Partie 2 - 1

2 minutes de lecture

 Les centres de vies communes. Ils me font rire les Terriens et TerMarTer qui ont pondu ce terme. Les couloirs sont morts. Le silence règne. On se croise comme des fantômes. Je veux bien croire que l’ambiance lors des premières installations de colons en quête d’aventures devait être toute autre que celle d’aujourd’hui. On est parqués dans le sous-sol de Mars avec pour seule fenêtre notre PIM perso. De toute façon, on ne rêve pas de vivre sur Terre, vu son état déplorable. Ce n’est pas par hasard que la « Haute Terrienne » a élu domicile dans les bulles d’Olympus Mons. En plus, notre corps ne pourrait pas s’adapter à la vie là-bas.

 Je n’ai pas envie de m’enfermer dans mon quatre sur quatre. La compagne de Marlo veut un six sur six. Elle rêve, l’Alyse. Même avec deux mômes, tu ne peux pas l’avoir. De toute façon, les mômes ce n’est pas toi qui choisis ; c’est le centre de colonisation. Sinon, tout le monde aurait des six sur six !

 Traîner, c’est le seul moment que j’apprécie. J’erre sans but mais sans ordre. Je divague. Les couloirs sont tous les mêmes. La rigueur scientifique ne fait pas bon ménage avec l’architecture. Sûr que c’est pratique, optimisé, sécurisé. Mais triste à pleurer. Ils ont reproduit la lumière naturelle. La voûte a la luminosité du soleil, sa couleur mais pas sa chaleur. Piotr, il détestait cet artifice. Il m’avait dit :

 « Ils ont poussé le vice de reproduire la luminosité de la Terre. On est sur Mars, bordel ! »

 Il avait raison, Piotr. Les Terriens, ils veulent reproduire leur berceau. Ça fait peur, vu ce qu’ils ont fait au premier.

 Je croise de temps en temps un autre résident. Parfois, j’ai le droit à un rapide salut de la tête, mais le plus souvent, c’est un regard fixé sur le PIM perso. Moi, le mien, il reste dans mon quatre sur quatre. J’ai déjà le poids de Pupy assez longtemps comme ça. Je ressens même encore sa présence. Alors me rajouter ça, non. Du coup, pour la communauté, on repassera. Les réseaux sont tout-puissants. Tout le monde partage les mêmes choses. Tout le monde est d’accord sur tout. Surtout lorsque l’on sait que c’est TerMarTer qui te le file en récompense de tes efforts. Mais moi, je préfère mon pupitre placé entre mes deux oreilles, celui-ci personne n’y a accès. Pas encore. Piotr, c’est comme ça que je l’avais rencontré : pas de PIM perso, à traîner dans les couloirs.

 Je repense à Marlo, à sa réaction. Il a eu les jetons. Je ne pense pas que ça vienne d’Alyse. J’ai dû appuyer au mauvais endroit. Peut-être a-t-il vécu la même chose que moi sur un autre entrepôt ? Ça a mal tourné. Du coup, il se la joue discret. Pas de vagues sur sa note à craindre.

 Sur le croisement des transports, il n’a pas tort. On se croise tous les jours. C’est stupide, mais je n’y avais jamais pensé, trop occupé à rêver ou à pester sur ce satané « clac ». Les hublots sont petits et pas forcément propres. Faut dire que les tunnels ne sont pas récurés tous les jours ; alors les rames, je ne crois pas non plus. En revanche je sais que vers les jonctions entre les wagons, les hublots sont plus larges. Je devrais pouvoir m’y installer, si j’arrive un peu plus tôt.

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