Chapitre 1: Une rencontre un peu spéciale de Noël.

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Emmitouflé dans son manteau bleu foncé et son écharpe de la même couleur, Léonard, alias Léo, chantonnait doucement « Jingle bell rock » en marchant dans la rue. Le jeune homme de vingt-cinq ans adorait la période des fêtes ! Il aimait les chansons, l'ambiance, les décorations qui embellissaient la ville... Oui, il aimait Noël ! Et surtout, ce qui le rendait particulièrement joyeux aujourd'hui, était qu'il se rendait à son nouveau travail ! Après avoir été serveur durant plusieurs années dans le même bar, il s'était retrouvé subitement au chômage, celui-ci ayant fermé. Heureusement, il venait de se faire embaucher dans un restaurant et il commençait ce soir ! Il n'était pas trop stressé car en tant que serveur, il avait de l'expérience, d'où sa bonne humeur !

Arrivé devant l'enseigne du restaurant, Léo s'arrêta un petit instant, examinant la façade aux couleurs sombres mais qui était égayée par une jolie guirlande aux ampoules allumées et un sapin décoré que l'on voyait à travers la vitre. Malgré les décorations de Noël, il se dégageait de cet endroit quelque chose d'à la fois sérieux et d'un peu glauque. Léo avait déjà eu cette impression lors de son entretien. Pas d'inquiétude, il allait s'habituer ! Finalement, peut-être que le changement lui faisait un peu peur, ce qui serait normal ! Après tout, il avait été serveur au même endroit durant sept années, il était donc assez logique d'appréhender un peu. Il prit donc une grande inspiration pour se donner du courage et passa la porte.

Deux heures plus tard, Léo prenait ses marques peu à peu, s'habituant aux différentes tables, à leur emplacement, aux bonnes odeurs de cuisines, aux bruits des couverts et de la vaisselle qui tintait joyeusement, au brouhaha et à ses quelques collègues. Ce n'était pas tout à fait les mêmes bruits auxquels il était habitué, ça lui changeait du bar dans lequel il travaillait encore, quelques mois auparavant. Et puis, même si ce n'était qu'un uniforme, il se trouvait élégant dans son pantalon noir et sa chemise blanche recouvert d'un gilet noir que l'on voyait souvent sur les serveurs, alors qu'à son ancien travail, il ne portait qu'un tablier blanc sur ses vêtements ordinaires et confortables.

Concentré pendant qu'il nettoyait une table qui venait de se libérer, ne voulant rater aucune tache, -il s'agissait tout de même de son premier jour, il tenait à faire bonne impression-, le brouhaha des conversations se tut brusquement. Trouvant cela étrange, Léo releva la tête et regarda autour de lui. Un homme d'une trentaine d'années à la stature imposante, entièrement vêtu de noir et élégant dans son long manteau ouvert, venait de passer la porte du restaurant. Il avait les yeux bridés, les cheveux sombre comme le jais et d'une certaine longueur, coiffés en arrière, lui donnant un air sévère. Une mâchoire carrée et 1m 90 de muscles venaient accompagner ce tableau aussi appétissant qu'angoissant.

Tous les regards convergeaient vers cet homme suivi par deux armoires à glace vêtus de la même manière mais ce qui frappa Léo, ce fut les armes qu'ils portaient, bien visibles, comme s'il s'agissait d'un avertissement pour les personnes présentes dans le restaurant. Ces hommes étaient vraisemblablement des gardes du corps. Qui était celui qu'ils protégeaient et qui avançait, l'air parfaitement à l'aise, ignorant tous les yeux braqués sur lui ?

Le patron du restaurant, un homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux bruns grisonnants, vint rapidement vers cet homme, ce qui étonna Léo puisqu'il avait du personnel pour s'en occuper. Après quelques salutations d'usages, il le mena à la table que le jeune serveur finissait de nettoyer, une table un peu en retrait, à l'écart des autres, cachée par des plantes et les banquettes. En marchant vers la table et ainsi vers Léo qui s'apprêtait à partir, le regard de cet homme inquiétant se posa sur lui et ne le quitta plus, le figeant sur place. Le jeune homme vit alors un léger sourire se dessiner sur ses lèvres pendant qu'il le regardait.

-Léo, tu prendras la commande de monsieur Ninomae[1], lui ordonna son patron, sa voix le faisant sursauter et revenir à la réalité, accentuant ainsi le sourire dudit nommé.

-Heu... Oui, bien sûr.

Léo se mit sur le côté pour ne pas gêner et attendit que l'homme imposant s'installe et passe sa commande. Lorsqu'il passa devant lui, il le frôla, déclenchant un léger frisson chez le jeune homme, et son odeur délicieusement musquée envahit ses sens. Léo aurait pu jurer que cet homme avait fait exprès de mettre leurs corps en contact.

Une fois installé, essayant d'ignorer le regard qui le détaillait sans gêne, le jeune serveur se dépêcha de donner sa feuille au cuisinier qui, à son grand étonnement, prépara son repas tout de suite, laissant tomber ce qu'il faisait. Mais qui était cet homme aux cheveux noirs pour être ainsi traité de manière prioritaire et étrange ? D'ailleurs, ses deux gardes du corps n'étaient pas attablés avec lui mais se tenaient un peu à l'écart de chaque côté, le protégeant et regardant autour d'eux si une menace se montrait.

Le jeune homme lui apporta rapidement son repas mais alors qu'il finissait de tout poser devant lui, l'homme aux cheveux noirs lui attrapa brusquement le poignet, le faisant légèrement sursauter.

-Tu es nouveau ici, n'est-ce pas ? Je ne t'avais encore jamais vu, dit-il de sa belle voix grave, plongeant ses yeux sombres dans ceux, bleu clair du serveur.

-Heu... Oui... C'est mon premier jour.

-Alors, j'aurai le plaisir de te revoir... Quel est ton nom ?

-Je... Je m'appelle Léo... Léo Monier.

-Ravi de faire ta connaissance, Léo.

Puis, sans lui dire son prénom, semblant satisfait, il le lâcha et porta son attention sur son verre de vin et son assiette. Le serveur en profita pour partir, le cœur battant à cent à l'heure.

Un peu plus tard, pendant qu'il se trouvait en cuisine, Léo entendit soudainement des cris et des bruits de chaises qui tombaient. Il s'apprêtait à aller voir mais il fut stoppé par une main qui lui attrapa le bras. Le serveur se tourna vers la personne qui le tenait et vit qu'il s'agissait de son patron ! Il allait lui demander pourquoi il l'empêchait d'aller voir ce qui se passait mais les portes de la cuisine s'ouvrirent brusquement à ce moment-là pour laisser place à tout le personnel qui venait se réfugier. Ce qui le frappa en regardant leurs visages, c'est qu'ils semblaient inquiets mais bizarrement, pas paniqués, un peu comme s'ils avaient l'habitude de cette situation...

-Mais qu'est-ce qui se passe, ici ? s'écria Léo en regardant son patron.

Celui-ci mit un doigt devant sa bouche pour lui signifier de baisser d'un ton avant de prendre la parole :

-Tu te souviens de ton contrat que je t'ai fait signer ? Il y avait une clause de confidentialité impliquant tout ce qui se passe dans le restaurant et les conversations que tu pourrais entendre.

Léo hocha la tête. Ça lui avait fait bizarre sur le moment mais il était si content d'avoir retrouvé du travail qu'il n'y avait pas plus réfléchi que cela.

-Ce restaurant est spécial. Il est connu dans cette ville comme étant l'endroit où se réunissent des personnes importantes, dangereuses et peu fréquentables. L'homme que tu as servi et qui t'a parlé, est le chef de ce que l'on pourrait appeler la mafia de cette ville. Mon père tenait ce restaurant avant moi et travaillait pour la famille de cet homme. Lorsqu'il est parti en retraite, j'ai repris les affaires et continué ce que mon père avait commencé.

Léo regardait son patron les yeux écarquillés, se demandant dans quel univers parallèle, il venait d'atterrir. Son patron soupira en le remarquant.

-Je pense que c'est parce que tu viens d'emménager dans cette ville que tu n'en connais pas la réputation. Enfin, tout cela pour dire que ce qui se passe ici doit rester entre ses murs et que quand tu sens le danger, tu viens avec tes collègues te réfugier en cuisine en attendant que les choses se calment. D'accord ?

Le jeune serveur se contenta de hocher la tête, ne sachant pas quoi dire. Il entendit alors ce qui ressemblait à des coups de feu !

-Ho, putain ! Est-ce qu'on doit appeler la police ? s'écria-t-il en se baissant pour se mettre sur le sol comme les autres.

-Non ! chuchota son patron. Rappelle-toi la clause de confidentialité ! Respecte-là si tu ne veux pas que ta vie soit en danger ! Et puis, si tu crois que la police va intervenir, tu es bien naïf... La plupart de ses membres sont sous la coupe de la mafia.

Ces derniers mots paniquèrent encore plus Léo. Lui qui était de si bonne humeur tout à l'heure à l'idée de venir travailler, ne savait plus que penser... Et il pouvait dire que son patron avait le sens de l'humour ! "Respecte-là si tu ne veux pas que ta vie soit en danger" ?! Il pensait réellement que sa vie n'était pas en danger, là, maintenant, avec ces hommes qui se tiraient dessus dans la pièce d'à côté ? !

Au bout de plusieurs minutes qui lui semblèrent des heures, le silence se fit enfin. Son patron se leva et partit voir si les choses étaient redevenues normales, si l'on pouvait dire... Sans réfléchir, Léo, pris de curiosité, le suivit lentement avec précaution, ne voulant pas attirer l'attention de quelqu'un de potentiellement dangereux qui serait encore en ces lieux.

Alors qu'il ouvrait la porte donnant sur le côté du bar, ce qu'il vit le glaça littéralement. Presque tous les clients étaient partis et les quelques-uns qui étaient toujours présents, mangeaient comme si de rien n'était. Plusieurs tables et chaises étaient renversées avec leur contenu, un homme était étendu sur le sol, baignant dans son sang, et celui qui avait été appelé « monsieur Ninomae » était debout en train d'essuyer... Un sabre ?!

-Veuillez accepter mes excuses pour tout ceci, fit-il à son patron, l'air nonchalant, comme si tout était normal. Je ne m'attendais pas à ce que les choses tournent ainsi. Je paierai la facture. Un de mes hommes viendra s'en charger dans quelques jours lorsque vous aurez fait un devis.

Le patron du restaurant hocha la tête, n'osant pas le contredire et se sentant sans doute reconnaissant car il devait y en avoir pour une petite fortune ! Le jeune serveur était complètement abasourdi par toute cette situation irréaliste.

Une fois fini de parler, l'homme aux yeux bridés se tourna vers Léo. Il le regarda un petit moment puis, après avoir rangé son sabre dans son étui qu'il cacha sous son manteau, il se dirigea vers lui qui se sentait pétrifié et n'osait bouger. Arrivé à quelques centimètres de son corps, cet homme attrapa le visage aux yeux bleu clair qui reflétaient la peur et posa sa bouche brusquement sur la sienne, tremblante. Contre toute attente, il bougea ses lèvres doucement, l'embrassant délicatement, ne le forçant pas à les entrouvrir. Léo se laissa faire sous la douceur du baiser, totalement stupéfait, et sur le moment, il trouva même les lèvres de cet homme, réconfortantes. Lorsque l'homme en question eut terminé de prendre ce qu'il voulait, il releva lentement la tête et plongea son regard perçant dans celui troublé du jeune serveur.

-Nous nous reverrons bientôt, Léo...

Sur ses paroles pleines de promesses effrayantes, il se détacha de lui et partit, suivi par ses gardes du corps qui portaient le corps inanimé et ensanglanté. A sa sortie, Léo se réanima enfin, clignant plusieurs fois des yeux, essayant de reprendre contenance et regarda de nouveau tout ce carnage. Il avait l'impression de se trouver dans un film, que rien n'était réel.

Il vit alors que tout le personnel du restaurant était également sorti de la cuisine et le regardait avec étonnement. Ils avaient dû assister à la scène surréaliste du baiser avec le mafieux ! Merde... Lui qui voulait ne pas se faire trop remarquer, les premiers temps, pour ne pas s'attirer d'ennuis, c'était raté !

A vrai dire, ce qui l'inquiétait le plus en ce moment précis, ce n'était pas l'opinion que pouvaient déjà avoir ses collègues de lui-même mais plutôt les dernières paroles prononcées par le beau ténébreux effrayant. Oui, cette période de fin d'année s'annonçait stressante pour le jeune serveur...

[1] Ce nom signifie « avant le deux », nom de famille rare au Japon, il désigne le numéro 1. C'est un nom composé avec le kanji du chiffre 1.

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