Chapitre 6

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Tout compte fait, si j'avais su à quoi m'attendre, j'aurais sûrement refusé cette sortie à la plage. "Quelques amies" sont en fait trois amies de Rose ainsi qu'Eyden et sa bande de potes l'ayant interpellé l'autre jour. Tout à fait charmant. Je ne me sens vraiment pas à ma place, surtout que je suis la seule à avoir choisi un maillot de bain une pièce.

C'est donc tout naturellement que je les laisse aller s'amuser tous ensemble dans l'eau en leur assurant que ça ne me dérange pas de garder les affaires. Ce qui m'arrange d'autant plus car ça m'évite de leur avouer que mes compétences en nage sont restées au stade du barbotement.

Je reste donc seule à penser à ce que m'a dit Rose en me prenant à part tout à l'heure. Elle m'a avoué avoir fait des recherches sur ma pathologie une bonne partie de la nuit, regardant des témoignages et des solutions proposées par certains médecins. Elle ne m'a pas forcée à en parler mais m'a fait comprendre qu'elle est là pour en parler, que je peux trouver un soutien en sa personne à Santa Monica. Son comportement m'a d'abord laissée perplexe. Personne n'a pris cette peine pour moi avant. Chercher à me comprendre, chercher à comprendre ma maladie et encore moins chercher à comprendre mon nouveau quotidien.

Je les regarde de loin avec envie. C'est comme ça que je me sens sans cesse avec les jeunes de mon âge, en marge de leurs rires et de leurs délires. J'entends quelqu'un s'assoir sur la serviette étendue à côté de la mienne et tourne la tête vers celle que je me souviens être Stephany. Elle doit être rousse comme le supposent les quelques taches de rousseur qui parsèment son visage. Elle m'adresse un grand sourire que je lui retourne plutôt timidement.

— Tu es mal à l'aise.

Alors que je vais parler pour la contredire, elle reprend :

— C'est normal, ce n'est pas facile d'arriver dans une bande d'amis qui se connaissent déjà.

Je tourne de nouveau mon regard vers la mer où les autres sont encore en train de s'amuser dans les vagues. J'hésite un instant avant de lâcher.

— Il me semblait pourtant que Rose n'appréciait pas les nouveaux amis d'Eden

Son regard suit le mien.

— C'est vrai. Tu vois Ian et Mallaury qui chahutent là-bas ? Ils sortent ensemble depuis trois ans et c'est comme ça qu'on a commencé à trainer tous ensemble. Timothy est le plus pénible, ça fait deux ans qu'il essaie de draguer Rose. Le plus petit c'est Nino. Je ne sais pas pourquoi il traine avec eux parce que c'est un type vraiment bien, gentil et intelligent.

Je vois ses joues se colorer et me doute que le charme de ce Nino est loin de la laisser insensible.

— Enfin quand on les connait, ils ne sont pas bien méchants. Ils ont des activités un peu douteuses des fois mais rien de bien mauvais.

Je décide de classer Stephany dans la catégorie des gens sympathiques. Elle ne me connait pas mais elle m'ouvre déjà son cœur en n'hésitant pas à me dire franchement ce qu'elle pense.

Les autres nous rejoignent peu de temps après et Rose s'amuse à venir me mouiller en essorant ses cheveux au-dessus de moi. Je ris, c'est plutôt agréable et ça me rafraîchit. Elle part ensuite avec les filles et Ian pour aller chercher des glaces pour le groupe. Je me sens de nouveau à l'écart. Je ne connais ni Nino ni Timothy et mes rapports avec Eyden sont tendus la plupart du temps. Rose est celle que je connais le plus mais je ne veux pas la coller alors qu'elle passe du temps avec d'autres amis. Je chasse du sable de ma serviette avec le bout de mon pied, mal à l'aise.

— Alors comme ça tu nous viens de Brentwood ? J'ai un cousin qui habite là-bas donc je connais un peu.

Je me tourne pour voir Nino qui me regarde avec un air bienveillant et je comprends immédiatement ce que Stephany peut lui trouver. Ses longs cils mettent en valeur son regard profond et il a l'air d'être quelqu'un de très lumineux. Nous parlons de ma ville natale tous les deux jusqu'à ce que les autres reviennent. Je me suis déridée un peu et accepte ma glace à la pistache avec plaisir.

J'attaque la fin de mon cornet quand je décide de me lever pour aller tremper mes jambes dans l'eau. Le soleil tape vraiment fort ici et j'ai besoin de me rafraîchir. Je m'éloigne un peu de tout le monde, naturellement attiré par les endroits moins peuplés, avant de m'arrêter pour contempler cette immense étendue d'eau. Même sans en voir les variations, je sais que les reflets du soleil brillent sur elles. Je le vois au blanc presque aveuglant que j'ai en face de moi. Le soleil est un des pires ennemis des achromates alors je veille bien à ne pas quitter mes lunettes de soleil dans cette ville qui semble baigner dans le soleil toute l'année.

Soudain, je me sens décoller et pousse un cri de surprise. J'ai juste le temps d'apercevoir Timothy que me tient sur ses épaules et qui s'avance vers les gros rouleaux.

— Allez bébé, ne fais pas ta timide et viens plutôt t'amuser avec nous.

Je réagis instinctivement au surnom en me remettant de ma surprise et le pince, tordant sa peau entre mes doigts. Il pousse un cri de douleur et me lâche. Mince, je n'ai pas prévu ça et il a avancé suffisamment pour que je n'aie plus pied. J'agite mes pieds et mes bras pour rester à la surface mais une grosse vague m'emporte, annulant tous mes vains efforts. J'ai l'impression d'être dans un tambour de machine à laver, je ne fais que tourner sans plus savoir où se trouve le haut ni le bas. Je me prends du sable dans la bouche et l'air commence rapidement à me manquer. La force de l'eau est trop grande pour moi.

D'un coup, je me sens repêchée par deux bras forts qui me ramènent à l'air libre. Je prends une grande goulée d'air mais ma respiration reste saccadée, fébrile. Heureusement que mon sauveur me maintient fermement contre lui car je tremble de tous mes membres, sous le choc. Alors que j'ouvre les yeux pour tenter d'apercevoir son visage, je suis éblouie par le soleil et j'ai l'impression qu'il me transperce le crâne avec une lance ardente. Merde, avec tout ça, j'ai perdu mes lunettes et le courant ne me permettra pas de les retrouver ! J'ai une deuxième paire à la maison mais il m'est impossible d'ouvrir les yeux sans elles avec un soleil si éclatant et aveuglant.

— Tu es con ou quoi ? On ne balance pas les gens dans la flotte sans prévenir. Elle a failli se noyer par ta faute connard, heureusement que je vous ai suivi !

Je reconnais la voix de mon ours et me protège un peu plus dans cette étreinte protectrice. Ce mot ne colle pas vraiment avec Eyden mais tant pis, il est la personne qui m'est la plus familière ici et je ne suis pas en état de lutter. Je l'entends continuer à s'engueuler avec Timothy.

— C'est bon calme-toi. C'est pas ma faute si elle ne sait pas rigoler cette pétasse qui se croit trop supérieure pour ester avec nous.

Je sens le torse contre lequel je suis calée se détacher de moi un instant avant d'entendre le bruit caractéristique d'un coup qui part.

— Dégage !

Je devine rien qu'au son de sa voix qu'Eyden est dans une fureur noire. Je suppose que l'autre est parti lorsqu'il ajoute d'une voix emplie de sollicitude.

— Tu vas bien ? Pourquoi tu n'ouvres pas les yeux ? Tu as peur ?

Il passe sa main dans mes cheveux comme pour me rassurer. Je dois m'être pris un coup sur la tête. Me rassurer ? Nous parlons bien du même Eyden qui m'a dit de me rendre invisible le premier jour ? Je me mords les lèvres, comme à chaque fois que j'hésite à propos de quelque chose et que je suis travaillée.

— Non, c'est hum...A vrai dire j'ai fait une conjonctivite avant de venir ici et mes yeux sont encore très sensibles au soleil et comme j'ai perdu mes lunettes...

Il pousse un profond soupir avant de s'écarter de moi. Je panique un peu de me sentir plantée, là, toute seule sur la plage comme une aveugle. Même mes mornes nuances de gris commencent à me manquer.

Pourtant, à peine quelques secondes après je sens un morceau de tissu être enroulé autour de ma tête comme un bandeau. Je reconnais l'odeur d'Eyden dessus et je me détends malgré moi.

— Avance un peu, je vais te porter sur mon dos.

Un peu gênée, je m'exécute en silence. Je l'entends crier à Rose de prendre nos affaires pour nous avant qu'il ne se mette en marche vers ce que j'espère être la maison. Je finis par poser la tête sur la sienne sans qu'il ne dise un mot. Je ne sais pas ce qu'il est en train de se passer mais je suis bien décidée à profiter de cette nouvelle facette d'Eyden.

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