Seize

9 minutes de lecture

Lena-rose

Je suis dans le noir, je ne comprends pas ce que je fais ici, ni comment je suis arrivée là ?
Même si je ne vois pas grand-chose, je peux reconnaître cet endroit les yeux fermés.
L'odeur du parquet mélangé à la sueur, la résonance de mes pas,cette salle de danse j'y est passé toute ma vie. Mais aujourd'hui je suis à des milliers de kilomètres de ce lieu. Alors comment je peut me retrouver là ?

Je ne comprends pas ce que je fais ici ?

Je suis immobile, au milieu de la grande salle que j'ai quittée il y a des semaines maintenant .
Il me semble qu'une éternité s'est écoulée depuis.

J'entends une voix au loin, une voix que je pensais ne plus jamais entendre...

- Maman ? Maman ? C'est toi ?demandé-je

- Oui ma puce, c'est bien moi. Pourquoi es-tu partie ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ?

Je suis pétrifiée par ses mots, des picotements m'envahissent de la tête aux pieds, des larmes dévalent sur mes joues...

- Maman ? Mais où es-tu ? Je suis désolée, tellement désolée, je... je voulais... je ne voulais pas... je...

Une boule se forma dans ma gorge, j'ai du mal à articuler.

- Ma puce, je suis là, tout près de toi, viens, viens vers moi.

Je traverse la salle de danse au ralenti. J'ai l'impression que mon corps pèse une tonne. Arrivée devant la grande porte vitrée qui sépare le couloir de la salle, je m'immobilise un instant, j'essaie de reprendre mes esprits, je respire calmement,j'ouvre la porte qui grince comme dans mes souvenirs, je mets un pied dans ce long couloir que j'ai si souvent arpenté. Et là, tout au bout, je la découvre. Là, debout devant sa porte de bureau. Elle me sourit, me regarde avec ses yeux remplis d'amour. Elle tend la main vers moi et m'encourage à venir vers elle...

- Oooooh maman, tu m'as tellement manquée, si tu savais !
A l'instant même, tout le poids que je portais sur mes épaules s'envole.
Elle est là, devant moi, aussi radieuse que dans mes souvenirs. Elle seule compte pour moi à cet instant.

Mes pas me portent jusqu' à elle. J'ai l'impression de voler, elle m'a tellement manqué.

Je m'arrête à quelques mètres d'elle et ferme les yeux une seconde, afin de graver ce moment dans ma mémoire.
Et quand je les rouvre... elle est toujours là, mais elle n'est plus seule.

A ses côtés, lui tenant le bras pour la soutenir, se trouve mon pire cauchemar ! ALAN !

Il se tient là, fièrement et me regarde d'un air menaçant.

Comme à chaque fois qu'il le faisait quand nous étions ensemble , je baisse la tête par reflex.

Il dégage une aura à la fois magnétique et dangereuse.
Ses yeux d'un bleu limpide me foudroient, mais je ne suis plus cette petite fille aujourd'hui.
Je ne peux pas le laisser lui faire du mal.

- Lâche ma mère Alan! Elle ne t'a rien fait !

- Mais de quoi tu parles ma puce ? me demande maman. Alan est adorable avec moi. C'est toi qui devrais être à ses côtés en ce moment. Ce jeune homme t'aime tellement ! Pourquoi lui as-tu brisé le cœur ? Pourquoi l'as-tu quitté ?

Je suis stupéfaite,mais également en colère. Mes larmes me brûlent les joues. Comment peut-elle me dire cela ? Si seulement elle savait.

- Maman, écoute-moi, je t'en prie, tu ne sais pas, il... c'était... mal... tellement...

Je n'arrive pas à lui dire,c'est trop dur.
Je releve la tête vers eux et commençe à faire un pas.
J'aperçois Alan me sourire, ses lèvres bouge, mais aucun son n'en sort, afin que je sois la seule à savoir ce qu'il dit : Tu seras toujours à moi bébé.

Ma mère n'ayant pas vu ce qu'il s'est passé, continue de me parler :

- Je ne comprends pas ce que tu dis ma puce.

Je tend la main vers elle, mais Alan m'empêche de la toucher. Il l'a fait reculer dans son bureau et avant de fermer la porte, me dit tout bas :
- C'est de ta faute Lena rose ! Ta mère comptait sur toi ! Maintenant il est trop tard...

- Mamannnnnn

Je me réveille en sueur, le visage inondé de larmes et le cœur battant à mille à l'heure.
Je suis assise dans mon lit, chez les Colins. Il ne me faut que quelques secondes pour me rendre compte que ce n'était qu'un rêve, ou plutôt, un cauchemar. Pour la première fois, mes pires peurs y étaient réunies.
Je ne sais pas combien de temps cela va durer, mais à ce rythme, je ne donne pas chère de ma peau.
Je prends mon téléphone, que j'avais glissé hier soir sous mon oreiller, le déverrouille pour regarder l'heure, 5h49...
Super la grasse mat ! Ça ne sera pas pour aujourd'hui !
Je décide donc de me lever et prendre une longue douche bien chaude, histoire de me débarrasser de toutes ces tensions.
Entre les émotions d'hier soir et cet horrible cauchemar, il me faudrait bien 24 heures non stop sous la douche pour me faire un minimum d'effet.

Une fois à peu près remise, je passe un leggings noir, un long tee-shirt large de danse prune et une paire de chaussettes noires en pilou-pilou.
Ouais je sais pas très classe, j'ai conservé mes habitudes vestimentaires de danseuse. C'est plus fort que moi. C'est confortable et je m'y sens bien dedans.
Je me fais un chignon flou et me dirige vers la cuisine pour y prendre un bon café.
Il est tôt, je suis donc surprise d'y découvrir Julia entrain de préparer des tartes aux pommes, à tout juste 6h30 du matin.

- Bonjour Julia, vous êtes très matinal aujourd'hui !

- Je pourrais en dire autant de toi, me dit-elle d'un air amusé.

- Heuuu... Ouais, pas faux. Mais moi je n'en suis pas à ma troisième tarte maison, lui réponds-je en me marrant.
Après cet effroyable cauchemar, ça fait du bien de passer un moment plus léger.

- C'est pour mon club de lecteur. Je me suis levée de bonne heure, en même temps que Will car  Il avait rendez vous avec Marco ce matin. Il est partit très tôt, j'en ai donc profité pour prendre de l'avance dans la préparation de mes tartes. Tu l'as loupé, me dit-elle toute souriante.

- Un rendez-vous à 6h30 ? C'est un peu tôt, ne puis-je m'empêchais de lui faire remarquer.

- Oui je sais. Mais le rendez-vous est à plus d'une heure de route d'ici. Une histoire de fournisseur si j'ai bien compris. Will donne parfois un coup de main à Marco. Ils se connaissent depuis longtemps tu sais.

Je ne réponds pas car de toute façon il n'y a rien à répondre.

Vu qu'elle a l'air bien bavarde ce matin, j'en profitai pour lui demander :

- Je peux vous poser une question Julia ?

- Bien sûr ma belle.

- Comment vous vous êtes rencontrés avec Will ?

Elle se tourne vers moi, arrête ce qu'elle était entrain de faire, nous sert deux tasses de café bien chaud et vient s'asseoir en face de moi.

- En faite, commence-t-elle, Will travaillait chez mes parents. Cette maison, où j'ai le plaisir de t'accueillir, était à l'origine une auberge, tenue par ma mère, mon père et ma grand-mère.
Elle marchait très bien à l'époque. Will a été embauché par mes parents à l'âge de 18 ans. Ça ne devait être que pour l'été normalement, mais au final il n'est jamais reparti.

- Ah bon ?

- Oui, il a dit qu'il se plaisait ici. Il a donc était embauché comme homme à tout faire et moi je fus la plus heureuse des jeunes filles.
Quand il est arrivé à l'auberge, je n'avais que 13 ans. J'ai tout de suite eu le béguin pour lui.

- Et lui ? Demandé-je un peu trop pressante.

- Tu sais, je n'étais qu'une petite fille à l'époque. Et puis j'étais renfermée sur moi-même, réservée et un peu sauvage, je ne faisais pas confiance aux gens que je ne connaissais pas...

Je la regarde avec des yeux choqués. J'ai du mal à l'imaginer autrement que souriante et attentionnée.

Elle remarque mon étonnement et m'explique dans la foulée :

- J'étais dyslexique, je le vivais très mal. Au collège, les enfants n'étaient pas très sympas avec moi. Ce n'était pas quelque chose de reconnu à l'époque. Les enfants dyslexiques étaient considérés comme des élèves bêtes et nuls, ne faisant aucun effort, voués à l'échec... un de mes professeurs m'avait même pris en grippe. Ce fut très difficile pour moi. Au bout du rouleau, j'ai fait une grosse dépression et mes parents ont du me déscolariser pour me préserver.
Du coup, maman me donnait des cours à l'auberge et j'aidais mes parents au ménage, à la cuisine... je voyais donc Will très souvent et cette situation me convenait très bien dû coup.
A l'adolescence, j'ai eu l'espoir qu'il s'intéresse enfin à moi. Mais non. Il faut dire qu'il avait du succès avec les filles du coin, alors une fille comme moi tu penses bien...
Mais tout a changé quand ma grand-mère et mon père ont eu un accident de voiture. Je n'avais que 25 ans quand ils sont décédés. Ma mère ne l'a pas supportée, ça l'a anéantie, elle ne s'en est jamais remise...
Elle est décédée 3 ans après.
Je me suis donc retrouvé seule avec cette grande bâtisse sur les bras, à ne pas savoir quoi faire.
Je me suis tournée vers la seule personne en qui j'avais confiance...
Cette nuit là, Will et moi avons parlé jusqu'à l'aube et avons échangé notre premier baiser.

J'étais, malgré tout ce qui m'arrivait, la plus heureuse des femmes ce jour là.

- Mais pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour vous embrasser ?
Oui, la curiosité est un vilain défaut. Mais Will m'horripile tellement...

- Je lui ai posé la question ce soir là, justement. Il m'a répondu qu'il ne voulait pas manquer de respect à mes parents. Qu'il savait bien que j'étais très fragile et qu'il n'avait pas voulu tirer profit de la situation ni m''intimider. Mais lorsque j'ai fais le premier pas, ce soir là, en l'invitant, il en a profité pour me dire ce qu'il ressentait pour moi.
Nous nous sommes mariés 6 mois plus tard et depuis nous gérons l'airbnb à parts égales.

L'histoire aurait pu m'émouvoir si Will ne faisait pas parti de l'équation.
Mais bon sang ! Elle doit sacrément être accro pour ne pas se rendre compte qu'il a tout simplement profité de sa naïveté.

Après cette charmante conversation, je me décide à sortir pour aller réglé un problème qui me trotte dans la tête depuis hier soir : qu'est ce qu'Hayden Anderson faisait près du club ? Qu'attendait-il dans sa voiture ? Et pourquoi a-t-il déguerpie au moment où il s'est rendu compte que je l'avais vu ?
Je me fais peut être des idées, mais il faut que j'en ai le cœur net !

C'est donc dans un taxi, 2 heures plus tard, que je suis assise, en essayant d'indiquer tant bien que mal au chauffeur, une route que je ne connais pas vraiment.
Je n'ai même pas pris le temps de me changer, je suis partie sur un coup de tête, sans vraiment réfléchir.
Pour commencer, il faut que je trouve une solution pour rentrer dans sa propriété une fois sur place.
Celle-ci est aussi bien gardée qu'une forteresse. C'est donc loin d'être gagné.

Vingt petites minutes plus tard, je me retrouve devant une immense porte. Mon doigt à un millimètre de la sonnette. Ça fait au moins cinq minutes, que j'hésite, comme une imbécile, à appuyer dessus.
A mon grand étonnement  le petit portail piéton de la résistance était mal enclenché du coup  finalement, j'ai pu m'introduire très facilement dans la propriété.

Et maintenant, je me sens très stupide d'être là !

J'arrête de cogiter, prends mon courage à deux mains et appui sur le bouton de la porte d'entrée.
J'ai le cœur qui bat la chamade, j'ai l'impression d'être une gamine prise la main dans le sac.
Mais je n'ai pas le temps de rebrousser chemin que la porte s'ouvre.

Je me retrouve nez à nez avec un homme, qui pour seul vêtement porte, une serviette de bain nouée à ses hanches.
Il est élancé et fin, bien dessiné et pour ne rien arranger à mon malaise il est trop canon !
Lui aussi !? Mais c'est quoi cette baraque ? Un repère de beaux gosses ou quoi ?

Je le dévisage un peu plus et là... surprise !
Mais merde, je le connais ce type, c'est...

- Hayden, hurla-t-il, il y a un petit chaton toutes griffes dehors pour toi devant ta porte d'entrée !

- C'est quoi ce délire ? réussis-je à dire. Mais vous êtes l'homme bizarre du club ?

- Enchanté, me dit- il avec son plus beau sourire, mais ce n'est pas à moi qu'il faut t'en prendre ma chérie, c'est au connard qui me sert de frère, rigole -t-il.

Monsieur le connard ne perd rien pour attendre !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Luxevita ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0