Trois ombres

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Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie faisaient partie d'une opération qui visait à sécuriser une grotte dans une mine. Suite à un effondrement, ils ont émergé dans un désert inconnu. Après avoir perdu connaissance, ils se sont réveillés dans un village de montagne. Les habitants y parlent une langue inconnue et cet endroit est bercé par le cycle de deux soleils. Le groupe ayant tenté de revenir à leur point de départ, Julie a été gravement blessée dans l'expédition.


Ils arrivèrent exténués au petit matin au village. La condition de Julie se dégradait à vue d’œil. Elle souffrait de poussées de fièvre, et la trousse de secours se vidait dangereusement. Passée la curiosité des expérimentations médicales des étrangers, Gebri commença à être préoccupé à son tour. Miguel l'observa discrètement s'écarter du groupe. Le villageois parlait en gesticulant avec sa compagne et un homme qui devait être le chef. Leurs attitudes et leurs tons exprimaient un fort désaccord. Gebri finit par pousser l’épaule de l’autre homme dans une attitude de défiance. Miguel comprit à ses gestes qu’il se désignait lui-même pour faire quelque chose. Gebri emballa quelques affaires et partit par un sentier qui s’élevait dans la montagne. Quelque temps après, une corne de brume résonna alentour.

Dès qu'ils l'entendirent, les villageois se précipitèrent chacun vers leur logement. Ils en ressortirent avec des petits paniers tressés en osier ou en cuir, qu’ils amenèrent sur la place. Juan et Miguel ne distinguèrent pas le contenu de ces sacs, qui était volontairement recouvert d’un tissu pour le masquer à leur vue. Lorsque la compagne de Gebri passa à la hauteur de Franck, il eut juste le temps d’apercevoir de multiples granules qu’il identifia très nettement comme étant des pépites d’or. Comment un village au mode de vie aussi rustique pouvait-t-il disposer d’autant de métal précieux ? Avait-il la même valeur pour eux ? Et quand bien même, pourquoi l’amenaient-ils sur la place ? Ces questions allaient trouver leurs réponses un peu plus d’une heure plus tard quand une cloche se mit à sonner frénétiquement. Tous commencèrent à scruter le ciel.

Trois ombres impressionnantes tournoyaient au-dessus du village. Trop ébloui par les soleils, Miguel avait du mal à les distinguer précisément. De toute façon, aucun des étrangers n’aurait pu deviner ce qui approchait.

Trois créatures se posèrent sur la place. Franck dut y regarder à deux fois puis se pincer pour s'assurer qu’il ne rêvait pas. Ce n’étaient ni plus ni moins que les griffons de leur mythologie, plus gros que des chevaux, avec un faciès d’aigle à bec jaune, et quatre pattes terminées par des serres longues comme des avant-bras. Leurs ailes gigantesques se replièrent et il distingua sur leur dos une sellerie complexe, supportant un homme et des filets débordant de sacs divers. Les chevaucheurs portaient des habits soignés et qui indiquaient un niveau social bien plus élevé que ceux du village. Ils mirent pied à terre et échangèrent les cargaisons des griffons contre le contenu des paniers de pépites d'or des villageois. Il y avait clairement une relation de subordination entre eux. La compagne de Gebri échangea quelques mots avec l’un des trois hommes. Ce dernier portait un habit blanc, quelque part entre la toge romaine et l’habit des moines tibétains. L’homme l’accompagna vers là où se trouvait Julie.

Julie était brûlante et transpirait abondamment. Sa respiration était rapide. Sans être médecin, Franck savait qu’elle était très mal en point. L’absence d’hygiène et le manque de matériel médical avaient empiré son état. Le chevaucheur en toge blanche s’accroupit à côté d’elle et lui prit la main. Franck le vit grimacer de douleur. Son bras trembla. Il fronça les sourcils et le groupe assista incrédule à un miracle. Les plaies de Julie se refermaient, sa peau se reconstituait petit à petit. L’homme semblait souffrir de plus en plus, des gouttes perlaient sur son front, sa main rougit. A l’instant où la dernière lésion de Julie disparut, il lâcha précipitamment la jeune femme et tomba à genoux, les mains contre le sol pour ne pas basculer.

Il regarda Julie, balaya les autres d'un regard ahuri puis rejoignit précipitamment ses deux acolytes à l'extérieur de la maison troglodyte. Il s’en suivit une discussion mouvementée entre eux. La compagne de Gebri s’assit à côté de Julie et lui prit la main en souriant. Julie était complètement guérie. Elle sourit à son tour et s’adressa à la femme

  • Del eam, imana Mara
  • Payki, Julie, payki, lui répondit-elle en l’enlaçant

Tous restèrent pantois face à la scène. Marie céda la première à la curiosité

  • Julie, tu peux nous expliquer ?
  • Je vais bien Marie, c’est le plus important
  • On le voit bien, mais quand as-tu appris à parler leur langue ? lui demanda Franck
  • L’homme qui est venu ici est un guérisseur, je ne saurai pas exactement t'expliquer comment, mais lorsqu’il a saisi ma main et commencé son rituel bizarre, j’ai été embarquée dans une espèce de rêve : j’étais redevenue enfant et je découvrais leur langue. J’ai compris en fait que je revivais une partie de ses souvenirs. Lorsqu’il a eu terminé, j’ai entendu des conversations au dehors, et je les comprenais. Je me suis demandé si je pourrais parler à mon tour. Les mots me sont venus naturellement, c’est… inexplicable
  • Ça va bien nous aider par contre, dit Marie, tu pourras servir d’interprète ?
  • Hé, doucement, j’ai compris quelques mots, c’est tout, nuança Julie
  • Par contre s’il a également pu lire dans tes souvenirs, nous risquons de devenir des bêtes curieuses. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous ne faisons pas très couleur locale, prévint Franck

Comme si cette phrase était de mauvais augures, le bruit assourdissant de la corne résonna deux fois. Mara commença à courir partout affolée, en cachant des affaires. Elle échangea quelques mots avec Julie qui s’empressa d’en restituer le contenu.

  • Apparemment les deux sons de corne signifient que des soldats vont venir. Le village vit de l’extraction de l’or de ces montagnes, qu’ils échangent contre des vivres et des soins de la part de « ceux qui volent ». Cette situation est clairement en défaveur de leur peuple, mais ceux qui volent ont une armée qui est venue autrefois et a massacré ou emmené ceux qui refusaient cet accord. De la manière dont elle en parle, ces gens n’ont pas l’air d’être très sympathiques. Elle pense qu’il faut que nous nous cachions et elle va nous montrer un endroit.

Ils suivirent tous les cinq Mara sur un sentier escarpé qui menait à une carrière. Plusieurs villageois s’y affairaient, certains en remplissant des sacs des petites pépites rondes qu’ils avaient vues lors de l’échange. La montagne était un vrai gruyère, des dizaines de galeries d’environ un mètre cinquante de diamètre partaient dans tous les sens. Mara leur fit signe de se cacher dans l’une d’elle. Marie entra en tête, suivie de Julie, suivies des trois hommes. Juan ferma la marche. Le boyau était long, et il y avait largement la place d’avancer. En revanche la configuration du tunnel n’avait aucun sens. Les parois étaient lisses, irrégulières et le tube prenait des virages aléatoires dans toutes les directions. Ils avaient avancé d’environ dix mètres lorsque Marie émit un cri de dégoût. Il faisait sombre et elle venait de mettre la main dans quelque chose de gluant. Julie lui plaqua la main sur la bouche pour la faire taire. Des voix provenaient d’au dehors.

  • Ils nous cherchent, commenta Julie. L’homme de tout à l’heure pose des questions à Mara. Il sait qu’elle nous a emmenés ici. J’ai plus de mal avec le reste, il parle de l’or et de leur protection. Il dit qu’il faut qu’ils nous livrent ou le village en paiera les conséquences.

Ils firent silence absolu. Un étrange bruit lancinant qu’ils n’avaient pas perçu auparavant commença à émerger du silence. Un ronronnement semblable à un bruit de meule, comme si quelqu’un frottait de toutes ses forces une pierre contre la paroi. Le son se rapprochait et devenait de plus en plus insistant. Cela provenait maintenant de juste à côté d’eux. Un morceau de pierre se détacha de la paroi face à Julie. Une énorme chenille blanche dont le corps ondulait comme un ver rognait les bords de l'ouverture et avalait la pierre par une bouche qui s’apparentait à un trépan de forage couvert de dents. L'obscurité ambiante rendait la scène plus effrayante qu'elle ne l'était vraiment. Julie prit peur et commença à pousser les hommes vers la sortie

  • Oh mon dieu, sortez-moi de là ! C’est horrible, ce truc va me bouffer ! Recule Franck, bon sang, recule !

Marie, pourtant pas claustrophobe mais peu friande d'insectes, se mit également à couiner tandis que l’énorme mâchoire agrandissait à chaque seconde le trou dans la paroi du boyau, sans prêter aucune attention au groupe. Franck leur fit signe de se calmer, au risque de se faire repérer. Mais le mal était fait. L’homme cria dans le tunnel, leur intimant de sortir. Il était impossible de raisonner Julie qui devenait hystérique. Pour couronner le tout, de la fumée commençait à rentrer dans le tunnel. Ils finiraient de toute façon asphyxiés s’ils ne sortaient pas.

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