Dix

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Lena-rose

Depuis que j'ai commencé au club, j'arrive tous les jours quinze minutes en avance. J'aime prendre mes marques et me mettre dans la peau du personnage de « petite française en marinière » que je me suis créé.

Ce rôle rend le boulot plus supportable et me donne l'impression que ce n'est pas vraiment moi qui suis sur scène. Mais aujourd'hui encore, je suis plus fatigué que la veille.
Depuis cette fameuse nuit, je dors encore plus mal qu'avant. Même si je ferme ma porte à clef, je ne suis pas rassurée pour autant.

Je me suis faite au rythme du travail. L'ambiance est loin d'être celle d'une colonie de vacances. Les filles entretiennent entre elles une sorte de concurrence que je ne comprends pas très bien.
Mais je m'en fou, tout ce qui compte pour moi, c'est de bosser. J'aimerai au plus vite pouvoir me trouver un petit appartement à louer. N'importe où, n'importe quoi dans un premier temps, du moment que je me retrouve loin de Will Colins.

- Salut la ptite française, me dit une des filles. Alors aujourd'hui, tu vas enfin nous faire l'honneur de dévoiler un peu plus de ton corps ? Car franchement ton côté sainte ni touche commence sérieusement à nous gonfler. C'est pas comme ça qu'on va se faire de gros pourboires.

Voilà, pas du tout l'ambiance colonie de vacances, comme je disais !

- Désolé Emy, de ne pas ressembler à une traînée, je ne suis pas là pour me faire sauter. Je danse, c'est tout.
Pas besoin d'être à moitié nue pour le faire.

Si elle n'avait pas vu que je n'étais pas d'humeur aujourd'hui, là je pense que c'est fait.

- Ouais ouais sainte ni touche, se marre-t-elle. C'est ce qu'on va voir.

Sur ce, elle tourne les talons pour retourner dans la loge et me fit profiter au passage de son postérieur bien musclé, orné d'un string à paillettes avec porte jarretelles et tout ce qui va avec...
Moi là dedans, jamais de la vie !

Après le passage par la case échauffement obligatoire, on se réunit toutes sur la scène pour répéter. Le directeur artistique n'est pas tendre avec nous. En plus, il me demande de faire de plus en plus de mouvements lascifs. Ça me gonfle, je ne suis pas ce genre de fille. Je suis là pour danser.
J'ai essayé d'en parler à Marco. Il m'a dit que c'était tout à fait normal. Ce genre d'attitude attire les clients. Il m'a expliqué qu'il ne fallait pas que je le prenne personnellement, c'est juste du business.
Ouais bien sûr, moi quand j'ai accepté le contrat, il était question de ma propre façon de danser. Je ne sais pas ce que je m'imaginais. Qu'est ce que je suis naïve. C'est vrai, on n'est pas à Broadway, mais quand même...
La réalité, c'est que je suis là pour divertir les clients, qui pour la plupart, sont, soit de jeunes fils à papa, soit de riches hommes d'affaires de plus de quarante ans.

- Putain Yvana, si tu continues d'être aussi nul, je te renvoie en Russie sans préavis, hurle Nick, le directeur artistique.

La pauvre gamine se recroqueville sur elle même et devient encore plus livide qu'à son accoutumé. C'est donc par instinct que je me tourne vers elle pour lui montré ma solicitude.

- Ça va? Demandé-je gentiment.

- Oui, me réponds-elle faiblement.

Autant les autres sont de vraies pestes, autant Yvana est discrète. Totalement l'opposé des autres filles, elle est distante, renfermé sur elle-même et timide.
Mais surtout jeune, trop jeune ! A peine 18 ans je dirais. Je ne connais pas son histoire, mais elle n'a pas l'air très glorieuse.

La répétition s'est finalement plutôt bien passée, mais ce soir, je vais devoir faire une danse sur la barre. J'ai essayé de refuser, mais rien à faire. Impossible de négocier avec Nick.
Une des danseuses est malade et je suis la seule à être libre sur son créneau. J'ai bien compris que ce genre de spectacle était bien apprécié des clients, et qu'ils étaient du coup, plus généreux en pourboire que le reste des scènes. Les sommes récoltées étant mises en commun, même si le club se sert de trente pour-cent au passage, cela arrondi bien les fins de mois. Une bonne technique pour motiver encore plus les danseuses à se trémousser et se lâcher. Donc, même les filles ne m'ont pas vraiment laissé le choix.
Je ne sais pas comment je vais réussir à faire ça. Comment trouver le courage ? Ça me rend malade. Je trouve ça tellement dégradant, ce qui m'en donne la nausè.

Mais c'est ça ou prendre le risque de me faire virer. Je me suis mise dans de beaux draps sérieusement. Quelle belle merde !

Au moment de me préparer, je me rends compte que les vêtements que j'avais prévus ne sont plus là. A la place, il y a un string noir en simili cuir, des bas noirs à strass et une petite nuisette rouge en résille, bien trop transparente à mon goût.
Je ne peux pas mettre ça ! J'en reste figée et l'angoisse commence à m'envahir et me submerger.

- Un problème la ptite française ? Me dit Emy d'un air narquois.

Je ne bouge toujours pas. Le show va commencer, mais je reste là, tétanisée devant la tenue.

- Qu'est ce que tu fou toi? Me crache Nick, sans ménagement.

- J'ai un problème, ce ne sont pas les vêtements que j'avais prévus pour ce soir, lui répondis-je en lui montrant la tenue du doigt.

- Je m'en fou pas mal moi ! Tu t'habilles où je te vire sur le champ !

Mon sang se glaçe, mes yeux reste écarquillé sur cette homme qui nous considère pas mieux que si l'on était des bouts de viandes .

**********
Hayden

- Merci d'avoir pensé à moi brother, me dit ironiquement Leny. Je ne vois pas comment je vais pouvoir m'éclater ici.

- Tu n'as qu'à t'en prendre à la production ou à Wyatt. Moi non plus ça ne m'éclate pas du tout d'être ici.

- Mais bien sur, Hayden, à d'autres. C'est sûr que ça doit être trop dur d'avoir à regarder autant de nanas se trémousser à moitié à poil, se marre Leny avec un clin d'œil.

Dans d'autres circonstances, je ne dit pas que la soirée m'aurait déplu. Mais là, franchement, j'ai vraiment pas la tête à ça.
La production m'a gentiment suggérer de me rendre dans ce club, je cite :

« Tu dois impérativement te rendre vendredi soir au Ying Yang à Cocoa Beach, pour t'imprégner de ton prochain rôle. Ps : Hayden, ceci n'est pas une demande. Tu y ramène tes fesses, la prod ne te laisse pas le choix. »
Voici le message que j'ai reçu hier de mon meilleur pote Wyatt.
Parfois, il me rend dingue.

Le seul point positif, c'est qu'on se retrouve tous les quarte dans cet endroit et ça c'est cool.
Mes deux frères, Wyatt et moi-même. On a fait les quatre cents coups ensemble. Mais depuis qu'on a tous nos carrières respectives, il est devenu difficile de se retrouver.
Cette fois le hasard fait bien les choses.
Aaron est venu chez moi faire le point sur le dossier, la reine des garces, Christalle. Du coup il a décidé de rester jusqu'au lendemain pour me soutenir dans cette période difficile. Même si pour ça, il a dû laisser sa femme et ma nièce Calista, ce qui me touche beaucoup.
Leny de son côté, s'est fait poser un lapin à la dernière minute. Comme à son habitude, dans ces cas là, il a débarqué à la maison pour se défouler. Qu'est ce que ça me fait marrer de le voir se mettre dans des états pareil pour un flirt. Il est tellement égocentrique que ça lui fait péter les plombs.
Quand à Wyatt, il est toujours là quand il s'agit de faire la fête.
Là pour le coup, étant aussi mon manager, je pense plutôt qu'il veut s'assurer que j'aille bien au club que la prod a choisi pour que je m'imprègne du rôle de mon prochain film. Il est malin mon Wyatt.

En arrivant sur place, je suis relativement surpris. L'établissement est assez classe, plusieurs banquettes sont installées de part et d'autres de la scène afin de profiter du spectacle ou discuter tranquillement sans être déranger.
Certes ce n'est pas mon délire de voir des filles se vendre comme ça, mais si elles assument, c'est leur choix. Pour ma part, je trouve ça assez dévalorisant et dégradant pour la gent féminine.

- Hé les gars, ça vous dit de nous trouver un endroit tranquille pour s'asseoir ? Je vais commander au bar de quoi nous mettre dans l'ambiance. Qui veut quoi ? C'est ma tournée! Nous demande Aaron.

- Whisky sec pour moi s'te plait, j'en ai grandement besoin, lui dis-je.

Wyatt préfère rester sobre, au cas où la production appellerai, pour savoir comment ça se passe. Il commande seulement une bière.

Quand à Leny, fidèle à lui-même, il choisit un cocktail surprise, en prime préparé par le barman canon, comme il le précise.
On se marre tous à sa réplique. Il n'y a pas mieux que lui pour détendre l'atmosphère.

Ça fait un ptit moment qu'on est là et franchement je pense avoir compris l'idée générale que je dois me faire de mon personnage. Maintenant je n'ai qu'une envie, rentrer chez moi.
C'était sans compter sur Wyatt, qui finalement a décidé de profiter de la soirée. Il nous entraîne vers la scène principale où, comme il nous l'a expliqué, les spectacles sont plus intéressants.

S'il savait comme son idée de merde me fait chier là tout de suite.
Après tout, ils ont tous fait l'effort d'être là pour moi ce soir, je ne peux pas leur faire ça et je ne suis plus à cinq minutes près. Je vais les suivre, sans me soucier du spectacle. Et quand ils en auront marre on pourra enfin rentrer.

En se dirigeant vers les tabourets près de la scène, Aaron nous menacent de nous ruiner tous un par un. Si sa femme apprend qu'il a mis un pied ici...

C'est donc en se foutant de sa gueule que nous nous installons confortablement pour regarder des filles se trémousser comme de vraies salopes.
Au moment où je lève les yeux vers les barres, mon cerveau reste bloqué sur ce que j'y vois.
Le petit chaton, que je prenais pour une fille timide et réservée, toute mignonne, est là devant moi, à moitié nue, en train de se frotter sur une des barre. Le spectacle me fait froid dans le dos. J'ai été bien con à son sujet. En fait, elle est comme toutes les autres. Quelle actrice !

Pourtant au moment où ses yeux ont croisés les miens, mon cœur rate un battement. De son côté, elle se tétanise et devint livide.

- Putain! Hurlais-je, en donnant un violent coup de pied dans le tabouret près de moi.

- T'es malade Hayden, qu'est ce qu'il t'arrive là bordel ? Me demanda Aaron.

Je le fusille du regard et sans répondre, me sauve presque en courant de cet établissement de merde.

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