Chapitre 13 (partie 3)

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 Les jumeaux suivirent donc le cadet via les structures mises à disposition par la ville. Ils durent avancer ainsi durant au moins vingt minutes avant de se poser à l'entrée d'une habitation installée entre trois branches gigantesques.

 — Voilà, c'est ma maison. Mon père est dans son lit, suivez-moi.

 Effectivement, un homme était allongé sur le dos les yeux clos. On pouvait constater les signes de la maladie par les plis qui barraient le front du père ainsi que par la souffrance peinte tel des cernes sous ses yeux chétifs. Un son rauque, semblable au moteur d'un véhicule, s'échappait de son être à chaque mouvement de sa cage thoracique. Son teint pâle avait de quoi donner envie aux fantômes.

 — Papa ? C'est moi Aran. Je suis venu avec du monde, ils vont voir ce qu'ils peuvent faire pour te soigner.

 Le père ouvrit doucement ses yeux translucides faisant ainsi comprendre que les jeunes avaient toute son attention. D'un simple mouvement de tête Kara fit signe à son jumeau d'avancer.

 — Bonjour monsieur, je m'appelle Jad, se présenta le châtain. On est ici pour vous aider du mieux que l'on peut d'accord ? Je me permets de vous examiner afin d'adapter mes soins.

 — Perds pas ton temps. Je sais déjà ce que j'ai, fit l'homme le souffle court et sifflant. La fin est bientôt là pour moi. Je le sens. Mon corps ne supporte plus la maladie du Terrien.

 En entendant les paroles du père d'Aran, Jad ne put malheureusement que confirmer ses doutes préexistants obtenus rien qu’en observant l'allure de l'individu.

 — Je suis sincèrement désolé pour vous. Si vous le voulez bien je vais vous apporter quelques soins pour tenter de soulager vôtre souffrance. Pour le moment je vous conseille d'éviter de bouger ainsi que de parler, vous risquez d'épuiser toutes vos forces. Si vous tenez absolument à échanger faites-le avec votre fils.

 Au plus grand désespoir Aran comprit que son père risquait de ne plus être prochainement. Il s'approcha délicatement vers son père et lui prit sa main qu'il serra plus que nécessaire afin de lui faire comprendre qu'il était présent pour lui.

 Le sac de Jad contenait une pochette en cuir où diverses variétés de plantes étaient disposées dans des sachets ainsi que des fioles emprisonnant des liquides aux couleurs douteuses. A l'aide d'un mortier toujours présent dans ses affaires, Jad broya quelques plantes ensemble. Il les mit ensuite dans un bol avec de l'eau chaude.

 — Aran, aurais-tu une serviette ou bien un linge propre ? Je compte les tremper dans la décoction pour ensuite la positionner sur la tête de ton père.

 Sans attendre Aran alla trouver ce qu'il lui était demandé.

 — À quoi cela va servir ce que tu fais ? interrogea le jeune inquiet.

 — En posant la serviette que tu viens de m'apporter sur son front cela l'apaisera.

 Tandis que Jad déposait précautionneusement le tissu sur la face du malade, Aran ne put s'empêcher de demander des précisions car il ne comprenait pas tout à fait en quoi cela allait aider son père.

 — L'odeur qui est maintenant imprégnée dans le tissu va se propager plus facilement jusqu'à ses poumons. Les herbes que j'ai utilisées ont pour effet de soulager les zones irritées des bronches, expliqua Jad avant de se tourner vers le père. Monsieur, je voudrais seulement savoir si vous vous sentez un peu mieux, si c'est le cas ouvrez l’œil droit sinon ouvrez l’œil gauche.

 L'homme s'exécuta mollement. Sa paupière laissa place à son globe oculaire droit. En effet il allait mieux, le sifflement de sa respiration paraissait déjà moins agressif et les raies de son front tendaient à s'effacer. Sur un bout de carnet Jad inscrivit les soins à apporter au père d'Aran tout en précisant à quel moment les appliquer. Il tendit la feuille qu'il venait d'arracher au gamin, ce dernier la regarda interdit.

 — Je... je ne sais pas lire, avoua Aran n'osant toujours pas prendre en main le papier.

 Jad lui expliqua donc à l'oral ce qu'il avait inscrit. Une fois cela fait les jumeaux décidèrent qu'il était grand temps de partir. Ils dirent au revoir aux deux personnes puis laissèrent derrière eux l'image d'un fils plein d'affection s'agrippant à la main de son père souffrant. Ce genre de scène alourdissait le moral et l'entraînait dans quelques profondeurs. Même les différents qu'avait eu Jad avec Aran ne pouvaient le laisser de marbre face à la situation malheureuse du jeune chauve.

 La vie était déjà bien cruelle en ayant permis à l'usurpateur de détruire l'existence de la majorité des habitants des trois royaumes, mais il fallait qu'elle frappe encore plus fort dans nos fissures. Les vols, les handicaps, les agressions, les disparitions, les prises d'otages, les complots, les trahisons, les attaques, les exécutions, les meurtres, les viols, les maladies... Ces mots étaient aujourd'hui des synonymes résumant parfaitement la vie des citoyens de ce monde. En comparaison la mort semblait être un mot bien plus doux et attrayant.

 Le regard las, les deux compères se mirent sur un commun accord d'enfin se rendre chez les résistants. Ils n'avaient que trop tardé et le camp n'attendait plus qu'eux.

 — KARA ! JAD ! s'écria une personne à leur poursuite.

 Qu'elle ne fut pas la surprise des jumeaux en voyant Aran courir vers eux les larmes dévalant ses yeux.

 — Qu'est-ce qu'il y a ?! s'alarmèrent les jeunes adultes en même temps.

 — C'est mon père... Il est... Il est...

 Le pauvre garçon ne parvint pas à finir sa phrase. Il haletait le regard vide. Dire ces quelques mots était trop dur pour lui. Les prononcer le plongerait dans une réalité qu'il ne voulait envisager. De toute manière il n'avait pas besoin de ces lettres pour faire comprendre l'urgence de la situation à Jad et Kara. Son ton suffisait amplement. Sans réfléchir Kara s'occupa d'Aran ne désirant pas le laisser seul dans un moment pareil. Quant à Jad il courut en direction de l'habitation de la famille.

 Le père était toujours allongé, un simple sourire couvrait son visage apaisé. Son sourire était un adieu à la vie, ni plus ni moins. D'un mouvement solennel Jad abaissa les paupières de l'homme qui n'était plus. Le silence s'imposa de lui-même dans la salle. Il sortit rejoindre sa sœur qui se chargeait de l'adolescent. En le voyant arriver Kara chercha dans le regard de son frère la confirmation du décès du père. Comprenant les arrière-pensées de son double Jad lui fit signe qu'il était trop tard pour toute aide envers le père d'Aran.

 — On est désolé Aran. Je sais que ce sont de piètres mots mais ils veulent tout dire. On voudrait savoir si tu as une mère. Il faudrait la prévenir.

 — Oui j'en ai une. Tout le monde en a une. La mienne nous a abandonné moi et mon père il y a une dizaine d'année. On n’a jamais eu de nouvelles depuis, fit Aran anéantit.

 — Mince, encore désolé Aran. Dans ce cas est-ce que tu as un autre membre de ta famille dans le coin ?

 — Je suis seul, pleura Aran en constatant ce fait.

 Les larmes du petit laissèrent des sillons derrière leur passage. Immédiatement Kara fit une étreinte à Aran, le voir ainsi ne la laissait pas indifférente. Elle se revoyait en lui après la mort de ses parents, inconsolable. A ce moment elle prit une décision qu'elle ne regrettait pas.

 — Aran j'ai une question à te poser avant de te proposer quelque chose, fit tendrement Kara.

 Le petit bout de femme tenait l'attention des garçons. Jad haussa un sourcil, qu'avait donc sa sœur en tête ?

 — Que penses-tu de Theoden Sartirog ?

 — Tu parles bien de celui qui règne en ce moment sur notre royaume ?

 — C'est cela.

 — Je ne l'aime pas. Mon père dit...enfin disait souvent que c'est un homme mauvais, répondit Aran en ayant bloqué sur le mot "père" et le verbe "dire" qui lui imposaient une vive douleur dans le cœur.

 — J'espérais t'entendre dire cela. Vois-tu mon frère et moi nous rendons dans un endroit afin d'empêcher cet homme d'être mauvais comme tu le dis. Je voudrais que tu viennes avec nous, es-tu d'accord ?

 Après une intense réflexion le chauve accepta l'offre. Gybor n'avait plus rien pour le retenir, surtout que rester ici ne ferait que lui rappeler d'affreux souvenirs. Kara lui offrait la possibilité d'une nouvelle vie et il comptait la saisir.

 Tandis que Kara restait auprès d'un Aran affligé, Jad prit l'initiative d'appeler les services de la ville pour s'occuper du défunt. Ils ne pouvaient partir tout en le laissant ainsi. Cela prit une bonne heure au court de laquelle Aran put faire son deuil bien que trop rapidement. Le chauve prépara ses affaires puis abandonna sa maison le pas sans grande conviction. Tout laisser derrière soi était une réelle épreuve.


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Information pouvant être révélée au lecteur :

« La maladie du Terrien est apparue suite à l'arrivée des Terriens sur la nouvelle planète. Les personnes l'ayant contractée souffrent d'une fatigue extrême suite à l'épuisement des poumons qui est dû à l'air inspiré qui diffère extrêmement légèrement entre la Terre et cette planète. La maladie est principalement héréditaire et l'âge moyen de survit face à cette maladie atteint au grand maximum les 40 ans. Cette maladie n'a pour le moment aucun remède connu à ce jour. »

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