Chapitre 33

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Versailles


La réunion de l’équipe n’avait apporté aucune information nouvelle. Les cadavres un et deux restaient anonymes. Ange n’avait pas eu de retour du Quai d’Orsay, et il se dit que l’hypothèse du diplomate allait se vérifier. Le policier se savait impuissant, d’autant plus qu’il sentait bien que la jeune marocaine n’était qu’une victime de hasard. Elle avait eu la malchance d’habiter à proximité d’un prédateur en chasse.

Au mauvais endroit, au mauvais moment, le commandant connaissait bien cette combinaison de circonstances, aboutissant à des crimes aveugles. Il préférait lutter contre les réseaux de trafiquants dont les mobiles avaient au moins le mérite d’être faciles à décoder.

À défaut de pouvoir incriminer le conseiller de l’ambassade, il se promit de donner tous les détails à Julie, en lui proposant d’écrire un papier sur ces pratiques d’un autre âge. Il ne doutait pas que la cause l’intéresserait.

N’ayant pas de raison de traîner au bureau, il avait profité de ce petit temps mort pour passer faire quelques courses et regarnir son frigo. Ses besoins de célibataire étaient assez modestes et il prenait la plupart de ses repas à l’extérieur, mais il y avait quand même un minimum à renouveler.

Rentré chez lui, près avoir rangé les provisions, il alluma son antique chaîne hi-fi, léguée par un oncle mélomane. L’équipement Bang & Olufsen, au design révolutionnaire à une époque où Ange n’était même pas né, délivrait toujours un son exceptionnel. Grand amateur de jazz, le tonton avait également laissé une collection impressionnante de disques vinyles des plus grands artistes du 20e siècle.

Le policier choisit “Black, Brown & Beige” de Duke Ellington, l’enregistrement de 1958, accompagné par Mahalia Jackson. Il se servit un sérieux verre de Torfa, un whisky tourbé qu’il appréciait particulièrement et s’installa dans l’unique fauteuil club en cuir fauve aux accoudoirs usés par l’usage, complément indispensable de l’auditorium privé.

La face A et le whisky achevés, Ange venait de passer dans la kitchenette quand son portable sonna. L’écran affichait Boris. Il referma la porte du frigo et répondit à son subordonné.

— Séga. Tu as du nouveau ?

— Je crois bien, oui, répondit Boris avec le l’excitation dans la voie. Il se pourrait bien qu’on ait identifié White Horse, l’un des membres du réseau et les collègues ont quelques idées sur qui pourrait être à la tête du groupe.

— Tu es où, maintenant ?

— Je viens de quitter mon informateur, je suis encore à Levallois. Je rentre sur Versailles, j’y serai dans une demi-heure.

— Bon boulot, je te rejoins là-bas.

Sachant que dix minutes lui suffisaient pour retourner à la DRPJ, Ange se prépara un en-cas rapide. À vingt heures trente, il retrouvait Boris qui venait lui aussi juste d’arriver. Le jeune homme venait juste de relancer ses ordinateurs lorsque son chef entra dans l’open-space.

— Alors, qu’est-ce que tu as trouvé ?

— Les collègues de la DGSI pensent que White Horse pourrait être un gars qui crèche dans un haras du sud des Yvelines, d’où son pseudo. De son vrai nom Gael Le Callec’h. Un breton, à coup sûr. Le gars est fiché pour activisme d’extrême-droite. Il a été un temps militant au GUD et il fait souvent le coup de poing contre les antifas. J’ai récupéré les numéros de ses deux portables. Je vais voir ce que je peux trouver. Je n’en ai pas pour longtemps.

— Et l’autre, le chef ?

— C’est moins formel, mais la aussi le gars du Renseignement a tiqué sur le pseudo White Power. Ils ont dans le radar un ancien élève-officier qui a eu des ennuis pour avoir écrit qu’il fallait purifier les unités de toutes les recrues d’origine étrangère. Il a été exclu de Saint-Cyr avant la fin du cursus. Depuis, il milite sur internet et écrit des articles incendiaires pour diverses publications à l’odeur nauséabonde. Lui aussi fils de la haute société, un certain Louis-Antoine Clessy de Nangis, excusez du peu. Il y a plusieurs généraux dans les aïeux, sa rupture avec l’armée lui a valu le bannissement familial.

— J’adore ! Tu peux vérifier son pédigrée, ses contacts, ses sources de revenu, la totale. Essaie de croiser avec les autres, même s’ils sont prudents, ils ont peut-être eu quelques contacts directs. Envoie-moi l’adresse précise du palefrenier, je vais voir si les gendarmes du coin le connaissent.

— Ça bouge chef, je le sens.

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