Partie 1 - 2

2 minutes de lecture

 Seeker, je l’avais recalibré en moins de deux. LaSup, elle ne pourrait rien me dire là-dessus. Je l’aime bien Seeker, il est réglo et régulier. Je le réaligne et il est reparti pour deux semaines, sans panne. Ce n’est pas le cas de Mover. Un vrai capricieux. Si je ne prends pas la peine de suivre strictement la procédure, il se met en alerte, fissa, et tout est à refaire. Au début, je le détestais. Il avait fait dégringoler ma note à plusieurs reprises. Pourtant, il a raison d’être tatillon, Mover. Un mauvais réglage et c’est toute la chaîne qui risque de perdre des millisecondes. Le temps est compté au comptant, ici.

 D’ailleurs pas le temps de flâner, LaSup bat la mesure et Pupy affiche la cadence, pas de temps mort. Je peux quand même revendiquer une pause ou deux, pas plus. De toute façon, on n’essaie même pas. Question ambiance, on n’est pas à la fête. Pourtant, on a le choix. D’un geste sur Pupy et c’est une des musiques du catalogue de TerMarTer qui résonne dans les lieux. Ils proposent même des ambiances sonores terriennes. Ça m’a amusé pendant deux sessions. Puis, j’ai tout coupé. Je préfère entendre le tapage de Packer, le chuintement de Mover tout en regardant de loin Seeker en transe.

 TerMarTer, la firme terrienne propriétaire de mon entrepôt, avait livré deux nouveaux collaborateurs, comme ils disaient. Ils avaient été positionnés sur la chaîne, la veille, en dehors de ma session. Je n’avais pas eu le temps de dire au revoir à Scanner et Placer. À chaque fois, ça me faisait un coup, comme cette fois où un bon copain, Piotr Solgarde, s’était embarqué sur le chantier de construction d’un gros cargo minier. Un chouette type. Un gars qui cherchait toujours à sortir de sa zone de confort. Tout le contraire de moi.

 « Parce que Mars, tu vois, j’y ai fait mon temps. »

 Il m’avait balancé ça, un soir, au détour d’une banalité, après avoir traîné sans but dans les couloirs des habitats collectifs, les espaces de vie commune. Lui, ça le tuait, moi ça me changeait de mon tapis. Il ne m’a pas proposé de le suivre. Il connaissait déjà la réponse. Je n’avais pas comme lui dans le sang, inscrit au burin dans les gènes cette volonté de colon. Ses ancêtres étaient russes et norvégiens et avaient fait partie de la première vague. Mais de nos jours les nations, ça ne veut plus rien dire. Elles ont été fondues et refondues dans le creuset des firmes à grands coups de maillet financier. Aujourd’hui, sur Mars on est plus ou moins TerMarTer. Piotr, je ne sais pas ce qu’il est devenu. Il a sûrement réussi à rejoindre les membres d’équipage de l’immense vaisseau. Je l’imagine bien partir, à scruter l’inconnu pour perforer des astéroïdes à grands coups d’impacteurs, à avaler les matières précieuses des noyaux de comètes du nuage de Oort et à repousser ses limites toujours plus loin.

 C’est vrai que Scanner et Placer étaient vieux. Pourtant, j’avais déployé tous mes talents pour les faire tenir. Mais contre le temps et les statistiques, on ne peut pas se battre. Le grand-père, il avait raison sur ce point. Ça ne m’empêchera pas de souhaiter, comme il se doit, la bienvenue aux tout frais Scanner et Placer lors de ma prochaine tournée de maintenance. J’espère qu’ils seront aussi discrets que leurs défunts congénères.

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