CHAPITRE IV : LARS - ÇA S'EN VA ET ÇA REVIENT

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Être plaqué sur un lit par un dieu, certains pourraient trouver ça très excitant. Pas Lars. Aussi beau fut ce Leïv, il n'avait qu'une seule envie : l'envoyer valser à l'autre bout de la pièce. Il ne pouvait malheureusement pas compter sur ses maudits pouvoirs et encore moins sur ses maigres forces physiques. Pour une raison qu'il ignorait, Lars se sentait complètement vidé. Était-ce en lien avec ce monde ? Et cette chaleur insupportable qui n'arrangeait rien du tout ! Pire, le magicien avait encore plus chaud à cause de l'autre idiot qui s'était confortablement installé sur lui.

— Non mais lâche-moi ! cracha Lars en agitant les poignets dans une tentative désespérée de se défaire de la prise de Leïv. Tu m'écrases, sale chat de gouttière !

— C'est tout ce que tu as trouvé ? Franchement ? Tu n'es pas en position de force, alors je te conseille d'être plus aimable à mon égard. Ça n'a jamais fait de mal, un peu de politesse.

— Toi, tu me parles de politesse ! Non mais ! On ne traite pas des invités de marque comme tu le fais ! Maintenant, lâche-moi tout de suite !

Leïv se pencha davantage vers lui sans se départir de son regard moqueur. Lars tenta alors une dernière parade pour se sortir de ce pétrin : il plaqua tout bonnement ses lèvres sur celles du rouquin. Comme il l'avait espéré, ce dernier fut tellement surpris par son geste qu'il sursauta et se recula légèrement. Lars en profita pour le repousser en arrière et sauter hors du lit, avant de se ruer en dehors de cette chambre décorée avec si mauvais goût !

Non pas que l'alliance de l'or et du bois soit hideuse, bien au contraire, ce qui le dérangeait vraiment, c'était de voir ce visage absolument partout. Sur les murs, sur les meubles, en peinture, en statue, et bien d'autres choses... Et toujours avec ce rictus jusqu'aux oreilles... Qui pouvait sourire à ce point ? Exaspérant !

Pour le moment, l'enquiquineur ne semblait pas s'être lancé à sa poursuite. Une bonne chose, quoique surprenante au vu de sa manie à vouloir constamment le garder entre ses cuisses... Hum, ce n'était peut-être pas la meilleure façon de formuler la chose, le voilà maintenant avec la tête remplie d'images pas très catholiques impliquant sa personne et un certain félin mystique ! Il n'avait certainement pas besoin d'imaginer des choses pareilles en pleine situation de crise !

Tout en tentant de calmer ces absurdes pensées, Lars traversa ce qui devait être une grande salle de séjour, avec de nombreux sièges et sofas disséminés un peu partout. Il n'y avait pas d'autre pièce, ce qui voulait dire que les portes tout au bout ne pouvaient mener qu'à l'extérieur. Enfin une bonne nouv... Ah... C'était.. plutôt haut.

Voilà sans doute pourquoi Leïv ne se donnait pas la peine de le rattraper. Il devait se dire qu'il n'oserait pas risquer de se rompre le cou dans la descente de cette espèce... d'arbre ? C'était bien un arbre, ce truc, n'est-ce-pas ? Peu importe... Le matou se trompait lourdement ! Lars n'était pas sujet au vertige, et même s'il valait mieux éviter de recourir au vol avec ses pouvoirs ne fonctionnant pas correctement, il arriverait à s'échapper !

Il remarqua bien vite l'escalier de feuilles dorées au niveau du tronc. Sans perdre un instant de plus, il s'y précipita, s'accrochant à la rambarde tout en priant pour ne pas trébucher comme un idiot. Il était peut-être extraordinaire, mais pas au point de survivre à une chute de cette hauteur. Et il courut, courut, descendant les marches une à une, tournant et tournant encore et encore jusqu'à ce que sa tête ne suive plus, se frustrant de ne pas voir le sol se rapprocher aussi rapidement qu'il le souhaiterait... Jusqu'à l'inévitable.

La faute à quoi ? Les marches étaient-elles trop glissantes ? En avait-il manqué une ? Ses pieds se sont-ils emmêlés ? Au final, le savoir n'avait pas vraiment d'importance. Seul comptait le résultat.

Mais qu'ai-je fait à l'Univers pour mériter ça ? songea Lars alors qu'il faisait un vol plané sous un soleil de plomb. Il essaya de canaliser ses pouvoirs, hélas sans succès. Finir étalé comme une crêpe en plein milieu d'une savane, quelle mort vraiment stupide ! Alors que l'impact était imminent, il entendit un grand boom loin au-dessus de lui. Puis le magicien se retrouva soudainement (et à son grand déplaisir) dans les bras de Leïv... qui le jeta sans ménagement sur ce foutu lit !

Ce dernier était apparemment capable de se déplacer à une vitesse vertigineuse. Il avait tout simplement rattrapé Lars au vol, puis l'avait ramené dans sa chambre en à peine quelques secondes. Pour le principal concerné, ça en devenait vraiment rageant, humiliant, surtout que ce fichu Chat affichait une de ces têtes suffisantes !

— Ça fait deux fois que je te sauve la vie, ça vaut bien des réponses, monsieur "l'invité" dit-il avec amusement tandis que Lars se redressait du lit, le regard mauvais.

Il fit ensuite le tour des maigres options qui s'offraient à lui. Avec ses pouvoirs aux abonnés absents (tout du moins pour l'instant, il l'espérait), il n'avait clairement aucune chance contre Leïv et toute sa clique de dégénérés astrologiques. Et puis, il n'avait pas du tout envie de rencontrer les autres, surtout s'ils étaient comme lui. Sa seule option restait donc cet abruti de Chat qui n'avait pas encore essayé de le tuer, ce qui était un bon point pour lui vu qu'il avait eu mille et une occasions de le faire. Franchement découragé, Lars poussa un long soupir malgré lui :

— Je veux juste rentrer chez moi, murmura-t-il, la gorge serrée.

Leïv l'observa avec attention dans un silence que l'on pourrait presque qualifier de respectueux, ses yeux songeurs plongés dans les améthystes ternies.

— J'entends. Mais je crois que tu ne comprends pas tout à fait la situation. Est-ce-que tu réalises que tu devrais être mort ? Aucun être vivant ne peut survivre ici, en dehors de nous. Ce qui rend ta présence...

Il bondit sur le lit, faisant trembler le matelas à son atterrissage parfaitement allongé, mains soutenant la tête et jambes croisées se balançant d'avant en arrière :

— ... Particulièrement intrigante. En plus de ton arrivée. Et de ce qui semble être tes pouvoirs. D'où les questions que je te pose depuis tout à l'heure : qui es-tu et d'où viens-tu ?

Reprenant contenance, Lars soupira bruyamment en levant les yeux au ciel. Il n'avait même plus essayé de s'écarter lorsque l'autre s'était jeté sur le lit comme un gamin. Et les voilà de nouveau tout proches, ça en devenait ridicule. Mieux valait coopérer pour avoir enfin la paix.

— Je te l'ai dit, je suis un magicien !

— Mais qu'est ce que c'est, un magicien ? l'interrompit l'autre en ouvrant bien grand ses yeux brillants d'un candide intérêt et en enfonçant davantage sa bouille entre ses paumes.

Lars le trouverait presque adorable s'il n'était pas aussi insupportable.

— C'est le nom que l'on donne aux... hum... humains qui savent manipuler la magie... tu sais ce que c'est au moins ? ne put-il s'empêcher d'ajouter avec condescendance.

— Non...? Est-ce un nouveau mot pour désigner la puissance de l'Univers ?

— Et ça prétend être un dieu, bougonna Lars avec mauvaise humeur. Ses tempes commençaient à le lancer douloureusement. Comment peux-tu être aussi ignare ?!

— Techniquement parlant, c'est vous les humains qui nous appelez Dieux. Et je te trouve bien hypocrite de me traiter d'ignorant alors que toi-même, tu fus incapable de reconnaître une Incarnation. Depuis le temps que j'existe, avec tous les autels et les ouvrages dédiés à ma mémoire, tu ne comptes pas sérieusement me faire croire que mon visage ne t'es jamais apparu ?

— Eh bien non, ta tête de Chat m'est totalement étrangère parce que je viens d'un autre monde, espèce d'abruti ! explosa Lars à bout de nerfs. Il ferma les yeux et massa lentement ses tempes douloureuses. J'imagine qu'il n'y a pas d'aspirine dans ce fichu temple consacré à ta grandeur et ta beauté divine ? demanda-t-il ensuite avec mauvaise humeur en desserrant légèrement sa cravate. La chaleur était vraiment insoutenable !

Il obtint pour seule réponse un long silence accompagné de l'expression presque infantile de Leïv, qui le fixait bêtement avec, à nouveau, un grand sourire. Pour la millionième fois de la journée lui semblait-il, Lars poussa un soupir à fendre l'âme et se laissa tomber sur le lit. Il avait vraiment besoin de se reposer. Tans pis, il devra se coltiner cet idiot encore un jour de plus.

— Je vais dormir, annonça-t-il sèchement. On continuera cette charmante discussion ce soir. Et n'essaie surtout pas de me grimper dessus pendant mon sommeil ! s'empressa-t-il d'ajouter en agitant un doigt menaçant vers son indésirable compagnon qui afficha aussitôt un air scandalisé.

— Par le Soleil ! Je suis outré par de tels propos ! Ai-je l'air d'un vulgaire... mécréant à tes yeux ? Sache que je ne fais miens que ceux qui le désirent, si cela peut te rassurer.

— Eh bien tant mieux parce que tu n'es pas du tout mon genre, fit Lars avec mauvaise foi en s'apprêtant à lui tourner le dos.

— Oh... Je vois. C'est... dommage... Pas grave, je veux dire. Ce n'est pas grave. Je n'ai jamais eu la prétention de plaire à tout le monde. Encore moins aux plus beaux des hommes... répondit Leïv après quelques secondes en perdant son sourire, une légère peine décelable dans la voix.

Conscient d'avoir été un peu trop méchant, Lars se sentit vaguement coupable, d'autant plus qu'il avait menti. Leïv était diablement attirant, un comble pour lui qui avait une sainte horreur des chats ! En d'autres circonstances, le magicien n'aurait pas hésité à flirter un peu avec le dieu, mais... au fond, n'était-ce pas ce qu'ils faisaient depuis le début ?

— Oui, bon... ça ne veut pas dire que je te trouve laid, je dirais même que tu n'es pas mal du tout... finit-il par grommeler, toujours d'aussi mauvaise foi. MAIS je n'ai vraiment pas le temps pour ça, je dois rentrer chez moi ! Et maintenant bonne nuit, ou plutôt bonne journée... bref !

Et il lui tourna impérieusement le dos, tandis que l'autre retrouvait son grand rictus si enquiquinant :

— Allez, je te pardonne ! Après tout, tu es sans conteste la chose la plus excitante qui me soit arrivée depuis 500 ans !

C'est sur ses paroles complètement absurdes, mais à la fois si flatteuses, que Lars plongea dans les bras de Morphée.

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