Sayur

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Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie ont émergé dans un monde inconnu bercé de deux soleils. Par un concours de circonstances obscur, Julie a appris la langue locale. Le groupe s'est fait par la suite capturer par des soldats chevauchant des griffons, qui les ont emmenés vers une forteresse. En prison pendant plusieurs mois, ils ont reçu la visite d'un espion un peu simplet qui leur a promis de tenter de les aider. L'information de leur présence dans ce pays a commencé à fuiter. Tandis que leur ravisseur tente de les faire disparaître, ils sont sauvés par un inconnu. Le groupe découvre alors avec stupéfaction des animaux nouveaux qui n'existent pas chez eux.


Marie fut tirée de sa contemplation des étranges créatures par des bruits de pas qui firent craquer les graviers derrière elle. L'inconnu revenait vers les deux jeunes femmes, et passa rapidement sa main sur le dos d'un des animaux.

  • Ce sont des draks, il n'y en a pas d'où vous venez ? demanda-t-il.
  • Il n'y a rien qui ressemble à ça chez nous, répondit Julie.

Marie suivait sans comprendre l'échange. Chaque inspiration la faisait souffrir. La jeune femme fixait les yeux incandescents de leur sauveur dès qu'ils passaient à sa portée. Non seulement leur couleur jaune pâle était fascinante, mais il lui semblait qu'ils étaient également légèrement lumineux. Le regard de l'homme, quand il croisait le sien, était à la fois intense et déstabilisant. Marie était totalement absorbée par ce personnage, guère plus grand qu'elle et pourtant incroyablement charismatique. Le halo de mystère qui l'entourait transporta Marie dans une série de spéculations sur sa vie, la raison de sa présence ici, et ce qu'elle découvrirait si elle pouvait lui parler.

Un vent frais commença à se lever. L'inconnu leur tendit une gourde à se partager, puis fit signe de l'attendre là et disparut pendant quelques minutes. Il réapparut de derrière un monticule rocheux avec un drak sellé, qui semblait nettement plus athlétique que ceux de l'attelage. Il sortit de son paquetage des mors et des rênes, en équipa les draks qu'il avait détachés du fourgon, puis plaça de simples tapis sur l'échine des montures.

  • Vous savez monter ? demanda-t-il à Julie.
  • A cheval, moi oui, répondit-elle, je ne sais pas pour les autres.

La réponse déstabilisa un peu l'homme

  • Est-ce qu'un cheval ressemble à ces draks ?
  • Vaguement, disons qu'ils ont quatre pattes aussi, ils sont un peu moins hauts et un peu moins fantastiques. Elle marqua une pause et se tourna vers ses compagnons. Qui sait monter, à cheval je veux dire, pas ces trucs ? demanda-t-elle.

Franck et Miguel levèrent la main. L'homme leur indiqua comment se répartir, faisant signe aux deux hommes de prendre chacun un drak, puis mima à Juan de monter derrière Julie. Les draks avaient visiblement l'habitude d'être montés. Ils s'agenouillèrent pour faciliter l'installation de ces chevaucheurs malhabiles. L'inconnu tendit la main à Marie pour monter sur le sien. Au moment de lever le bras, elle grimaça de douleur. Il remit pied à terre, sortit une fiole de sa veste, et mima à Marie d'en boire le contenu. Elle s'exécuta. Tandis que le liquide coulait dans sa gorge, Marie sentit une intense sensation de chaleur dans tout son corps. Franck crut voir ses yeux s'illuminer un instant, une probable hallucination qui disparut presque immédiatement. La douleur au niveau de sa cote se tut un moment, suffisamment pour lui permettre d'attraper la main de leur sauveur et de monter derrière lui sans serrer les dents.

La jeune femme se pressa contre le dos du chevaucheur, impatiente comme dans un conte, et la magie se heurta de plein fouet à la réalité. Le dernier bain de l'homme remontait à vue de nez à bien trop longtemps. Et ce, bien que son hygiène à elle fut loin d'être impeccable compte tenu des circonstances des dernières semaines. La cuirasse qu'il portait était encore mouillée, et sa cape tâchée de boue et de sang. Marie était pourtant elle-même affublée d'une tenue de soldat défraîchie, dont l'odeur ne parvenait pas à couvrir celle de cette cape souillée. Elle regretta à ce moment précis les sorties sur le vespa de Franck dans le Marais, et les délicates effluves de leurs parfums hors de prix.

Les quatre draks se levèrent. Ils trottèrent avec difficulté pendant plusieurs heures, descendant tout d'abord des routes escarpées de montagne, puis une route de campagne qui piquait vers l'Est. L'animal était somme toute différent des chevaux, et le trajet ne fut pas aussi tranquille qu'espéré. Lorsque le crépuscule gris tomba sans prévenir, l'homme arrêta le convoi dans un petit hameau isolé. Il négocia avec une vieille habitante la possibilité de loger dans sa maison. Elle vivait seule et cette compagnie improvisée semblait la ravir. Lorsque vint enfin un moment de calme, Julie tenta d'engager une conversation avec celui qui les avait libérés.

  • Nous tenons à vous remercier de nous avoir libérés, monsieur. Est-ce que vous avez un nom ?
  • Je m'appelle Sayur, répondit-il en réceptionnant un bol de bouillon que lui tendait leur hôte
  • Pourquoi avez-vous attaqué ce fourgon, est-ce que vous vous attendiez à nous y trouver ?
  • Evidemment. La rumeur de votre présence a couru vite après votre apparition, et le doyen a des yeux partout. Après quelques jours à observer autour de Fort Toral, ça n'a pas été bien difficile de savoir où vous étiez.
  • Le doyen ?
  • Palil d'Adk, le doyen des mages et conseiller de l'Empereur Isdar. C'est lui qui m'a demandé de vous trouver.
  • Où est-ce que vous nous emmenez?
  • A Vertval, chez les Grandvaux, vous serez à l'abri là bas.
  • Est-ce encore loin ? Je m'inquiète pour Marie, elle ne le montre pas trop mais elle souffre.

Julie jeta un œil vers ses compagnons, qui affichaient des signes de fatigue. Juan dormait déjà, et Miguel fixait le feu de l'âtre.

  • Nous avons fait un peu plus de la moitié du trajet, nous devrions arriver demain en fin de journée. Dites aux autres de se reposer, nous repartons à l'aube.
  • Excusez ma curiosité, mais vous paraissez différent de ceux que nous avons rencontrés jusqu'ici. Votre peau, vos yeux...
  • Je suis Aldène, je ne viens pas du Continent Ouest, mais d'une grand île à l'Est : Aldenor, le foyer de mon peuple, répondit Sayur avec un regard nostalgique.

Le visage maintenant découvert, Sayur affichait des traits fins et une peau sombre, presque grise. Il avait de longs cheveux noirs bouclés, attachés en une queue de cheval qui pendait dans son dos. Il portait un court bouc très noir, qui contrastait intensément avec le jaune clair de ses yeux. Dans la pénombre de la petite maison, ses yeux étaient légèrement luminescents, semblables à ceux des chats la nuit. De relativement petite taille, il dépassait à peine Marie. Ses bras présentaient une musculature noueuse, et de nombreuses cicatrices. Julie y aperçut un tatouage, deux cercles entrelacés traversés par une épée. Il portait en bandoulière quelque chose s'apparentant à une cartouchière. Elle supportait de multiples petites lames en pierre d'une dizaine de centimètres chacune, semblable à de fines plumes et tranchantes comme des rasoirs.

  • Pourquoi êtes-vous ici ? Et pourquoi est-ce que vous nous aidez ?
  • Moins vous en savez pour le moment, plus vous serez en sécurité. Je laisserai Palil vous expliquer ce qu'il estimera nécessaire, répondit Sayur, coupant court à la conversation. Reposez-vous, la journée va être longue demain.

L'hôte mit à leur disposition une paillasse inconfortable. Cette maison n'était de toute façon pas prévue pour accueillir six voyageurs adultes. Sayur entama une discussion avec la vieille dame que Julie essaya de saisir sans succès. Les voix se firent de plus en plus cotonneuses tandis qu'elle sombrait dans un sommeil bien meilleur que toutes les nuits qu'elle avait passées dans la cellule froide de Fort Toral.

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