Marco. Adesso

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— Baise-moi, Marco.

Ces mots, prononcés à peine il y a quelques secondes, résonnaient dans sa tête comme un bourdonnement confus, faisant écho aux impressions contradictoires qu’il avait ressenties quand elle l’avait embrassé. Il avait alors été sur le point de perdre son infaillible sang-froid, pris d’une frénésie dégénérant en une rage qui l’avait conduit à liquider les quatre mafieux.

Ce baiser lui avait laissé un intolérable goût d’inachevé, comme si on lui avait arraché une chose inconnue, mais essentielle.

Il ne pouvait détacher ses yeux de ceux de Flavia, captivé par leur clarté verte, détaillant ses lèvres couleur belle-de-nuit, entrouvertes par sa respiration saccadée, sa peau si pâle qui lui donnait une apparence évanescente, mais si désirable.

Il luttait contre l’envie de saisir sa taille frêle pour la plaquer contre lui. Il pressentait que s’il l’approchait de trop près, elle empoisonnerait son cœur comme elle l’avait fait pour son supérieur et son second.

Cueillerait-il ce fruit défendu et la goûterait-il, alors qu’elle s’offrait, là, face à lui ?

Ou bien il pouvait la reléguer au même rang que toutes les femmes qu’il avait prises pour passer du bon temps, sans autre but.

Oui, il était assez fort pour le faire, estima-t-il, en la traitant à sa juste valeur, comme un objet de plaisir, ainsi qu’elle semblait se donner à lui. Il le lui ferait comprendre sans détour.

Ses mains qui s’étaient figées sur la cheville endolorie remontèrent en suivant la ligne tendre du mollet, enrobant les genoux, s’emparant des cuisses entrouvertes.

Une sensation de douceur se répandit au creux de ses paumes, il la combattit en agrippant la fine culotte et en la tirant brusquement au sol.

La jeune fille retint sa respiration sous cette soudaine brutalité, tout à la fois ébranlée par cette réaction et gagnée par une fièvre qu’elle tentait désespérément de noyer.

Les doigts abandonnèrent au sol leur trophée pour reprendre le chemin inverse qu’ils venaient d’emprunter, savourant malgré eux le fin duvet qui se dressait à leur passage.

Au moment où ils passaient derrière les genoux, ils se crispèrent et entraînèrent la jeune fille dans leur direction.

Irrésistiblement attirée, elle se retrouva soudainement lovée contre la poitrine de l’homme.

En dépit de ses résolutions, elle fut immédiatement submergée par les frais effluves de bergamote qui s’échappaient de la peau velue, contrastant avec la raideur de la chemise de popeline.

La tiédeur qui émanait à la fois du torse et de l’haleine exhalée par la bouche de l’homme toute proche la chavira complètement. Instinctivement, elle sentait qu’il la dévisageait, devinait ses sourcils froncés comme un reproche, son regard sévère comme une silencieuse condamnation.

Qu’allait-il faire ?

S’il lui prenait les lèvres, son cœur débarrassé de sa gangue de raison se rendrait et elle trahirait le serment qu’elle s’était fait.

À quoi bon tout cela ? Elle ne se leurrait pas sur le jugement qu’il devait porter sur elle, et savait qu’elle ne parviendrait pas à le démentir quoi qu’elle fasse. Qu’il en soit ainsi ! accepta-t-elle en se tournant, dos à lui, pour ne plus le voir. Il était inutile de laisser un suspense inutile s’éterniser avant l’inévitable déception qui suivrait.

Cependant, l’intolérable chaleur n’avait pas disparu, à la différence qu’elle caressait maintenant sa nuque. Elle se focalisa sur le rythme de la respiration qui s’abattait sur elle, pour penser à autre chose qu’à son propre désir. Le souffle s’accélérait tandis que les doigts revinrent soulever le bas de la robe pour la lui retirer en la passant au-dessus de sa tête.

Réflexivement, elle rabattit ses bras sur la poitrine pour masquer sa nudité révélée, alors que l’homme ne pouvait qu’entrapercevoir qu’une touffe de cils, le bombé de velours diaphane de sa joue et la pointe cerise de ses petits seins.

Une idée lui vint bientôt à l’esprit : il allait se rendre compte qu’elle ruisselait alors qu’il l’avait à peine effleurée, c’était pire qu’un aveu. L’amour insensé qu’elle lui vouait le frapperait, sans doute.

Mais l’heure n’était plus à la reculade, elle s’était déjà comportée comme une traînée en réclamant qu’il la baise, autant boire le calice jusqu’à la lie.

Son rôle de chienne en chaleur serait consommé, l’enterrant définitivement dans l’estime du tueur, et elle n’aurait plus d’autre choix que de faire une croix sur lui.

Offrant sa croupe, elle se pencha sur l’assise du canapé où elle appuya ses avant-bras, baissant la tête afin de masquer sa terrible fébrilité. Elle attendait qu’il la prenne, dans cette position soumise et humiliante.

Mais la réaction se fit attendre, les secondes s’écoulaient sans qu’il entreprenne le moindre mouvement. Pendant ce temps-là, son ventre se tordait, noué par la perspective de sentir enfin Marco au plus profond d’elle. De toutes ses forces, elle voulait le garder blotti en elle, le dorloter comme le fourreau protège l’épée.

Étonnée par ce flottement, le feu aux joues, elle tourna légèrement la tête pour jeter un regard en arrière et croisa les éclats sombres que lui lançaient les yeux d’obsidienne du tueur.

L’on aurait presque cru qu’il fulminait, retenant avec peine sa fureur. Ce regard interrogateur que lui adressait Flavia lui fit l’effet d’un défi, et il dégrafa d’un geste leste son ceinturon, ouvrant du même coup la braguette avant d’en sortir un sexe épais, dressé et luisant.

Foudroyant la jeune fille de toute l’expression de sa colère, il s’immisça en elle d’un coup sec, empoignant sans ménagement les hanches graciles pour appuyer un intense va-et-vient. Ses coups de reins, il les lui assénait comme une punition pour son impudence, comme pour la châtier d’avoir donné raison à sa première impression la concernant.

Pourquoi n’était-elle qu’une femelle en rut qui se faisait saillir par quiconque le voulait ? Était-ce pour une telle salope que son chef s’était fait tuer ?

Il serra la mâchoire pour ne pas se laisser distraire par la tendre moiteur qui l’accueillait, par les gémissements étouffés arrachés par la violence qu’il déchainait sur elle.

De son côté, elle s’agrippait au tissu du canapé pour ne rien laisser transparaître des sensations qui l’assaillaient. Le plaisir dans la souffrance, elle l’avait déjà éprouvé sous la cruelle férule de Malaspina, mais l’atroce douleur que lui causait le regard impitoyable la transperçait en même temps que le sexe qui lui fouillait les entrailles. Chaque fois que le membre furibond la pénétrait, c’était un nouveau coup de poignard dans son cœur. La haine qu’il lui communiquait, la tristesse d’avoir perdu le peu d’estime qu’elle pensait avoir gagné, son amour rejeté, piétiné sans pitié, tout cela s’instillait comme un poison dans son âme. À présent, elle se mordait les lèvres de toutes ses forces pour garder tout cela en elle.

Mais bientôt le trop-plein de désespoir déborda, elle laissa échapper quelques larmes, qui s’accrochèrent à ses cils comme une rosée de malheur.

Ces gouttes éparses se transformèrent peu à peu en un ruisseau qui fit son lit sur les joues blêmes, tandis que des sanglots s’étranglaient silencieusement dans sa gorge.

À travers ses pleurs, il lui sembla que l’étreinte s’apaisait, elle n’était plus secouée par les rudes poussées du tueur.

S’amadouait-il devant son évidente détresse ? Non, tout ce qu’elle avait supporté jusque-là aurait été vain, dans ce cas. Pourtant il aurait été si agréable de se réfugier contre lui, peut-être ne la repousserait-il pas ?

À nouveau, elle aventura un rapide coup d’œil pour jauger l’état d’esprit de l’assassin, et en effet, la perplexité se lisait clairement sur ses traits. Il la dévorait du regard, constatant que ses larges mains brunes juraient sur l’ivoire délicat des fesses menues face à lui. Ses doigts y avaient déjà apposé leur marque, qui se dessinaient comme des taches de sang sur la neige.

Irrité par un sentiment confus, il lui semblait qu'il profanait quelque chose de sacré. Sa conscience le harcelait lui serinant que ce qu'il faisait était mal, infusant un vague malaise.

Cèderait-il ?

Faiblirait-elle ?

Non, elle éteindrait ces scrupules, elle savait comment.

— Prends-moi plus fort, Marco, supplia-t-elle.

Et elle commença à feindre des râles de plaisir, au fur et à mesure que le membre revenait.

L’effet se ne fit pas attendre, car les à-coups reprirent de plus belle, mais en même temps, l’homme se pencha sur elle.

Elle frémit sous le toucher de la toison drue contre ses omoplates, et le désir l’embrasa de nouveau.

De son côté, il contemplait, hypnotisé, les vagues de frissons se répandre sur la chair laiteuse. Un fin voile de sueur se mit à miroiter sous la lueur du plafonnier, et un doux gémissement remplaça les transports simulés.

Elle était pleine de Marco, remplie par Marco, enveloppée par ses bras puissants, qui formaient une armure autour d’elle.

Jamais elle n’avait ressenti une telle jouissance à appartenir à un homme. En spasmes désordonnés, son bas-ventre se contracta dans l’orgasme, longuement.

Résonnant comme l’écho de son plaisir, il perçut cette délicieuse étreinte convulser sur son sexe, et celui-ci déversa en elle instantanément le fruit de son extase.

Le nez dans les cheveux blonds, il expirait bruyamment, exultant malgré lui d’une émotion nouvelle.

Toutefois, au fur et à mesure que la satiété les calmait, la dure réalité s'insinuait en eux.

L’esprit embrumé, chacun luttait pour retrouver sa lucidité, ressuscitant peu à peu une ancienne hostilité ou des résolutions passées.

Enfin, les poings de l’homme se refermèrent, et il se releva soudainement, détournant les yeux pour ne pas être à nouveau absorbé dans le spectacle lascif de la jeune fille qui s’abandonnait.

Une idée se rappela à lui, froide et tranchante, qui brisa sa torpeur et il recula sur-le-champ.

— Au fait, Fabio est mort, si ça t’intéresse.

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