Chapitre 3

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Paris 15e, bureau du Rédacteur en Chef

Julie sortit du métro Balard avec quelques minutes de retard. Il lui avait fallu près de 45 minutes et deux correspondances pour venir de son appartement des Buttes-Chaumont, mais elle savait que son interlocuteur serait encore plus en retard. Elle se présenta à l’accueil et demanda François Marceau, le rédacteur en chef du magazine avec lequel elle collaborait souvent. En tant que journaliste free-lance, elle était en théorie libre de travailler avec qui elle voulait, mais Marceau connaissait ses compétences et il ne l’avait sans doute pas convoquée sans un projet de reportage sérieux. Il lui arrivait de plus en plus souvent de travailler en vidéo-conférence, mais pour ce sujet, il lui avait demandé de venir à son bureau. L’hôtesse lui indiqua le chemin qu’elle connaissait déjà par cœur, en précisant que François Marceau n’en avait plus que pour quelques minutes. La jeune femme monta à l’étage indiqué et alla signaler sa présence au travers du bureau vitré de son contact. Il lui répondit en levant les dix doigts, ce que Julie interpréta comme un délai suffisant pour une petite tournée des bureaux. En cette fin de matinée, les locaux étaient encore calmes, les journalistes sont des oiseaux de nuit, et elle se contenta de saluer quelques anciens collègues avant d’aller se préparer un expresso dans le coin café.


  • Hello Darling, dit une voix derrière elle.

Elle se retourna, son gobelet à la main, reconnaissant l’accent de John Hunt, un photographe d’origine britannique, avec qui elle avait déjà travaillé à plusieurs reprises. Bien que vivant en France depuis de longues années, John ne s’était jamais débarrassé de son accent des Midlands. Bien qu’ayant largement dépassé la quarantaine, il continuait à arborer des tenues au style typiquement londonien, parfaitement en phase avec son mode de vie de dandy homosexuel, parfaitement assumé.

  • Salut John, répondit Julie, est-ce le hasard ou vais-je devoir à nouveau te trainer derrière moi les jours prochains ?
  • Well, je suppose que tu as été convoquée par le Boss, tout comme moi. Ce n’est donc sûrement pas pour nous proposer des vacances sur note de frais.
  • En effet, tu es un charmant camarade, mais pas vraiment mon genre pour un voyage en amoureux. Sais-tu ce que Marceau a pour nous ?
  • Aucune idée, mais nous n’allons pas tarder à le savoir, le voici.

L’homme qui leur faisait signe depuis la porte de son bureau dégageait une énergie brute, bien qu’ayant, de toute évidence, dépassé largement l’âge légal de la retraite.

-- Entrez tous les deux et fermez la porte. Je vais vous demander de rester discret sur ce que je vais vous dire pour le moment, tant que tout n’est pas totalement bouclé. J’ai reçu hier soir un coup de téléphone de la Place Beauveau, un jeune con prétentieux en charge de la communication du Ministre, mais qui sera sans doute bientôt député ou secrétaire d’Etat, s’il ne se perd pas dans les allées du Pouvoir. L’Intérieur veut améliorer son image auprès de la population, ou des électeurs, comme vous voulez, et propose de nous ouvrir l’accès à une équipe de PJ, le temps de faire un reportage sur la vie et les méthodes des flics de terrain.

  • Une minute, interrompit Julie, vous voulez dire qu’on va devoir leur passer la brosse à reluire ?
  • Je m’attendais à cette objection. Non, j’ai clairement précisé que le jeu devrait être ouvert. Pas question de publier un texte écrit d’avance, de reprendre leurs éléments de langage…
  • Pas de relecture avant publication !
  • C’est ce que j’ai demandé, et la contrepartie est d’avoir un regard objectif et non partisan. Soyons clair, je n’ai pas l’intention à mon âge de mettre mon journal au service du Gouvernement, mais je ne veux pas non plus que le prochain sujet aille à la concurrence.
  • Comment est-ce que ça va se passer ? demanda John. On va planquer avec eux ?
  • C’est possible mon vieux, vous verrez avec eux, il vous faudra peut-être adopter une tenue plus « discrète ».
  • I can’t believe it ! répliqua le photographe d’un ton délibérément affecté.
  • On peut savoir où ils veulent nous envoyer ? J’espère que ce n’est pas à Tourcoing ou à Guéret, demanda Julie.
  • Je vous ferai suivre le contact plus tard dans la journée, ce n’est pas encore totalement figé.
  • Et pour la durée ?
  • Ils souhaitent une immersion assez longue, une à deux semaines au moins. Rassurez-vous, vous serez correctement payés, je m’y engage, et les frais seront également couverts, dans les limites du raisonnable bien sûr, mylord !
  • Pourquoi faîtes-vous appel à nous ? Vous n’avez pas d’équipe disponible ? Ce n’est pas vraiment mon domaine, demanda Julie.
  • Et bien, je crois que j’apprécie votre indépendance, mais aussi votre professionnalisme. Je pense que vous saurez éviter de vous faire manipuler, sans pour autant laisser votre fougue vous dépasser. J’espère ne pas me tromper.
  • Pour quand voulez-vous le papier ?
  • Je pensais le publier début novembre, ça vous laisse trois semaines. Il me semble que c’est suffisant.
  • S’ils ne trainent pas trop à nous accepter, ça doit pouvoir se faire.
  • Est-ce que je dois prendre ça pour un accord ?
  • Je vous donnerai mon accord définitif quand vous m’aurez envoyé le contrat.
  • Bien entendu, vous l’aurez dans la journée, et pour vous Hunt ?
  • Je devais prendre le thé avec la Reine la semaine prochaine, mais ça vient juste d’être annulé. Je suis donc disponible, aux conditions habituelles. Et puis, passer quelques nuits dans le froid avec Mademoiselle Delmas, c’est un plaisir que je ne peux lui refuser.
  • Parfait, je vous envoie tout ce que j’ai par mail, et vous me tenez au courant de l’avancée deux fois par semaine. S’il y a le moindre problème, vous me prévenez, et je ferai le nécessaire avec le conseiller Dunoeud.

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