Chapitre 4

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10h15, j’ouvris les yeux et me redressais en sursaut. Merde j’allais être à la bourre, j’avais 25 min pour me préparer et partir. J’étais encore toute retournée de la nuit que je venais de passer. Une douche froide me ferait le plus grand bien ou Max pourrait bientôt avoir sa chance. Chose que je regretterai à peine sortie du lit – si nous avions le temps d’aller jusque-là.

Aujourd’hui, j’enchainais les deux services. En plus avec l'événement de ce soir je ne verrais pas le temps passer. Le midi fut serein, pas de clients difficiles ou contrariants. En général à cette heure ils venaient prendre un repas rapide et pas cher, très peu restaient y passer l’aprem. Ce n’était pas la meilleure rue pour ça. En plus, Bill détestait la viande saoule. Les poivrots savaient que ce n'était pas ici qu'il fallait venir pour cuver.

Le soir par contre c’était une autre histoire, ils arrivèrent tous surexcités à l’idée du match qui approchait. Ils passaient plus de temps à boire qu’à manger. Manger rapide, manger liquide qu’ils disaient.

— Hé mam'zelle, apporte-moi une aut’ bière ! me lança un client bien imbibé lorsque je passais près de lui.

— Tout de suite monsieur.

Et là il ne put s’empêcher de me mettre une main au cul avec un sifflement appréciateur. Je détestais ça. Je n’étais certainement pas un bout de viande. C’est là que tout dérapa. Je n’eus pas le temps de me retourner lui en coller une que j’entendis une chaise voler et un mouvement d’air.

— Tu vas t’excuser immédiatement connard ou je t’arrache la tête, gronda une voix froide que je commençais à connaitre.

Et le pire c’est qu’on sentait à son intonation qu’il était on ne pouvait plus sérieux. Je craignais pour le papier peint. Oui oui, le type je m’en foutais comme de l’an quarante. Il m'avait coupé dans mon élan, mais je n'étais pas contre le fait qu'on prenne ma défense.

Je me retournais doucement en m’attendant à voir déjà une tache de sang dégouliner par terre. Est-ce que Max avait rangé le sceau où il fallait ce matin ? Heron n’avait pas encore abîmé l’abruti mais le tenait cloué au mur, par le cou.

En voyant son visage devenir rouge, j’eus un minimum de pitié pour lui. Il ne pouvait même pas présenter ses excuses, étouffé comme il l’était.

Je décalai mon regard vers Heron et en restai bouche bée, il avait la tête redressée, figée, les yeux plissés, la lèvre supérieure retroussée, comme s’il allait n’en faire qu’une bouchée. Les muscles de ses bras tellement rigides que ses veines ressortaient, il maintenait ce type dans une poigne de fer et se retenait visiblement de ne pas serrer plus. Toutes les conversations s’étaient tues, tous attendaient.

Je devais absolument faire quelque chose pour désamorcer cette situation. Je savais que Bill ne lui tiendrait pas rigueur de cet incident. Il aurait dans tous les cas mis dehors toute personne qui se serait permis de nous peloter sans notre permission. D’ailleurs même avec. Il disait qu’on ne devait pas mélanger boulot et plaisir, si c’était ce qu’on voulait on pouvait aller bosser au quartier des putes. Radical comme point de vue.

Vu la réaction d’Heron à ma présence la veille, je ne savais pas comment réagir. Je haussais les épaules et laissais mon instinct prendre le dessus. Je m’approchais sur le côté, calmement.

-- Monsieur Heron, pouvez-vous desserrer s’il vous plait ? lui demandais-je en posant doucement ma main sur son bras. Parce que là, vu la couleur de son visage, il n’a pas l’air de pouvoir aligner deux mots.

Comme il était en polo, je remarquais la douceur de sa peau sous mes doigts. Je m'attardais plus que nécessaire. Et merde, ça allait encore alimenter ma nuit. Je poussai un soupir résigné.

Il fit ce que je lui demandais, mais ne quitta pas pour autant sa proie des yeux. Celle-ci pu souffler douloureusement ses excuses avant de filer sans demander son reste. Il n’était pas près de remettre les pieds ici. Voyant le danger passé, les conversations reprirent.

— Merci monsieur, je pense que plus personne n’osera lever la main sur moi ce soir, plaisantais-je dans une tentative de détendre l’atmosphère.

Il avait toujours les poings serrés, comme si cela lui démangeait de suivre ce type, pour lui faire ce qu’il avait promis au départ. Malgré ses excuses. J'avais une folle envie de me lover contre lui et d'effacer les plis soucieux de son visage par un baiser. Ma raison reprit vite le dessus. Pour me faire envoyer chier, non merci.

— Personne ne vous touche. Et appelez-moi Axel.

Cette affirmation possessive et autoritaire répandit un filet de chaleur en moi, en même temps qu’un flot d’indignation. Il n’était pas marqué propriété privée sur mon corps, et après son cinéma de la veille il se croyait où. Qu'on me protège ok, qu'on s'impose, certainement pas. J'allais l'ouvrir quand je fus coupée dans mon élan.

— Axel mon chou ! Qu’est-ce qu’il se passe encore ? lança une blonde platine, pulpeuse, parfaite, maquillée comme la pouf de service.

Arrivée près de lui elle se colla sur son dos et passa les bras autour de la taille. Tiens je lui aurais bien arraché les yeux. Là comme ça, juste pour le plaisir. Surtout quand elle posa sur moi un regard suffisant, me jaugeant et semblant me dédaigner immédiatement. Bon, elle n’était pas juste maquillée comme une pouf, c’en était vraiment une. Et puis se presser contre lui comme ça, je ressentis un pincement au cœur, j’aurais bien été à sa place. Ceci ne faisait que conforter mon idée première, comment pouvait-il s’intéresser à nous pauvres étudiantes quand il pouvait avoir des femmes « fatales » à ses pieds. Tiens d'ailleurs, je n'avais pas dit que je ne voulais pas m'intéresser aux mecs ?

Sur ces pensées, je tournais les talons pour reprendre mon service. Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil en retournant au bar. Il avait toujours les yeux fixés sur moi, ne remarquant aucune des minauderies de la pouf. Mon cœur se fit de suite plus léger et je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire narquois.

Au fait, je n’allais quand même pas le croiser tous les soirs ! Vu l’effet qu’il me faisait ça risquait d’être compliqué à gérer. Je devrais absolument raconter tout ça à Emma demain. Quoi que, pas sure. Si je voulais en entendre parler toute l’année c’était la meilleure solution.

Théodore finit par les rejoindre. Il m'adressa de grands signes et me fit la bise. Surprise, je le laissais faire.

Régulièrement, je leur jetais un oeil. Bon ok, à chaque fois que je passais devant eux, autant dire presque tout le temps avec le monde à servir. Ils avaient été rejoints par une jolie rousse et personne ne prêtait attention aux minauderies de la blondasse. Une étincelle de satisfaction brilla en moi.

Le service venait de se finir, je commençais à nettoyer les tables quand j’entendis Max approcher.

— Alors la miss, comme ça on a des admirateurs ? Et un mec canon comme ça, tu m’étonnes que je n’ai aucune chance…

Je me disais bien que je ne passerais pas entre les remarques. Un sourire étira mes lèvres.

— Plus sérieusement Elena, il sort d’où ce type ? On aurait vraiment cru qu’il allait le bouffer.

— C’est mon nouveau prof de stats. J’avoue qu’il a l’air d’aimer les trucs extrêmes.

— Les trucs extrêmes ? Hum hum, ma coquine, me taquina Max.

— Roh arrête avec ton esprit pervers ! rétorquais-je en riant. Ce n’est que la troisième fois que je le vois. Sa réaction me fait flipper. Tu as vu l’allure qu’il avait ?

— Oui, je n’aurais pas aimé être celui collé au mur. Fait attention à toi miss. Vu l’aperçu, on ne sait pas de quoi il est capable. D’autant plus qu’il ne t’a pas quitté des yeux une minute.

— Mouais tu te fais des idées, mais t’inquiètes, je serais prudente.

Sur ces derniers mots, il me raccompagna chez moi. Max était un type génial, il faisait toujours comme si je l’intéressais. Pourtant, malgré le temps, il ne s’était jamais rien passé entre nous. J’avais beau le voir tous les jours, je ne savais pourtant pas grand-chose de son histoire. Je savais juste qu’il avait été abandonné étant bébé et était passé de famille en famille, jusqu’au jour où il en eut marre et parti à l’autre bout du pays prendre son indépendance. Je ne savais pas par où il était passé. Vu les cicatrices qu’on pouvait voir au bas de son dos, quand son t-shirt remontait, ça n’avait pas dû être simple tous les jours. Ce n’était pas vraiment un ami, ni un confident, pour autant je savais pouvoir compter sur lui en cas de pépin.

Au moment de me déposer chez moi il m’interpella.

— Elena, fait vraiment attention à toi. Ces types sont louches et je ne les sens pas.

— T’inquiète pas, je ne compte pas traîner avec eux. Puis Axel Heron est mon prof ! Et le fantasme de l’écolière ce n’est pas trop mon truc.

Oui, je mentais un tout tout petit peu. Comme je savais que ça n'irait pas plus loin que mes fantasmes alors c'était pas très grave.

— Fait quand même attention miss, on ne sait jamais.

— Promis !

Une fois qu’il eut redémarré, je ne pus m’empêcher de frissonner. En général Max avait de bonnes intuitions. Je me dépêchais de rentrer et de donner un tour de clé. Je repensais une nouvelle fois au déroulement des deux derniers jours. La possessivité et l’agressivité me faisait peur. Pourtant ça ne réussissait pas à me rebuter cette fois-ci.

Je réussis malgré tout à m’endormir rapidement. En même temps, j’avais eu des kilos dans les bras et des kilomètres dans les pattes, et, accessoirement, du sommeil à rattraper. J’avais cet avantage de m’endormir presque n’importe où alors je n'allais pas m'en priver.

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