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Le bruit des enfants me réveillent.

Le bruit des enfants, et les rayons du soleil qui dansent sur ma joue.

Je sens l’odeur de la viande grillée. Je me lève, puis je me dirige vers ma femme, qui fait la cuisine au coin du feu. Je l’embrasse, elle, ainsi que mes trois enfants. Je prononce quelques mots, dans cette langue qui m’était inconnue il y a quelques mois encore, avant que je ne prenne en route le train de cette nouvelle vie, mais que je parle en fait comme si je l’avais parlée depuis ma plus tendre enfance.

Je me souviens. Je sais qui je suis, et d’où je viens.

Je sais que je vis dans une réalité virtuelle, un programme, une simulation. Mais je chéris cet univers. Je chéris mes IA qui ont conçu ce monde, à moitié aléatoire, à moitié en fonction de mes envies, conscientes ou inconscientes.

Je chéris ce monde, où je peux me lever tous les jours, pour voir miroiter les eaux du lac Tibériade.

Alors, bien sûr, les temps sont troubles, et je ne sais pas ce que me réserve l’avenir. Je ne sais pas pour quand est programmé mon prochain saut, vers ma prochaine réalité. Je ne sais pas si je quitterais vraiment celle-ci, ou si je me clonerais dans l’autre, pour vivre deux existences séparées. Mais je m’en moque.

Tout ce qui compte pour moi, c’est d’écailler les poissons que m’a ramenés mon frère, ce matin. Écailler les poissons, puis les faire mariner dans du jus de citron, des herbes et de l’huile d’olive, pour le dîner.

Ma sœur vient à ma rencontre, et m’informe des derniers potins du village. Elle adore ça, les potins. Et puis, elle s’intéresse à la politique. Elle m’explique comment la tension monte à Jérusalem, d’après les dernières rumeurs. La répression militaire voulue par Antiochos se fait de plus en plus dure. Il se murmure que le roi vient de lancer une nouvelle offensive à Arados, en Phénicie. On parle de putsch, de meurtres et de viols. Je la prends dans mes bras, j’essaie de la rassurer.

Je ne sais pas si ce qu’elle raconte est vrai. En fait, je ne le sais doublement pas. Je me demande si ce ne sont que des rumeurs, ou bien si cela arrive réellement dans cette réalité. Et même si cela arrive effectivement dans mon monde, je me demande si cela est réellement arrivé dans l’ancien monde, le monde réel, que j’ai quitté il y a déjà si longtemps. J’y réfléchis quelques instants, puis je décide que tout ça n’a aucune importance. J’embrasse tendrement ma sœur sur le front, et je l’invite à m’aider à la cuisine. Elle me sourit, puis commence à écailler les poissons avec moi.

En silence, nous préparons le dîner, nous regardons les enfants jouer avec le chien. L’odeur de la mer, l’air salin, la douceur du soleil, tout est si agréable. J’aime ce monde. Je le chéris.

D’après les IA, je vis dans le petit port de Dalmanoutha, dans une reconstruction plausible de la Galilée, vers l’an cent soixante-dix avant Jésus-Christ. J’interroge l’ordinateur sur la valeur du temps réel, chose que je m’étais refusé de faire depuis mon arrivée ici. En haut à gauche, presque à la limite de mon champ de vision, un chiffre s’affiche discrètement.

Je tourne la tête pour mieux le voir :

4x10^9 ap. J.-C.

Je reste figé quelques secondes, le temps de me laisser imprégner par le chiffre.

Nous sommes en réalité en l’an quatre milliards après Jésus-Christ. Je suppose que le chiffre réel n’est pas si rond que ça. L’ordinateur a dû me faire grâce des chiffres après la virgule, non significatifs.

Je suis pris de vertige l’espace de quelques instants. Je me demande ce qu’est devenue l’humanité, la vraie. Est-elle encore en vie ? Est-elle partie à la conquête du cosmos ? Qu’est-ce qui assure ma survie ?

Je suppose que, depuis tout ce temps, le Soleil a explosé et que la Terre a été vaporisée dans l’infinité de l’espace.

Mon ordinateur est-il en perdition quelque part, en orbite autour d’une lune morte parcourue de tempêtes de sables, enfermé dans un bunker ultra-sécurisé oublié depuis des millions d’années ? Je n’en sais rien. Les IA non plus, ou en tous cas elles ne me disent rien.

Je repose le couteau, je me lève et je vais embrasser ma femme sur la bouche.

Et alors que je la serre dans mes bras, soudain, je ressens les premières sensations de la transition.

Je sens mes états d’âme vaciller.

Ma vision s’altère.

Zap.



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