Chapitre 10

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Versailles

— Commandant Segafredi à l’appareil, Monsieur le Procureur. Je rentre juste d’Achères. Il y a beaucoup de similitudes entre la scène de crime de Rambouillet et celle de ce matin. Une femme dénudée, retrouvée au bord d’un plan d’eau. Elle a probablement été tuée ailleurs et abandonnée à cet endroit isolé la nuit. Cette fois encore, il semble que la victime soit d’origine étrangère. Une de mes équipières pense qu’il s’agit d’une Marocaine. Elle a reconnu des tatouages typiques.

— Vous pensez à un tueur en série ?

— C’est difficile à affirmer. Bien sûr, il y a beaucoup de points communs, mais aussi quelques divergences. Les premières victimes ont été étranglées à mains nues. La dernière l’a été avec une cordelette. Les victimes ne correspondent pas aux mêmes profils, origines ethniques, couleurs de peau diffèrent. On pense plutôt que le point commun pourrait être le fait qu’elles soient toutes des sans-papiers. Nous recherchons dans cette direction auprès des associations de soutien. Nous explorons aussi les réseaux sociaux. Julie Delmas, la journaliste qui couvre notre enquête à la demande de la place Beauvau, suggère de publier un appel à témoins avec les photos des victimes. Qu’en pensez-vous ?

— Cela peut déclencher un sentiment de peur dans la région, mais d’un autre côté, l’information finira toujours par sortir, d’une manière ou d’une autre, alors peut-être vaut-il mieux canaliser la fuite. Demandez-lui de m’appeler.


Après avoir raccroché, Ange alla chercher un café au distributeur dans le couloir. Le jus était infâme, mais il n’avait pas la patience d’attendre que le brigadier Demange en prépare. Il n’avait pas déjeuné et son humeur commençait à s’en ressentir. Son gobelet brulant à la main, il s’arrêta dans le petit local mis à la disposition des journalistes.

— Mademoiselle Delmas, voulez-vous venir déjeuner avec moi ? Je crains que ce soit la seule opportunité pour discuter en tête à tête aujourd’hui.

— Une invitation ? je ne vous pensais pas si rapide, Commandant.

— Ne vous méprenez pas, on descend au café du coin de la rue et chacun paie sa part.

Julie prit son sac et son blouson et suivit le policier. Dix minutes plus tard, ils étaient installés à une table un peu isolée dans une brasserie proche. Ange avait délibérément évité l’établissement le plus proche, véritable bar à flics, pour limiter les éventuels commérages. Julie Delmas était une jeune femme séduisante et il ne voulait pas donner prise aux allusions salaces.

— J’espère que vous n’enregistrez pas cette conversation. Je ne vais rien vous révéler de confidentiel, mais je préfère que nous fassions connaissance de façon, disons, informelle.

— J’ai une excellente mémoire, et mon professionnalisme ne m’autorise pas à vous enregistrer à votre insu. Ceci dit, même si la conversation est informelle, ce que vous allez me dire peut se trouver retranscrit dans mon article, sommes-nous bien d’accord.

— Très bien, nous pouvons commencer par quelques considérations personnelles. Je mange de la viande, accompagnée le plus souvent de frites et je bois de l’alcool. J’ai donc l’intention de commander une entrecôte à la béarnaise accompagnée d’une pinte de bière pression. Et vous Mademoiselle Delmas, quel est votre régime ?

— Je suis omnivore, je m'adapte à mon milieu. Je suis végétarienne en Inde, je mange des pizzas aux Etats-Unis et de la morue au Portugal.

— Vous avez beaucoup voyagé ?

— Je sais que c’est votre métier, mais pour le moment, c’est moi qui pose les questions et la réponse est oui. J’ai trainé mon sac et mes jeans partout dans le monde, y compris à des endroits où vous n’iriez pas en vacances. Fin de la confidence.

— Compris.

— Parlez-moi un peu de vous ? Vous êtes Corse ou Italien ?

— Vous m’insultez, Mademoiselle, Corse ! La sécurité de l’Etat est une tradition dans notre famille, à l’exception de quelques cousins qui ont quitté le droit chemin. Mon père termine sa carrière dans la Police. Je prends la suite. Et vous, d’où venez vous ?

— Vous êtes indiscret, mais sympathique, alors je vais vous répondre. Je suis née aux Antilles, mais mon père est lui aussi un fonctionnaire métropolitain. J’ai quitté mon île pour étudier à Albi, puis à Paris. Depuis combien de temps êtes-vous dans la police ? Quel a été votre parcours ?

— Je ne suis pas sorti du rang. J’ai étudié le droit puis j’ai fait l’école des Officiers de Cannes-Ecluse. J’en suis sorti capitaine il y a six ans et depuis je fais de la police judiciaire. J’ai débuté à la PJ de Paris, mais pas au quai des Orfèvres, à Nanterre. Je suis arrivé à Versailles il y a un an avec la barrette de commandant.

— Sur quels types d’affaires travaillez-vous ?

— Principalement de l’investigation autour de trafics en tous genres, à l’exception des stupéfiants. Vous seriez surprise de savoir tout ce qui circule illégalement sur le territoire.

— Etonnez-moi, Commandant.

— Vous pouvez laisser tomber le Commandant, en privé on m’appelle Ange ou Sega.

— D’accord, mais vous renoncez à m’appeler Mademoiselle Delmas, même en public, je ne suis plus une gamine. Appelez-moi Julie si vous voulez être gentil ou bien Delmas, tout court, si vous voulez être strict. Je comprends qu’aux yeux de votre équipe vous souhaitiez garder vos distances. Alors, ces trafics ?

— Vous ne lâchez rien !

— Parce qu’il vous arrive de renoncer, vous ?

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