Chapitre II - Discussion avec une âme

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Ce soir, Nox était assis sur un muret séparant l’allée de tombes de la butte, les pieds pendant. Il contemplait la lune et se disait qu’il aimerait bien lui parler, elle était magnifique à ses yeux. Malgré tous ses amis, il se sentait bien seul.

« Eh bien, mon ami, à quoi penses-tu ? lui demanda une âme qui le connaissait bien, Marc.

- Oh, à rien…

- Allez, petit, dis-moi. Tu as l’air bien mélancolique.

- Je… je pense à la lune. Je me dis que comme moi, elle doit se sentir bien seule.

- Oh, la lune, non, ne t’inquiète pas pour elle, elle entend la Terre chanter et chante en retour. L’harmonie des planètes. Cependant, personne ne chante sur ton onde, à ce qu’il semblerait. Cela dit, c’est peut-être mieux comme ça. Oui, ce ne serait pas pour la lune que je m’inquièterais, à ta place, mais pour moi, enfin toi. Fais attention, petit Nox, ne te perds pas.

Ils contemplaient tous deux la lune, occupés par leurs pensées. Un moment passa.

- Marc, tu veux bien me parler de ta femme ? Tu m’as dit que tu avais une femme mais qu’elle n’était pas encore ici… que fait-elle ? Pourquoi ne vient-elle pas ? Vous m’avez expliqué que les hommes et les femmes s’unissent… c’est qu’ils s’aiment, non ?

- Oh, Nox… Tu ne sauras jamais. C’est comme ça, tu es celui qui doit nous être sacrifié. C'est malheureux, mais obligé. Je ne veux pas te torturer avec des choses dont tu n’auras jamais la chance d’y goûter.

- Si, Marc, dis-moi. Dis-moi ce que ça fait, d’avoir une femme qui t’aime, une famille…

- Bon, d’accord… je vais te parler d’elle. Je vais commencer par répondre aux questions que tu as posées. Jeannette… Jeannette ne vient pas maintenant avec nous car elle n’est pas encore prête. Mais elle vient quand-même au cimetière. Tu l’as déjà vue. C’est la dame qui vient tous les deux jours sur la cinquième tombe à gauche de la troisième allée.

- Soit ta tombe, là où il y a ton corps.

- Oui. Jeannette est une femme douce et aimante, mais autoritaire. Lorsque je mettais les pieds sur la table après être rentré des champs… je ne te dis pas comment elle me cuisinais. Elle était assez grande, avec de longs et beaux cheveux châtains et un sourire qui réchauffe le cœur. Elle était tout simplement splendide, j’avais la meilleure des épouses. Ah ça, tout le monde l’aimait, ma Jeannette !

- Tu parles au passé… pourquoi ?

- Aaah, pourquoi dois-tu être là et pas ailleurs, Nox ? soupira tristement Marc.

- Quoi ?

- Rien, simplement quelques pensées de vieil homme. Donc… ah oui. Je parle au passé car ça, c’était avant qu’Amaza ne vienne me voir, avant que je ne parte. Maintenant, Jeannette a les cheveux blancs, ne sourit plus autant et comme avant, est plus petite et seule. Rien n’est sûr, tout change, Nox. Nous étions comblés. Sais-tu ce que les époux disent lors de leur mariage ? Ah, oui, non, bien-sûr que non, tu ne le sais pas, désolé. “Jusqu'à ce que la mort nous sépare”. Et Jeannette et moi avons été séparés. Comme tout le monde, à un moment ou un autre.

- Marc, qu’est-ce que la mort ?

- Nox… La mort, c'est ce qui sépare les gens un moment, puis qui les rassemble après. Je suis mort.

- Et… pas Jeannette, c’est ça ?

- Oui. Tous ceux qui sont ici sont morts, Nox.

- Je le suis aussi, mort ?

- Toi… toi, Nox, tu es en partie vivant. Mais l'autre partie de toi est morte.

- Comment ça ? Comment ça, je suis en partie mort et en partie vivant ? C'est comme ça pour tout le monde, alors ?

- Non…

- C’est bon, Marc, je ne veux pas en entendre plus. C’est assez pour ce soir. Je vais réfléchir.

- Je comprends. Va, Nox. Va. »

Nox se releva et parti, se dirigeant en direction de son endroit favoris. Le mausolée abandonné. Le corps y était toujours mais l’âme était partie il y a longtemps. Il y a plus longtemps encore, le corps avait été amené et enterré là. Cette personne avait dû être importante. Mais au fil des siècles, elle avait été oubliée et l’âme avait décidé d’aller voir ailleurs. Nox ne savait pas où elle était allée. Ce mausolée était devenu son refuge, là où il pouvait être seul.

Il s’assit au bord et contempla la vue qu’il avait du cimetière, les paroles de Marc résonnant encore dans ses oreilles. Ainsi… les humains naissent, se marient une fois qu'ils ont trouvé quelqu’un chantant parfaitement sur leur onde, vivent ensemble jusqu’à ce que l’un des deux meurt, alors le couple est séparé et l’âme du mort erre à côté de son corps, attendant sa moitié, puis le couple est de nouveau reconstitué. Nox trouvait ce poème très beau. Mais qu’allait-il lui arriver, à lui ? Parfois, il ne comprenait pas ce que disaient Marc et les autres âmes. Les âmes disaient quelques choses et semblaient parler de lui d’un air désolé. Il avait beau essayer, il n’arrivait pas à comprendre, notamment ce qu'avait dit Marc vers le début de leur conversation : « Fais attention, petit Nox, ne te perds pas. ». Que voulait-il dire ?

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