Last Theater - NoisyCell

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Une scène, plongée dans l’obscurité. Une salle, silencieuse. Mille personnes, rassemblées ici, le regard fixé sur les décors de carton. Une ville factice, de peinture, de bric et de brac. Une dernière scène à jouer. Derrière les rideaux, des acteurs fébriles, repassant leur texte, les indications scéniques, les conseils de dernière minute. Et puis la lumière. Une respiration. Puis une autre. Un soupir. Je ne vais pas y arriver. Puis elle entre.

« Est-ce que c’est presque fini, maintenant ? Je ne peux plus voir le chemin, je ne sais plus où je vais… Et pourtant, je fonce tête baissée vers mon but, sans rien savoir de lui… »

Elle s’avance au centre de la scène, suivie par la lumière.

Je ne comprends pas comment cette réaction en chaîne m’a menée jusqu’ici.

« Un pas, un pas de plus… Un pas de plus me libèrerait-il ? »

Je pourrais tomber dans l’obscurité, et me rendre compte que j’étais simplement effrayée. Je ne le veux pas. Mais ai-je le choix ?

« Je ne veux pas détruire ma vie…

- Souviens-toi, siffle une voix.

- Je sais que tu le veux.

- Souviens-toi.

- Ce n’est pas grave… Mais j’en suis incapable. Dis-moi, est-ce bientôt fini, maintenant ? »

Je me sens si seule… Mon sang tâche déjà les planches. Je ne peux plus le pardonner, maintenant. Cette fois, j’ai perdu le contrôle, j’ai abandonné mes pensées, j’ai simplement vécu, sans réactions.

« Je n’ai fait que créer cet espace vide, et tellement faux… Je suis inutile. Peut-être que je ferais mieux de mourir… ?

- Regarde-toi en face.

- Je l’ai assez entendu. »

C’est vrai. Je le sais. Je le sais. Mais si je cherche à me souvenir, je vais retrouver le bien, même s’il n’a pas d’importance. Il est ce qu’il est, loin de moi. Je suis banale. C’est tout. Sans saveur, sans consistance, juste un mirage. Personne ne remarquera mon absence. Personne ne le remarquera, si je m’évapore.

« Mais je ne veux pas détruire la vie.

- Tu ne sais pas ! Souviens-toi !

- Je sais que tu le veux. Ce n’est pas grave.

- Souviens-toi !

- Tu crois que tu sais ?! (J’y crois toujours !) J’ai toujours confiance en moi ! (Alors je ne le ferai pas !) Alors est-ce que c’est bientôt fini, tout ça ?! Je ne vois plus le chemin que je dois suivre, mais si je sais une chose, c’est que tu as tort !

- Je me sens si seul…

- C’est pour ça que tu veux que mon sang soit sur le sol ? C’est pour ça que tu veux que je me suicide ? Pour ne plus être seul ? Je ne peux plus te pardonner, Leo !

- Je veux le faire ! Si c’est presque fini maintenant, je veux le faire ! Moi non plus, je ne vois plus la route, moi non plus je ne sais pas où je vais ! Je me sens tellement seul ! C’est mon sang, à tes pieds ! C’est moi qui me suis jeté d’ici ! Et… Et je ne peux plus me pardonner non plus… Qui choisit ce qui est bien ?

- Personne ne le sait. Personne ne pourrait même essayer de choisir entre le bien et le mal. Pas même la mort. Il n’y a ni bien, ni mal. Il n’y a que des gens. Des idées. Des habitudes. Rien de différent. Je ne suis pas différente de toi.

- Même si je suis déjà mort ?

- Plutôt parce que tu es déjà mort. J’aurais dû mourir, moi aussi, il y a quelques secondes. Si tu n’avais pas été là, j’aurais sauté. Mais j’ai fait mon choix. Je continue de vivre, envers et contre tout. Je continue de vivre, avec l’envie de mourir. Mais toi, qui est mort avec l’envie de vivre, vas-tu te retourner, te boucher les oreilles, et refuser de m’entendre ? Ou vas-tu regarder la vérité en face, et disparaître ?

- Mais, si je disparais…

- Je serais seule, oui. Mais j’ai eu la chance, même si ce n’était qu’un bref instant, d’avoir un ami. Je n’abandonnerai pas, sois-en sûr. Maintenant, va. »

Scintillant dans un rayon de lune, l’apparition sembla sourire, puis disparaître. Un instant plus tard, seule la poussière brillait dans la lumière du projecteur.

Mon cœur pleure de toutes ses forces.

« Je ne te reverrai plus jamais… »

Mais je dois toujours y aller…

« Je dois y aller… »

Avec un sourire triste, la jeune femme s’avança jusqu’au bord de la scène, et se laissa tomber.

Rideau.

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