Chapitre 7

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(J'ai eu un soucis avec les alinéas, je m'en excuse d'avance !)

Nora emmena Nayala dans la pièce où elle se trouvait précédemment, là où était la charrette qui lui avait fait office de cachette pour entrer :

- N'ai pas peur, nous, on prend les plantes juste là, c'est tout, ça sera pas lourd, précisa la Servante.

Une fois les deux grands paniers remplis, elles en prirent chacune un puis empruntèrent le chemin jusqu'à l'escalier menant au deuxième étage. Au moins avait-elle trouvé le moyen d'accès au second niveau; elle n'oublierait pas de le noter sur sa carte plus tard.

Derrière une porte gravée "1--2", des marches dérobées se dressaient, petites et fines, dans une montée qui s'annonçait rude. Aucune plante ne tomba, ce qui fut un véritable miracle tant les paniers étaient garnis.

Nayala évitait alors l'angoisse de glisser sur l’une de ces plantes et de dévaler les marches pour atterrir blessée en bas des escaliers et ainsi attirer l'attention de tout public à proximité.

Elle qui, quelques minutes auparavant, était coincée sous un tas de tissus à la recherche du moyen parfait pour sortir sans se faire remarquer, avait réussi à se dégager, à se faire passer pour une Servante novice jusqu'à atteindre le second niveau, tout cela en moins d'une journée !

La montée du dôme se trouvait être, pour le moment, plus simple et plus rapide qu'elle ne l'avait imaginée. Peut-être n'aurait-elle pas besoin de deux semaines entières pour achever sa mission afin de sauver son ami ? Réussir à voler le Palais était une chose, aussi dangereusement folle qu’impossible. Et même dans l'éventualité d'une réussite, l'homme masqué qui avait capturé le vieil homme les laisserait-ils vraiment en paix ? Retourneraient-ils à leur vie d'avant ? Ou alors en demanderait-il toujours plus ?

Elle était prise dans un piège dans lequel elle avait entraîné un honnête homme qui n'avait jamais rien volé de sa vie ; Il payait la bonne action qu'il avait faite en ramenant un enfant abandonné chez lui. Si seulement elle n'avait pas été surprise en train de voler la boutique d'eau...

Y penser trop longtemps ne lui servirait à rien au moment où toute sa concentration lui était requise. Et si elle sortait indemne du palais avec le coffret, Nayala pourrait toujours s'en servir comme moyen de pression.

Ne lui avait-il pas dit que c'était un véritable trésor convoité par la majorité de la population ? Elle exigerait de récupérer Yélé avant de révéler où elle aurait, au préalable, caché l'objet. Elle garda l'idée dans un coin de sa tête avant de revenir à la réalité qui était pour le moins inattendue...

L'étage consacré aux Éminents et leurs familles était à l'opposé du style chaotique qu'elle s'était imaginé. Peu de Gardes en uniforme, sauf ceux postés à la porte, pas de patients faisant la queue en attendant une consultation chez un Guérisseur, aucun Préparateur les bras chargés de plantes.

Si les premiers paliers faisaient penser à une ville lourde, suffocante, presque écrasante, sur le point d'exploser, cette étage-là était le reflet d'un jardin apaisant, doux et reposant.

Dans le gigantesque terrain qu'offrait le niveau, flânaient des femmes, des hommes et des enfants; certains marchaient bras dessus bras dessous, certains se promenaient, absorbés par leur conversation, pendant que d'autres se reposaient tranquillement, assis sur des blancs en bois.

Nayala reconnut néanmoins les spécialités de certains Eminents à leur uniforme de fonction. Rouge pour les Guérisseurs, Vert pour les Botanistes et violet pour les Préparateurs.

Ce qui lui sembla le plus fou, fut les plantes. Énormément de plantes, intelligemment placées pour former un jardin enchanté qui cachait les murs monotones du dôme. Elle ne voyait pas le bout du chemin qui traversait le centre de l'étage, comme si elle était à l'entrée d'une forêt.

Pourtant l'air n'avait rien d'étouffant. Elle inhalait chaque parfum, certains sucrés, d'autres boisés, dans un ensemble qui s'unissait à la perfection.

En y regardant de plus près, une grande partie des fleurs, arbres et autres végétaux, lui étaient complètement inconnus. Certes Nayala n'était pas Botaniste, mais à traverser les serres en compagnie de Kazir, elle pouvait se vanter d'avoir des connaissances qu'une jeune femme de son âge, en général, n'avait pas.

Comme il aurait aimé cet endroit ! Et pourtant il ne le verrait sans doute jamais, et devrait se contenter du récit qu'elle lui ferait en rentrant...

Si elle rentrait. S'inquiéterait-il de son absence ? Avait-il déjà trouvé la maison vide ? Aurait-elle dû le prévenir ou lui demander de l'aide ? Serait-il fâché qu'elle ne l'ait pas fait ?

Encore une fois trop de questions sans réponse, qu'elle ne pourrait résoudre qu'une fois sortie.

Maintenant qu'elle avait réussi à atteindre le deuxième étage du dôme - qui en possédait trois en ne comptant pas le rez-de-chaussée - il ne lui restait plus qu'un escalier à gravir pour s'approcher du but :

- Tu m'suis ? demanda Nora qui l'attendait à quelques mètres devant.

- Désolé, j'admirais le jardin, il est magnifique !

- Merci, fit une voix malicieuse dans son dos.

Près d'un arbre aux feuilles d'or se trouvait un homme adossé contre son tronc. Élancé, bien plus grand que Nayala, il aurait pu donner un sentiment de supériorité s’il n'avait pas été aussi maigre. Une tige qui pouvait s'envoler avec une brise, voilà à quoi il lui faisait penser. Elle n’aurait su deviner son âge tant son visage était un mélange contrastant entre celui d’un enfant et une vieille personne: cela la déconcertait complètement.

Sa tenue détonnait avec l'élégance et le raffinement des lieux : une simple combinaison légère verte, qui n'était même pas repassée, avec une ceinture en tissu de la même couleur, qui lui marquait ostensiblement la taille, exagérant davantage sa maigreur.

L'habit lui parut tout de même pratique, peut-être devrait-elle en trouver un similaire pour ses escapades chez Méfir ?

Il regardait Nayala à travers un monocle situé du côté droit, qui lui grossissait son œil bleu, et sur ses cheveux un turban, similaire à celui de la jeune femme et mal noué, venait recouvrir sa tête d'où s'échappaient ses cheveux foncés.

- Mon jardin vous plaît ? demanda-t-il en affichant un sourire satisfait.

- Oui beaucoup ! Il y a beaucoup d'espèces dont j'ignorais l'existence à vrai dire...

- Permettez-moi de vous demander si vous vous y connaissez en botanique ?

- N..non...pas vraiment... dit-elle d'une voix tremblante.

Et voilà qu'elle avait de nouveau oublié son rôle de Servante, la vue d'à peine quelques plantes l'avait distraite, une fois de plus. Nayala s'en voulait vraiment de ne pas avoir tenu sa langue, il lui aurait suffi d'ignorer tout simplement cet inconnu, mais non, il avait fallu qu'elle fasse la discussion.

Voyant qu'il se rapprochait, elle tira nerveusement sur son tissu de tête afin de camoufler au maximum son visage, il ne manquerait plus qu'il voit ses yeux ...

- Votre couleur de peau est atypique, j'avoue être curieux sur vos origines, d'où venez-vous exactement ?

- Je raconterai bien tout à Monsieur, mais voyez-vous ma collègue et moi-même sommes occupées à livrer ceci.

Nayala esquiva volontairement la question tout en montrant d'un coups de tête le panier de Nora qui se tenait un peu plus loin. L'étrange homme se mit alors à rire comme un enfant, se pliant en deux, ce qui surprit Nayala qui ne savait pas vraiment comment réagir.

Etait-il fou ?

Nora s'était rapprochée pour se poster devant elle et affichait une mine encore plus blême qu'à l'accoutumé, ce qui était bien compliqué vu son extrême pâleur.

- Veuillez nous excuser Monsieur, elle est nouvelle ici, bredouilla la petite femme tout en chair en s'inclinant.

Comprenant enfin son erreur, Nayala l'imita maladroitement et bégaya quelques excuses :

- Veuillez m'excuser monsieur, les mots m'ont échappé...

Il continua de rire à gorge déployée en regardant tour à tour les deux Servantes, l'une complètement terrifiée puis l'autre complètement perdue. Il tourna de nouveau ses yeux bleus vers Nora.

Il réfléchissait, cherchant les mots qui pourrait détendre la petite femme apeurée, mais Nayala avait compris la situation de travers, et pensait qu'il allait la réprimander d'être intervenue. Après tout, il semblait en colère, et avant qu'il puisse prendre la parole celle-ci le coupa :

- Si Monsieur me permet, je suis la seule fautive, ma collègue n'a rien à voir là-dedans.

Elle posa subitement son panier et mit un bras en guise de barrière entre lui et Nora, en espérant qu'il n'oserait rien faire à la Servante. Elle déglutit silencieusement. Maintenant il ne rigolait plus mais la fixait avec insistance, comme s’il essayait de lire en elle.

S'opposer à un homme du second niveau, sûrement un Eminent vu la réaction de sa collègue, était la pire erreur qu'elle avait faite depuis le début. Cela en faisait déjà beaucoup pour une mission aussi risquée, mais voir une innocente châtiée à sa place n'aurait pas été supportable.

Finalement, il soupira en disant à Nayala qu'à leur prochaine rencontre, elle lui devrait une conversation sur ses origines, ce qu'elle accepta à contrecœur, se disant intérieurement qu'elle esquiverait cette personne tant qu'elle se trouverait dans le palais.

Une fois qu'il fut parti, Nora se retourna vers Nayala le regard noir, prête à exploser.

- Qu'est-ce qui t’a pris ?! N'parle jamais comme ça à un Éminent s'tu tiens à ton poste ! T'as compris ?!

- Oui, désolée... répondit Nayala la tête baissée.

- Personne t’a appris les bases ou quoi ?!

- Pas vraiment, non...

Nora expira si fort qu'elle aurait pu entièrement se dégonfler. Au moins cela lui permit de se calmer, car elle reprit sur un ton plus doux :

- T'as eu le culot d'lui tenir tête pour m'protéger, donc on va dire qu'on est quittes. Mais ne t'avise plus de n'pas répondre à un Éminent s'il te pose une question. Même une question personnelle, tu réponds et s'il te demande de l'aide, aussi compliquée que soit la tâche, t'obéis, t'as compris ?

-Oui.

Nayala contemplait ses pieds et attendait que la discussion se termine quand Nora reprit :

- Pas besoin de garder la tête baissée, j'suis plus fâchée. Personne ne m'aurait défendu à ta place...

- Mais c'est de ma faute si tu as dû intervenir, te punir toi aurait été injuste !

- T'apprendras vite que la justice, ici, est très subjective.

Nora avait dit cela avec un visage tellement sombre que Nayala n'osa pas demander d'explications. Elle la suivit en silence le long du couloir qui encerclait le jardin.

Elles s'arrêtèrent devant une porte gravée "RESERVE" devant laquelle Nora se mit à genoux, imitée par Nayala. Elle lui indiqua la position adéquate : assise à genoux, le dos bien droit et les mains posées à plat sur les cuisses.

Cette posture lui semblait être la pire des positions, ses jambes lui faisaient mal et sa flûte, mal mise dans son dos, la faisait souffrir.

Nora frappa deux coups secs à la porte, attendit une réponse, qui ressemblait à trois coups de canne sur le sol, avant d'ouvrir la porte coulissante avec une telle grâce que Nayala en fut ébahie.

Elle mit les deux paniers à l'intérieur puis, après qu'un homme en uniforme violet– un Préparateur– eut vérifié le contenu du panier, et qu'il leur eut tourné le dos, trois nouveaux sons retentirent. Nora referma la porte.

Les jeunes femmes redescendirent à l'étage inférieur. Nayala ne protesta pas, ne trouvant aucune raison valable de rester ici. Insister pouvait détruire sa couverture. Nora la conduisit comme promis jusqu'aux cuisines sans lui adresser le moindre mot.

Peut-être était-elle toujours en colère finalement ?...

- Tu me laisses là ? demanda Nayala paniquée.

- Moi j'suis au rez-de-chaussée à la section livraison, j'sais que je devais t'expliquer deux trois trucs mais tu demanderas plutôt à tes nouveaux collègues de l'faire, j'ai pas l'temps, dit-elle en regardant du coin de l'œil un petit groupe de Servants vêtues du même uniforme à la ceinture en tissus marron qui attendait dans le couloir en chuchotant.

Puis elle lui tourna le dos pour les rejoindre, en la laissant seule dans une pièce remplie d'inconnus, alors qu'elle savait à peine cuisiner.

Nayala avait certes infiltré le palais, infiltré les Servants et même trouvé l'escalier qui menait au second niveau, mais combien de temps allait-elle encore tenir ?

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