Marco. Torna indietro

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Seuls au milieu du vaste salon où se réunissaient les membres de la Fiammata quand ils n'étaient pas en mission, deux hommes se faisaient face. Ils étaient confortablement installés sur des fauteuils de cuir contemporains, séparés par une longue table basse couverte de pièces d’armes démontées, l'un observant l'autre.

Marco nettoyait chacune d’entre elles avec soin, les examinant une à une, éliminant les résidus de poudre qui s’étaient incrustés dans les canons à l‘aide d’un écouvillon.

— Tu passes ton temps à les bichonner ! Quelle perte de temps ! se moqua Fabio en jouant insolemment avec son couteau papillon. Moi, un coup de pierre à aiguiser et c’est réglé ! Pas de munitions encombrantes, pas de bruit ! Que des avantages, mon gros.

— ‘E fa silenzio, guaglio’ ! gronda l’assassin. Ça marche peut-être avec les petites frappes que tu fréquentes, mais crois-moi, il vaut mieux éviter le combat rapproché.

Tu ferais mieux de te perfectionner au tir si tu veux durer dans le milieu. Ton coupe-papier ne te protègera pas d’une horde de tueurs lancés à tes trousses.

— Pfft, persifla le jeune homme, je suis un véritable virtuose de la lame. Je les attends, tes tueurs, je leur ferai la peau comme ça, en silence. Et il mima un égorgement dans le vide. Ils seront morts avant de réaliser ce qui leur arrive. Tes flingues, ce sont des armes de poltrons qui ont peur de venir au corps-à-corps.

En fanfaronnant ainsi, il se lança dans une démonstration de ses talents, faisant danser ses lames avec une agilité déconcertante.

— À part faire du vent, tes tours de passe-passe n’ont aucun intérêt, grogna Marco qui poursuivait son inspection minutieuse, ignorant les vaines gesticulations de son compagnon.

— Tu es jaloux, c'est tout ! Tes Glock t’ont empâté, tu ne pourrais même pas faire…

Alors qu’il s’apprêtait à asséner un sarcasme bien senti, il fut interrompu par l’irruption dans la pièce d’un jeune homme blond très élégant dans son costume marine, le visage illuminé par la perspective de répandre son fiel.

— Leandro a ramené la petite serveuse, il l’a montée directement chez Malaspina. Et je l’ai vu les rejoindre peu après. Ils ont vraiment des amusements malsains tous les deux. S’ils croient leurrer qui que ce soit avec leur petit manège... C’est vrai que les relations entre hommes sont mal vues dans le milieu, mais avec toute son arrogance, Malaspina pourrait assumer ses penchants, au lieu de donner le change avec des nanas. Ou alors, ils se sont peut-être épris tous les deux de ce petit laideron, qui sait ? déclara-t-il sur un ton théâtral.

À ces mots, Marco émit un sifflement sec et se levant brusquement, confronta le nouvel arrivant.

— Dario, tu vas dégager, avec tes ragots, piezz' e mmerda? Va répandre ton venin ailleurs, éructa le caporegime, en s'avançant vers le nouvel arrivant, le regard plein de menaces.

Celui-ci ne tenta pas même de répondre, et s'esquiva. Personne dans l'organisation ne faisait le poids face à Marco. Tout le monde connaissait son sinistre rôle dans l’organisation, à la tête de la squadra esecuzioni, l’équipe qui se chargeait des basses œuvres du capo napolitain. Et chacun baissait les yeux quand il le croisait, priant pour ne pas devenir sa prochaine proie.

Comme la porte se refermait bruyamment, le tueur se rassit et reprit l'entretien de son arsenal.

S’il paraissait avoir retrouvé son calme ordinaire, de temps à autre, les plis qui lui creusaient les joues trahissaient son agacement. Ce léger frémissement contrastait pourtant fortement avec le sang-froid qui le caractérisait habituellement, car tous savaient que c’était le signe avant-coureur d’une de ses redoutables explosions de fureur.

Fabio, lui-même, n’osait fanfaronner dans ces moments. Il était figé, telle une statue de sel, guettant la réaction de son complice.

Au bout d’un long moment de silence, il se décida enfin à prendre la parole.

— Ce lote, qu’est-ce qu’il raconte ? Qu’est-ce qu’il insinue sur Leandro et Malaspina ?

— Laisse tomber, ça ne nous regarde pas de toute façon. Un de ces jours, je me ferai le plaisir de régler son compte à cette petite taupe, et on l’enverra en pièces détachées au Boss. Dès que le capo l’ordonnera. S’il le laisse de côté à présent, c’est qu’il doit avoir une idée en tête.

— Rira bien qui rira le dernier. Je m’occuperai de son cas avec toi. J’ai quelques idées en tête. D’autant que je n’aime pas comment il a parlé de Flavia…

— Ne te mêle pas des histoires de Malaspina. Évite-la aussi, celle-là.

— Tu dis ça, mais tu ne la connais pas Marco, c’est la gentillesse et l’innocence même, on se ressemble un peu tous les deux, comme frère et sœur…

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu divagues, là ? En plus, innocent comme toi ! Laisse-moi rire !

Le jeune homme rougit du sous-entendu, bien sûr, il n’était pas blanc comme neige, loin de là. Pour son jeune âge, il avait même la conscience assez chargée, mais son opiniâtre légèreté l'empêchait de le tarauder.

— Moi d’accord, mais elle, c’est une vraie innocente, affirma-t-il avec force.

Marco haussa les épaules d’un air moqueur.

— Que tu crois ! Tu ne connais rien aux femmes, mon pauvre. Ce genre de sainte-Nitouche est la pire des espèces. Elle t’endort sous des airs candides, mais c’est pour mieux te manipuler. J'ai connu des filles comme ça, les pires des salopes. Et elle n'est rien de mieux qu’une bucchina, si tu veux mon avis. Elle a dû savoir y faire pour retourner dans le lit de Malaspina, va… Moi, je préfère nos belles plantes d’ici, franches et enjouées… oui… je verrai bien une brune tout en courbes, pour porter mes enfants…

— Qu’est-ce que tu es vieux jeu, persifla le gamin. Mais je le répète, tu te trompes sur son compte, elle ne joue pas un jeu, elle est vraiment comme ça. Tu ne peux pas comprendre, ce que c’est d’être orphelin, sans soutien. On devrait être solidaire entre nous, nous, les gens d’en bas…

— Encore une fois, tu ne sais pas de quoi tu parles, le coupa le tueur. Ta pauvre esseulée, c’est une nantie, pire, une petite noble, avec une éducation bien bourgeoise et de hautes études par-dessus tout ça. Tu peux me dire ce que tu as en commun avec ça, toi, le gamin des rues ?

Fabio s’assit en travers du fauteuil, ignorant la dernière remarque de son acolyte. Mais un sourire espiègle étira bientôt ses lèvres.

— Dis, j'aimerais savoir comment tu es au courant de tout ça ? le taquina-t-il, content de sa trouvaille.

L’homme leva lentement les yeux, et les planta dans ceux du plaisantin. Son regard, portait un avertissement qu’il ne pouvait ignorer. Il acheva de faire passer l’envie de rire à celui-ci et clôtura définitivement la conversation.

Maintenant, elle était là, sous les yeux de Marco, ses cheveux décoiffés en un aérien nuage doré ajoutaient à son charme délicat et naturel. Ses joues s’étaient teintées d’une légère nuance de rose qui faisait ressortir le vert de ses prunelles brillant d’un éclat étrange. Voilà, elle était telle qu’il l’avait toujours devinée, dangereuse sous ses airs ingénus, redoutable comme une femme fatale qui aurait pris les traits d’un ange.

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