Chapitre 18

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C'est au bout du dixième jour que l'inquiétude avait gagné Nayala. La durée de sa mission s'écourtait, ainsi que l'espoir de secourir Yélé. Elle s'en voulait d'avancer si lentement, même si cela était par prudence.

Une part d'elle-même aimait travailler en tant qu'Assistante au côté de monsieur Lancel. Elle prenait des tas de notes dans un carnet épais, que son patron lui avait donné afin de remplacer son amas de feuilles volantes. Elle n'avait pas pu s'empêcher de vouloir tout retenir et de s'instruire davantage.

D'après son patron, la jeune femme possédait un don formidable qui lui aurait valu, si lui avait voulu avoir une Assistante sur le long terme et elle de vouloir travailler à ces côtés, d'être recrutée en tant que véritable Assistante, le temps de sa formation. Les compliments qu'il lui faisait et les leçons qu'il lui donnait étaient devenus en peu de temps important pour elle. Dans ce lieu sans repère, cela lui procurait un certain confort, en plus d'une multitude de nouvelles connaissances.

Mais malgré ce nouveau quotidien, Nayala ne voulait et ne pouvait pas rester. Sa vie n'était pas ici, à déambuler dans les couloirs sous les ordres d'un manipulateur sympathique. L'extérieur lui manquait, ses amis lui manquaient, ainsi que ses balades solitaire et la lumière des étoiles... Elle n'avait qu'une envie: aller s'allonger sur le toit de la petite maison habituelle et d'entamer un morceau de musique tout en regardant le ciel. Elle n'avait plus utilisé sa flûte depuis sa fuite de la réserve et son patron ne lui avait heureusement rien demandé à ce sujet ; comme si l'instrument n'avait jamais existé. Peut-être avait-il oublié ? Elle savait bien que non.

C'est lors du repas du onzième jours, quand elle s'y attendait le moins, que la situation dérapa. Monsieur Lancel commença en douceur :

- Nous avons malheureusement un problème. Tu te souviens du dossier que j'ai rendu à l'Administration pour t'engager ?

- Oui...

Nayala avait dégluti bruyament et essayait, temps bien que mal, de ne pas lâcher ses couverts de surprise. Cela faisait plusieurs jours qu'ils avaient rempli ce dossier avec de fausses informations qu'elle lui avait dictées.

Les Administrateurs demandaient des détails personnels, comme son prénom qu'elle avait modifié, pour passer de Nayala à Naya, ou son nom de famille qu'elle avait inventé. Elle n'en possédait tout simplement pas en tant qu'enfant abandonné. L'ancienne mendiante avait noté la moitié de celui de Yélé et l'autre moitié de celui de madame Sheza, en s'imaginant qu'ils feraient de parfaits parents. Même si jamais elle ne l'avouerait, elle espérait, un jour, en avoir.

Yélé serait le père idéal ! Il l'avait sauvé et élevé seul mais le vieil homme n'avait jamais mentionné l'idée de considérer Nayala comme sa véritable fille. Etait-ce parce qu'elle souhaitait rester anonyme ou bien, tout simplement, parce que cela ne lui avait jamais traversé l'esprit que la jeune femme porte un jour son nom ? Il l'avait sauvée mais peut-être ne voulait-il pas plus... Elle n'avait jamais abordé la question de l'adoption, qui était déjà rare sur Lune et ne se voyait pas le faire...

Quant à madame Sheza, Nayala l'admirait depuis leur première rencontre. Cette dame au fort caractère lui inspirait force, liberté et indépendance, ce qui faisait rêver Nayala. Dès que la jeune femme avait besoin de se confier, c'était vers la vieille dame explosive qu'elle se tournait.

Madame Sheza avait une fille, ce qui ferait d'elle et Nayala des soeurs, comme Kalhi et Monia, dont elle enviait la complicité. Mais tout cela n'était que le fruit de son imagination. Elle avait Kazir comme ami à qui parler, évidement, mais pas d'autres filles avec qui discuter. En poussant son rêve un peu plus loin, elle imaginait que celui-ci pourrait se marier avec Hermé, ce qui ferai ainsi de lui son frère par alliance ! Sa famille fictive ne pourrait exister, Nayala le savait mais, quitte à s'inventer une famille, autant qu'elle soit un minimum réelle se disait-elle.

C'est dans la rubrique "domicile" du dossier qu'elle s'était retrouvée le plus en difficulté. Mettre une fausse adresse n'était pas possible, les Administrateurs devaient sûrement vérifier son existence. Mettre celle d'un de ses amis les mettraient en danger en cas de capture. Les Gardes pourraient alors penser à juste titre que la personne, habitant dans cette maison, avait hébergé une jeune femme sans papiers au profil et physique douteux. Qui plus est, une inconnue qui s'était infiltrée illégalement dans le Palais afin de s'introduire furtivement dans les appartements du Grand Gardien.

Nayala avait eu beau se retourner l'esprit, les Eminents en uniforme bleu brodé ne croiraient jamais à son histoire de chantage. La nouvelle de l'arrestation d'une voleuse à l'intérieur du Palais lunaire se répandrait aussi vite que de la poussière de roche, ce qui apporterai le déshonneur et l'exclusion de la personne à l'adresse indiquée. Après s'être creusée longtemps les méninges, elle avait tout de même finit par y noter quelque chose. Nayala avait choisit de s'établir chez un vieil ami à qui elle rendait régulièrement des visites expresses et qui possédait une agréable boutique qu'elle connaissait sur le bout des doigts. Certes, leur relation était conflictuelle mais si quelqu'un devait bien couler avec elle, en cas d'échec, autant que ce soit lui. C'est sans plaisirs mais sans culpabiliter qu'elle avait inscrit l'adresse de la boutique du quartier Sud de Méfir. Un homme infecte qui ne faisait et ne ferait jamais le bien. Cela serait sa vengeance contre lui, de la part de toutes les personnes à qui il avait fait du mal, y compris la petite des triplés.

Monsieur Lancel savait pertinement que ces informations étaient fausses, au vu du temps qu'elle avait mis à lui indiquer quoi écrire pour chacune des notions demandées, mais il n'en avait rien dit. Nayala espérait sincèrement que, si elle venait à se faire prendre, le Préparateur ne tomberait pas avec elle. Personne n'irai défendre l'homme qui avait embauché une criminelle, surtout pas les autres snobinards qui pestaient lâchement derrière son dos. Même si quelque part son comportement d'escroc l'irritait, c'était un homme intelligent et talentueux, elle ne voulait pas être la source d'une telle déchéance. L'Eminent au monocle continua :

- Lopett a sûrement dû le consulter vu que tu travailles avec moi ; et les nouvelles ne sont malheureusement pas réjouissantes... Tu vas devoir passer un entretien...

La jeune femme manqua de peu de s'étouffer et hurla de colère en abattant ses poings sur la table :

- Je ne peux pas !

Monsieur Lancel, surpris par ce geste, écarquilla les yeux et ses muscles se contractèrent à vu d'oeil. Elle avait été si étonnée par l'annonce que son corps avait bougé seul, laissant sa rage s'exprimer. Nayala se calma instantement et s'excusa :

- Pardon... C'est que je ne veux pas être expulsée et c'est ce qui va m'arriver si j'y vais...

Son patron soupira avant de répondre troublé :

- Certainement...et si...non laisse, on va trouver une solution.

Il semblait en pleine réfléxion, ce qui attira l'attention de son Assistante qui demanda découragée :

- Qu'alliez-vous dire ? Au point où j'en suis, toute idée est bonne à prendre.

Le Préparateur n'affichait pas le même visage que d'habitude. Il était inquiet, agité. Il ouvrait la bouche et l'a refermait sans oser dire le fond de sa pensée, ce qui angoissait Nayala. Il finit par se lancer :

- Ne te vexe pas d'accord...

Cela n'augurait rien de bon. Il hésita un instant et ajouta :

- Mais tu as raison, si tu y vas, c'est fini.

Nayala avait envie de pleurer mais se retenait en l'écoutant sagement :

- Je ne connais évidemment pas tous les détails mais tu ne m'as pas l'air malhonnête et tu as quelqu'un qui t'attend dehors... Et plus aucune raison de rester ici maintenant que tu es quasiment sûr d'être démasquée.

Il l'a regarda sérieusement, hésitant, mais il continua :

- Crois moi, Lopett te posera inévitablement toutes les questions auxquelles tu n'as pas envie de répondre et quant à tes... caractéristiques physiques, il ne sera sûrement pas aussi indulgent que je l'ai été. En prenant tout cela en compte, il serait intelligent de partir maintenant, tu ne penses pas ?

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