Être hors-sol.

2 minutes de lecture

Être hors-sol.

C’était ainsi, il fallait avancer dans la poussière de sable, au milieu des tornades de chaleur, envelopper son visage du linge blanc du taguelmoust, plisser les yeux, retenir sa respiration, devenir légère comme le criquet pris dans les mailles fibreuses de l’harmattan, sentir son corps devenir cette pure abstraction, cette ligne flexueuse à mi-distance du ciel et de la terre, cette manière de flottement qui ne serait jamais accompli que du centre de ses propres sensations. Il fallait être hors-sol et le demeurer tant que vous visiterait l’écume du rêve, là, à des milliers de lieues du réel, où ne flottaient que des idées, des pensées, de simples intellections affairées d’elles-mêmes.

Au milieu des dunes.

Ici, au milieu des dunes, parmi leurs souples oscillations, leur immobile progression, une jeune femme du doux nom de Sibylle - cette pourvue du don de prophétie -, marche au-devant d’elle-même, son corps la suivant à peu de distance, pareille à une ombre, à une nuée grise attachée à un mystérieux cheminement. L’air est une toile compacte faite d’un tissage de grains de sable, de pliures de vent, de fragments de réminiscences venues du plus loin de la mémoire. Ici, nul besoin d’évoquer la force illuminante de la foudre, de se pencher sur la dépouille d’animaux sacrifiés pour déceler ce que sera l’avenir, en deviner la couleur, en dessiner l’essence. Il suffit d’avoir séparé son corps de son esprit afin que ce dernier, enfin déliré des entraves de la matérialité, puisse s’affranchir de toute contrainte et vogue librement dans l’espace infini des délibérations ouraniennes. Se projeter dans l’heure qui vient, dans le jour qui s’annonce au loin, dans la minute qui grésille d’impatience est ceci : se sustenter à l’aune de sa propre liberté et fixer de ses yeux de braise ce qui apparaît, tout là-bas, au bout du long tunnel noir que déchire l’arche brillante d’une vérité. Nulle autre voie que de déciller longuement ses yeux, de les laisser se confronter à cela qui surgit, ou bien la noirceur d’une aporie ou bien l’étincelle d’une connaissance, la flamme d’une beauté. Avenir : une maille à l’endroit qui nous dit l’ouverture du monde, sa merveilleuse image, sa libre disposition à s’affirmer dans la clarté ; une maille à l’envers qui est sa face cachée, le revers d’une fortune, une plaie de l’âme, la perte d’un avoir, la dissimulation d’une pépite dans l’obscur de la roche, sans doute cet inconscient qui nous ôte la vision des choses pour la mettre au secret.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire jean-paul vialard ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0