Chapitre 4

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Une fois les bandages bien serrés sur les mains de son ami, elle remit sa capuche avant de s'en aller à la Passe-frontière la plus proche.

Sur le chemin, étonnamment, elle ne croisa aucun Gardes en patrouille. Tantôt trop nombreux, tantôt inexistants, ce changement soudain lui sembla étrange car d'ordinaire leur travail était plutôt routinier. Au moins elle n’avait pas à se cacher et à se faufiler dans les coins sombres. Les habitants ne faisaient pas attention aux autres personnes qui passaient près d'eux.

Elle prit sa course en direction du quartier Est. Les heures éclairées étaient maintenant bien entamées et Nayala avait oublié de dire à Yélé où elle se rendait.

Sa maison était à une quinzaine de minutes de la Passe-frontière. Une fois à l'intérieur de la maison, Nayala ne trouva pas le vieil homme. A sa place, un inconnu vêtu de noir, le visage caché par un masque d'argile, se trouvait assis à table comme prêt à déguster un repas. Les mains jointes, il leva la tête quand il l'entendit entrer :

- Asseyez-vous mademoiselle, lui ordonna-t-il avec une voix étrangement joviale.

Elle n'obéit pas. Son cœur battait la chamade et son esprit s'affairait à trouver une logique dans cette situation. Son corps fit volte-face afin de fouiller du regard chaque pièces. Ce ne fut qu'une fois sa vérification terminée qu'elle retourna devant lui :

- Où est-il ?

Elle avait soigneusement articulé chaque mot. Malgré la peur, Nayala essaya de paraître la plus intimidante possible. La personne masquée ne répondit pas :

- Du calme mademoiselle. Prenez donc une chaise, lui proposa-t-il.

Nayala sentit son sang bouillir, ses ongles transperçaient sa paume tant ses poings étaient serrés. Elle avait des dizaines de questions plein la tête et on lui proposait uniquement de s’asseoir. Elle n'en avait pas envie. Lui sauter à la gorge semblait une meilleure option mais son appréhention était tel que son corps refusait de bouger.

- Nous l'avons emmené dans un autre lieu pour qu'il se détende un peu, le temps que nous réglions nos petites affaires, annonca-t-il.

Ses paroles s'étaient accompagnées d'un geste vague de la main, comme pour mieux balayer cette question qu'il semblait jugé négligeable.

- Je n'ai pas d'affaires avec vous ! aboya-t-elle.

- Pas encore, certes, mais si vous souhaitez revoir votre ami, mademoiselle, asseyez-vous.

Sa voix s'était faite plus dure. La jeune femme ravala le flot d'insultes qui lui arriva dans la bouche. Elle n'avait aucune garantie sur l'état de Yélé, comme elle n’avait aucun indice sur sa localisation.

Ses yeux, cachés par l'ombre de sa capuche, scrutaient son adversaire de haut en bas, en cherchant le moindre aspect physique caractéristique, dans l'espoir de pouvoir plus tard mettre un nom sur sa personne. En vain.

Elle se fit à l'idée qu'il était parfaitement dissimulé sous ses épaisses couches de tissus. Nayala décida, à défaut, de l'écouter pour en venir à d'éventuelles négociations. Elle s'assit dans le trou qui faisait office de fenêtre et attendait qu'il lui explique les raisons de l'enlèvement d'un vieil homme innocent.

Avait-il contracté une dette ?

Demanderait-on une rançon ?

Nayala se demanda si ce n'était pas elle la raison de cet acte odieux. Elle prit une grande respiration, toujours à l'abri sous sa capuche. Trop de questions sans réponse auxquelles elle ne trouvait aucune alternative.

- Tout d'abord, je tiens à préciser que celui qui détient ce lieu, n'est en aucun cas en danger et se repose tranquillement, commença l'inconnu.

- Pourquoi lui ? la coupa-t-elle.

Il tapait en rythme ses doigts sur la table avant d'aimablement lever la main pour l'interrompre :

- Chaque chose en son temps mademoiselle. Pour qu'il reste en sécurité j'aimerais que vous me rendiez un petit service.

- Et si je refuse ?

Il ricana avant de la questionner :

- Vous abandonneriez un vieil homme ?

Il semblait faussement choqué. La situation qui était à son avantage devait l'amuser. Bien sûr que non, elle ne l'abandonnerait jamais. Yélé l'avait sauvée. Le laisser seul, retenu prisonnier par des inconnus, n'était même pas envisageable :

- Je prends votre silence pour un "non", dit-il d'un ton narquois, revenons donc à notre conversation... J'aimerais que vous cherchiez ou plutôt... s'interrompit-il pour chercher ses mots, subtilisiez un objet afin de me le ramener.

- Pourquoi moi ? Je ne pense pas pouvoir le faire...

L'inconnu se mit presque à rire en haussant les épaules, comme si lui-même ne savait pas pour quelle raison une jeune femme à l'aspect fragile devait le faire, quand il pointa finalement le doigt vers elle :

- Nous savons bien tous les deux que vous en êtes capable ! Pour être honnête avec vous, nous vous avons observé l'autre soir. S'enfuir par les toits, quelle merveilleuse idée ! Je suis convaincu que vous être la personne idéale pour m'aider !

- Comment ? Je…

Encore une fois, il leva la main pour l'interrompre :

- Ne vous tracassez pas, mademoiselle, vous étiez trop occupée pour nous remarquer, et moi trop impressionné pour vous aborder. D'où ma venue à votre domicile, ou plutôt celui de votre ami.

Nayala ne supportait plus le son de sa voix et perdit patience :

- Ça suffit ! Arrêtez votre petit jeu de malfrat sympathique ! De toute façon, je n'ai pas le choix, pas vrai ? Que dois-je prendre et où ?

Elle pensa que finalement, c'était bel et bien de sa faute si on s'en était pris à Yélé. Le remord la submergea. Si elle ne l'avait pas suivi ou si elle était déjà partie loin de lui, rien de tout cela ne lui serait arrivé :

- Vous ne perdez pas de temps, c'est appréciable ! Voici un croquis détaillé du coffret que je souhaite. Ce qu'il contient est d'une grande valeur pour moi ainsi que pour beaucoup de monde. Peut-être que vous même le convoitez, mais vous vous doutez que malgré notre relation particulière, je ne souhaite pas partag- …

- Où est-il ? l'interrompie-t-elle.

- Évidement... J'y venais... Vous irez au Palais lunaire me le prendre !

Elle pouvait entendre son sourire au son de sa voix.

- Au Palais ?! s'écria-t-elle affolée.

Elle détestait cet endroit et ceux qui y habitaient. Depuis qu'elle était petite, Nayala évitait tout particulièrement de s'en approcher, et voilà qu'elle allait devoir y entrer. Son souffle se fit plus court, comment allait-elle faire ?

L'étranger soupira, le menton sur son poing en guise de soutien, tel un enfant lassé, déçu, par un spectacle peu convaincant. Puis, il se redressa et continua excité, comme pour mieux achever la jeune femme :

- Je ne vous ai pas encore dit le meilleur ! Le coffret se trouve dans les appartements du Grand Gardien !

Nayala en resta bouche-bée avant de s'époumoner :

- Vous voulez voler le Grand Gardien ?

Cette fois son cœur faillit s'arrêter :

- Pas moi, c'est vous qui allez le voler, mademoiselle, répondit-il avec une ironie glaçante.

Son esprit se mit alors à l'arrêt, laissant le reste de la conversation se noyer dans un bourdonnement dont elle n'essaya pas de se défaire. Elle s’imaginait déjà emprisonnée, prise au piège, dans l'incapacité d'aider son ami.

Nayala ne chercha même pas à rattraper le reste de la discussion et resta un état de choc, même une fois que cette mystérieuse personne masquée ait quitté les lieux.

La jeune femme passa le reste de la journée à réfléchir seule à la situation, dans cette maison vide ; voler le Palais était impensable. Voler le Grand Gardien était impossible.

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