Bourré

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Je plisse les yeux, des lumières m'éblouissent. Déjà qu'en temps normal, ma vue n'est pas au top, mais là c'est une catastrophe. Je passe ma main sur mon visage, et je me rends compte que je n'ai pas mes lunettes...

Mais bon, je suis trop crevé pour que ça me dérange vraiment. J'ai juste envie de rentrer chez moi et de me jeter sur mon lit.

J'ai mal à la tête, je crois que j'ai encore trop bu ce soir... Je suis affalé au fond de mon siège. Je dois être dans une voiture, mais je n'en suis pas trop sûr. Alors je regarde à ma gauche, il y a une silhouette qui a les mains posées sur... on dirait un volant. Oui, je suis bien dans une voiture, mais qui est la personne à côté de moi ?

Ça commence à m'agacer, cette histoire de lunettes. Ce n'est vraiment pas mon genre de perdre des affaires, je suis quelqu'un de très soigneux d'habitude. Et puis je ne peux tout simplement pas vivre sans.

Je fronce les sourcils et j'essaye de me concentrer au maximum malgré mon mal de crâne, et je reconnais enfin ma pote Célia, avec ses cheveux blonds, doux et soyeux. Ce n'est que maintenant que je me rends compte qu'ils ressemblent à ceux de ma mère. Je me souviens que j'adorais coiffer les cheveux de Maman quand j'étais petit, ils étaient agréables au toucher... J'ai envie de passer ma main dedans, mais je n'ose pas la déconcentrer : elle a l'air focalisée sur la route.

— Merci...

Elle se retourne brusquement vers moi, elle doit être surprise que je puisse encore parler. J'ai vraiment l'air en si mauvais état que ça ?

Je crois que je commence à reconnaître l'endroit où on se trouve. En plissant les yeux, j'arrive à trouver un Mcdo à ma gauche... on doit être à Denfert, enfin je pense.

— On peut s'arrêter pour prendre des nuggets ? J'ai super faim, là.

Célia ne me répond pas, j'ai même l'impression de la voir lever les yeux au ciel. Je dois la soûler, mais je sais qu'elle m'aime bien, au fond. Elle m'a toujours aimé...

— Merci de me ramener chez moi. Je sais pas ce que je ferais sans toi !

J'ai l'impression qu'elle sourit, mais je n'arrive pas à m'en assurer : son visage est à moitié caché par ses cheveux.

L'ambiance est spéciale. Je ne sais pas si je suis le seul à le ressentir, si c'est dû à l'alcool, mais j'ai l'impression que quelque chose se passe entre nous... Personne ne parle, les poils de mes bras se hérissent, je sens mon coeur battre à toute allure.

— Tu sais... J'te trouve très belle comme ça. Avec toi, les choses sont différentes, rien ne se passe comme je le prévois, t'arrives toujours à me surprendre.

Je crois entendre sa respiration s'accélérer, et devenir plus bruyante... Je sais qu'elle m'entend, mais elle ne répond toujours pas, elle garde les yeux rivés vers l'avant. Mais je sens que mes paroles la touchent, je sais qu'à défaut de ses yeux, c'est son coeur qui est tourné vers moi.

— Et je serais l'homme le plus heureux du monde, si tu m'offrais un peu plus que ton amitié...

Célia ne répond toujours pas...

Je ne sais pas comment l'interpréter, ça m'inquiète. Elle doit être en train de réfléchir, de se poser mille questions. Peut-être que la surprise et l'émotion la laissent sans voix, ou qu'elle est en train de se demander comment me dire gentiment que ses sentiments ne sont pas réciproques...

Et là, elle se met à pouffer de rire. Pourquoi ?! Je suis en train de lui déclarer ma flamme, et tout ce qu'elle trouve de mieux à faire, c'est de rigoler devant moi ? J'avoue que je ne comprends rien, là.

— Je vois pas ce qu'il y a de drôle...

— Mais enfin ! me répond-elle. Je suis ta mère ! T'as vraiment trop bu ce soir, imagine la réaction de ton père quand il va apprendre ce qui vient de se passer ! La honte pendant dix ans, mon pauvre chat ! Ah oui, au fait, tes lunettes sont dans la boîte à gants.




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