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Dans la fournaise de ce milieu d’après-midi, j’avise les vagues qui explosent contre la paroi rocheuse, inondant l’air d’écume et de sel. Je m’élance puis saute vers l’azur. L’espace d’un court instant, je savoure l’apesanteur. Mon estomac proteste, mon scrotum se rétracte, puis, après quelques secondes infinies, je perce la surface dans un jet, puis glisse dans l’eau bleue qui m’enveloppe, presque glaciale.

De retour à la surface, à moitié suffoquant et frissonnant, je fais la planche, dégustant la froideur de l’eau de mon enfance qui étourdit mon âme d’adulte. Les oreilles sous l’eau, je contemple en silence les nuages voluptueux qui se découpent sur un bleu profond. Je laisse le froid m’engourdir et la houle me bercer, avant de faire quelques brasses, pour rejoindre la plage en glissant dans les vagues.

Le corps nu, trempé, je me hisse hors de l’eau puis je m’affaisse sur les rochers noirs brûlants, humant l’odeur du sel et des algues. Je me laisse rouler sur le ventre, offrant mon dos encore brillant au brasier solaire.

Une fois sec, je fais quelques pas dans le sable jaune, me roule dedans pour me laisser pénétrer plus profondément par sa chaleur, avant de repartir vers les ruines romaines, inondées par la lumière ocre du soleil. Je m’assieds sur un muret effondré, et contemple les sarcophages ouverts et envahis par la végétation rampante, en pensant à tous ces morts retournés au néant.

Submergé par la lumière et par les odeurs enivrantes des lauriers roses, je savoure ma création, je jouis de ce monde composite, subtil mélange d’océan Atlantique et de Méditerranée, divine fusion de Ouakam, de la pointe des Almadies, de Tipasa et d’Alger.

Le regard perdu vers la mer-océan, je me nourris de cette réalité virtuelle transcendante qui vaut tous les arrières mondes du passé.

Mon âme portée à incandescence, j’expérimente le sublime en me remémorant l’époque maudite où cette connaissance du sublime se payait inéluctablement du savoir de ce que l’on perdait avec la mort. Je m’attarde quelques instants sur cette pensée merveilleuse, sur l’idée que la mort n’est plus l’absurdité devant laquelle tout doit forcément s’effondrer, et j’étreins avec délice ma païenne immortalité.

Je me laisse porter par la nostalgie enfin assouvie, je jouis de sentir mes blessures ontologiques se refermer, je me délecte de ce paradis perdu et de cette innocence retrouvée. Là, dans le petit corps chétif et malingre de l’enfant de dix ans que je fus il y a tant et tant de milliards d’années, dans un monde qui n’existe plus, je bronze sous le soleil de plomb de l’Afrique disparue.

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