mettre ces interrogations de côté pour me concentrer sur ce qui est d'actualité : ma rentrée à la fac. Dire que je suis stressée. J'ai plus ou moins réussi à m'intégrer dans un petit groupe mais je n'ai jamais été à l'aise dans une foule. Les professeurs ont été mis au courant de mon problème et j'ai peur qu'il y en ait un qui fasse une remarque en public. 

Mon angoisse n'a pas le temps de monter plus que l'on frappe à la porte. Avec tout ça, j'ai presque oublié que Nino devait venir me chercher. Eyden a déjà ouvert lorsque je parviens dans l'entrée. Il nous dévisage tour à tour avant de comprendre la situation. Un rictus déforme ses lèvres lorsqu'il lance :

—  Comme c'est mignon. Les petits nouveaux se sont donné rendez-vous pour faire leur entrée dans la cour des grands.

Puis il nous plante là pour retourner finir son café dans la cuisine. Alors c'est tout ? On en est simplement revenu aux remarques acerbes ? Je me saisis de mon sac d'un geste rageur avant de suivre Nino dans sa voiture. 

—  Désolée, c'est vraiment un gros connard parfois.

Un rire sincère lui échappa.

—  Je t'en prie, ne t'excuse pas pour lui ! Je le côtoie depuis longtemps alors j'ai l'habitude de ses sautes d'humeur. C'est toi qui es le plus à plaindre à vivre avec lui. 

—  Oh tu sais, on s'évite la plupart du temps.

Je hausse les épaules comme si je n'étais pas plus affectée que ça. Or je le suis beaucoup plus que je ne le devrais. C'est vrai, ça fait deux semaines que je connais Eyden et il est déjà au cœur de mes réflexions. Jamais je n'ai été intéressée par un garçon avant, ce qui me fait me sentir encore plus perdue. Est-ce que ce que je ressens est normal ou bien Eyden y 'a-t-il quelque chose de vraiment singulier qui nous a liés dès le début ? 

J'ai beau essayer d'aller vers lui, la peur s'est installée en moi. Je le laisse franchir certaines de mes barrières et j'ai peur de me retrouver blessée de nouveau. Même si j'ai le contrôle pour l'instant, je sais que c'est moi qui peux lui donner le pouvoir de me blesser ou non selon à quel point je le laisse rentrer dans ma vie. 

J'étouffe un soupir contre ma main. De toute façon, la question ne se pose même pas pour le moment puisque toute tentative de discussion est immédiatement avortée. 

Je me reconnecte au présent lorsque je vois apparaitre l'imposant bâtiment de la faculté de Santa Monica. Avec tout ça, j'en ai oublié de stresser. Je laisse Nino me guider à travers les couloirs et reste en retrait lorsqu'il salue quelques personnes. Il repère aisément notre salle et nous guide jusqu'à notre amphithéâtre. Il connait déjà bien les lieux pour y être venu rejoindre la bande plusieurs fois. 

Nous nous installons vers le milieu de la salle et à peine quelques minutes plus tard, un homme d'un certain âge vient se placer derrière le micro et se présente sous le nom de Professeur Harris. Il commence alors à nous parler des fondements du droit et je prends des notes, emballée. Il nous introduit le domaine en se basant sur les stratagèmes cités par Schopenhauer dans L'art d'avoir toujours raison. Une chose est sûre, les cours vont être intenses avec lui mais le sujet me passionne alors je me promets d'aller chercher dès aujourd'hui le bouquin à la bibliothèque universitaire. 

— Je vous considèrerai comme talentueux en droit uniquement si vous arrivez à comprendre et appliquer le stratagème numéro trente-cinq. Dès qu'il peut être utilisé, il fait perdre à tous les autres stratagèmes leur utilité. En une phrase : les intérêts sont plus forts que la raison. Au lieu d'essayer d'argumenter avec votre adversaire via l'intellect, il faut en appeler à ses intentions et ses motifs. Cela permet également de rallier l'auditoire sous des mêmes valeurs Cela fait appel à l'humain en chacun de nous C'est faire remarquer que ce qu'il défend est contre ses valeurs.

Il balaie l'assemblée du regard et remarque une main levée.

— Je vous écoute, jeune homme. Veuillez décliner votre identité et poser votre question.

— Shun Haley. Cela impliquerait donc que nos opinions puissent diverger de nos valeurs. Les deux termes ne se rejoignent-ils pourtant pas ?

— Je vous félicite pour la pertinence de votre remarque. En effet, d'un point de vue purement...

Je n'entends pas la suite de sa phrase, bien trop concentrée sur le dénommé Shun. Il finit par sentir le poids de mon regard sur lui et ses yeux croisent les miens alors qu'il hausse un sourcil d'une manière qui m'est désormais familière. Parce qu'il le fait à l'identique de son frère. Parce que je suis convaincue qu'il s'agit du petit garçon de la photo avec quelques années en plus.

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