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Une minute de lecture

Avec Jean, une de mes copies, nous avons vécu la campagne de Russie. Nous étions ce que les historiens ont appelé des « malgré nous ». C’était un poil ironique et provocateur, car nous étions en réalité plus que volontaires : nous nous sommes jetés dans la guerre avec une rage inextinguible. Nous avons souffert de la diarrhée et du froid polaire, nous nous sommes protégés derrière les murs de morts érigés sur les wagons des trains qui filaient à travers le blizzard, aiguillés selon des règles étranges décidées à des milliers de kilomètres de là, et qui nous échappaient totalement. Nous avons été harcelés par les partisans, que nous avons massacrés puis pendus. Nous avons vécu les bombardements et les gaz, les éclats de shrapnels, la fatigue et la privation. Je me souviens des tripes chaudes et gluantes projetées dans les airs, de cette matière humaine et fécale qui retombaient en pluie fine après l’explosion des obus. Je me souviens avoir mis une balle dans la tête de Jean, alors qu’il agonisait, les jambes sectionnées et le ventre ouvert, déchargeant ses entrailles dans la boue fumante d’un trou de mortier.

J’ai été extrait de Stalingrad juste à temps, pour être envoyé plus au nord. J’ai fini dans l’enfer de Memel où, trop faible pour me suicider, j’ai été fait prisonnier par les Soviétiques et immédiatement envoyé au Goulag.

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