Le pacte de la faucheuse 03

Image de couverture de Le pacte de la faucheuse 03

Trois mois que Midraël Beethoven vivait ici, sur l'archipel néo-nippon, sous le regard du système de sécurité informatique Djahou. Que le programme ignorait tout de lui, mais qu'il y avait quand même inséré une identité et un visage. Cette nuit-là, il montait la garde face au palais impérial, à ses côtés, un certain Sakuchi Amatatsu.
Face aux portes du palais de Musashi, l'Occidental avait le regard porté vers le ciel. Il regardait souvent la lumière bleue qui brillait au-dessus des îles japonaises, les couvant toutes sous son pouvoir. Un lourd manteau de protection prenait sa source de cette lueur, fascinante et minuscule au centre de ce dôme bleu. Un champ de force qui empêchait toute entrée et sortie du territoire, un bouclier incompréhensible, pour la science et la destruction humaine.
" Arrêtes de la regarder l'ami. Tu penses souvent à partir depuis que tu es passé n'est-ce pas ? Demanda Sakuchi.
- C'est vrai. Mais hormis le fait que ce ne soit pas possible, ce pays à besoin d'aide, tu le sais comme moi.
- Parfois, je me demande vraiment si le seigneur choisit la bonne décision, en nous fermant ainsi au monde. Pensa à haute-voix le samouraï.
- Tu voudrais qu'on ouvre de nouveau les frontières et que l'infection se propage partout. Soit nous la maîtrisons, soit l'humanité ne deviendra qu'un souvenir qui ne trouvera nul esprit où se réfugier. À cause d'une épidémie, se serait si... Décevant. Répondit Midraël avec mélancolie.
- Il n'en reste pas moins que fermé au monde, il ignore ce qui se passe ici, comme nous ignorons ce qu'il pense de ce qu'il se passe ailleurs. Je suis avec Musashi, mais certains conservateurs qui accusent ton A.T.U de tous les noms, pourraient voir cette fermeture comme un acte de guerre. Mais nous n'en saurons rien.
- Le doute et la certitude sont devenus des notions bien floues à notre époque. Nous sommes pourtant bien, la seule chair à canon ici. Conclut l'amiral de l'A.T.U. "
Le bruit des verrous se fit alors entendre derrière les deux gardes. La tête tournée vers les portes rouges Midraël et Sakuchi se tenaient droits, la main tenant fermement leur lance, comme devait le faire un vrai soldat. Les têtes de bronzes d'un lion et d'un insecte portant fièrement un heurtoir entre leur dent coulissèrent peu à peu, traînant avec elle les lourdes plaques de verre rouge, laissant place à une vision de l'entrée du palais. Sur le pas de cette entrée, un autre revenant se tenait droit dans son armure grise, un ancien viking, prêt à adresser un message.
"Beethoven, le prince demande après vous. "
L'homme entra dans l'immense corridor tapissé de doré. Plongé dans ses pensées, il marcha sur le tapis en longeant les nombreux bureaux, visibles derrière des vitres transparentes à la base bleutée et dépliable qui s'ouvraient et se refermaient sur le passage de l'amiral de l'A.T.U. Il grimpa quelques étages par les escaliers en colimaçon, aux murs peints de fresques dont on ne voyait distinctement le contenu, qu'après s'être rendus à l'étage supérieur ; une scène apaisante impliquant des méduses et des nuages. Midräel prit l’ascenseur, pour se rendre au sommet de la tour. Il fut accueilli dans un couloir par deux gardes amazones en armure qu'il salua, avant de se rendre dans les appartements de Musashi. Les portes étaient d'or et s'ouvraient en stores, qui s'amincissaient petit à petit.
Fujiwara-No-Genshin, dit Musashi, était en train de fouiller dans un tas de papiers d'astronomies, pour trouver on ne sait quelles réponses à quoi.
" Alors, tu te fais appeler prince maintenant ?
- Si j'ignore à quel nom j'appartiens, comment puis-je dire non à n'importe quel nom ? Je suis revenu à la vie sans le vouloir et je suis général de guerre maintenant. À peine ai-je eu le temps d'accepter cette idée, que le peuple voit en moi un meneur et qu'un nouveau soldat répète à sa famille, que son supérieur m'a nommé prince. Ils veulent un héros parce qu'ils n'osent pas l'être.
- Pourquoi m'as-tu fait venir Nïten ? Je croyais que la sirène allait sonner bientôt.
- Là est tout le problème. Ne t'interroges-tu donc tu pas mon ami ?
- À propos de quoi ?
- Les phéromones sont lancées depuis plus d'une heure maintenant et aucune trace des monstres.
- Alors peut être le nettoyage a-t-il marché. L'opération Alt Céta a éradiqué l'infection.
- L'opération Alt Céta… Nous en avons tué bon nombres et quoi ? Cela ne peut que nous indiquer qu'il y en a bien plus, si tu veux mon avis. Pourquoi ne sont-ils pas sortis ? Répondit calmement Musashi, les yeux rivés dans la large baie vitrée.
- Je pars, je verrai sur la route. Ton plan me parait, plus clair maintenant. Je suis content. Je te confesse que j'avais douté de toi. J'ai failli t'abandonner.
- Ne te fais pas de soucis pour ça. Je sais ce que les gens pensent de moi. "
Midraël descendit enfourcher sa Suzuki noire, pour rentrer dans ses appartements. Il allait faire un tour sur le périphérique pour s'assurer que tout allait bien, persuadé que Musashi se faisait du mouron sans raison. Il avait besoin d'être seul pour penser. La façon dont il était entré ici ne fonctionnerait sûrement plus pour sortir. Son ami lui avait promis de faire en sorte qu'il puisse retourner chez les siens. Il pensait à cette promesse quand il atteignit une portion de route où ses phares défaillirent et éclairèrent un pont, qui n'avait été remis sur pied par aucune main, bien qu'il se soit écroulé depuis des lustres.
Son humeur nostalgique le poussa à s'arrêter un instant. Il tourna son guidon et la route projetée se traça aisément jusqu'aux débris. Il mit une trentaine de secondes et borda son engin. En montant un levier sur la gauche, les jantes se désossèrent pour soutenir le poids de la moto à l'arrêt et le chemin fut sauvegardé en l'attendant. Créer une masse d'atomes lumineux, si solides qu'ils s'endurcissaient ; Midraël aurait voulu rencontrer le génie qui avait réussi à concrétiser cet exploit. La moto et la route ne répondaient pas pour le mieux depuis quelques minutes.
Le déporté s'interrogea sur l'histoire de ce vestige, reste des liens avec l'âge du béton. Une ombre passa dans un rang de palmistes, faisant lâcher sa cigarette et son briquet à l'éclaireur. Alors, les monstres étaient bel et bien encore présents. Mais alors pourquoi celui-là n'avait-il pas répondu à l'appel des phéromones ? Il devait prévenir le QG, mais avant ça, il allait mettre hors d'état de nuire cette chose griffue, qui cherchait proies et victimes dans les ruelles de Tokyo.
La chose bougeait vite. L'occidental devait faire très attention à ne pas être vu pour l'instant. Un arbre qui frémit dans une nuit sans vent, attira l'attention du seul vagabond de la ville. Damné qu'il était ! Le monstre n'était pas seul. Le prédateur chuta. Le choc renversa Midraël au sol et fit lâcher son arme à l'amiral de l'A.T.U. Sans se laisser le temps d'analyser sa douleur, il prit son revolver et ouvrit le feu jusqu'à sentir l'odeur de la poudre grimper à ses narines. Il n'en prit pas compte, il venait de faire perdre une patte à un infecté. L'humain ne fut pas si surpris de voir son ennemi se relever lentement, son sang bleuté gouttant sur le sol. La bête poussa un cri, puis chargea. Néanmoins, penser que l'amiral de l'A.T.U ne connaissait pas la furie du vivant, fut une erreur animale. L'homme l'évita, comme il avait évité un sanglier une fois.
Djahou avait déjà remarqué cette étrange habilité dont l'étranger était doté, pour le peu de temps qu'il l'avait observé. Ce ne fut que par un moment de sang froid qui l'étonna lui-même, que Midraël put attendre pour tirer dans l’œil de l'ex-humain et par un pas habile et léger sur la roue de la chance, que la petite collision de particules atomique de sa dernière balle, put provoquer la douleur et ralentir l'ennemi.
Beethoven roula sur l'épaule pour récupérer sa lance et le symbole de la sauvagerie perdit l'autre bras, sous le fil de l'acier. L'homme laissa le monstre se vider de son sang dans l'agitation de sa douleur. Il se dirigea jusqu'à sa moto afin de récupérer une arme à feu plus puissante, mais il n'eut pas ce temps ; violente fut l'arrivée de deux autres des humanivores. Fort heureusement, son sac à dos le sauva d'un coup de griffe inattendu. En prenant la fuite, l'amiral eut tout de même le temps d'entrevoir que d'autres se tenaient sous le pont. Il fut quand même stoppé et sa moto tomba. La route se désagrégea et l'humain ainsi que les monstres qui agrippaient le véhicule, chutèrent en même temps. Midraël se tira de ce mauvais pas en ouvrant le feu sur le réservoir de la moto et une explosion emporta les monstres et sa Suzuki, dans la même fumée.
L'amiral se serait cru perdu, néanmoins l'agitation n'attira en rien les autres ennemis. Il put poser les pieds au sol tranquillement, pour se défaire de son parachute. Il se déplaça pour s'assurer de ce qu'il avait vu, encore sonné par l'explosion. Pas de mouvement, pourtant des silhouettes attendaient là-bas, accrochés par les pieds à des canalisations, le dos courbé et leur longs bras qui trainaient. Pourquoi ?
" Demande de renforts ! Maintenant ! J'en ai trouvés et ils n'agissent pas du tout comme prévu. Des renforts aériens, vers la centrale abandonnée, on doit brûler tout ça. "
Le plan de Midraël fut appliqué et il fut bientôt rejoint par Sakuchi et un escadron d'une vingtaine de soldats. Afin de déterminer si d'autres monstres se trouvaient encore à attendre la fin de l'agitation humaine, plus loin que ce monceau de cadavres sous un pont, l'escadron ouvrit le bal et s'engouffra dans les ruines.
L'homme observa son équipe, camouflé par des vêtements à l'odeur arrangée par un chimiste, qui ne devait pas beaucoup aimer les humains non plus d'ailleurs ; encore moins que lorsqu'ils étaient infectés.
Au-delà du pont, derrière un fourré, ils atteignirent la centrale électrique, désaffectée depuis des siècles. C'était incroyable que dans ce pays qui ne s'était jamais débarrassé du problème de la surpopulation, même en pleine guerre, on puisse encore trouver ce genre de lieu. À croire que l'évolution éprouve la nostalgie elle aussi.
L’instinct des hommes leur fit directement alerter le dirigeant. Quelque chose se tramait ici. Des lumières, comment pouvait-il encore il y avoir du mouvement à l'intérieur. Fujiwara-no-Genshin trouva encore la force de rigoler, lorsque Midraël le rappela de nouveau pour lui apprendre qu'il ne s'agissait que de jeunes fortes têtes, qui n'avaient pas respecté le couvre-feu. Midraël et Sakuchi sortirent alors dans la cour centrale pour s'aérer l'esprit. Arrêté dans son geste une fois encore, Midraël n'aurait pas le temps d'allumer sa cigarette avec une de ses vieilles allumettes, qu'il laissa couler dans un bassin d'eau, croupie à en être noircie.
L'objet de mort, aux allures innocentes de petite gâterie pour les poumons, tomba et roula en s'éteignant petit à petit. Jusqu'à ce que le filtre s'imprègne d'eau noire et que la braise fasse le petit bruit, d'une poignée d'épices qu'on eut jetée dans l'eau bouillante. À l'exception que c'était une cigarette qui s'était cognée contre la coque d'un œuf, d'une taille bonne pour être des autruches en conception et d'une couleur, bonne pour être des œufs de choses mortes. Mise à part également, que la vie contenue dans ces choses faisait bouger les coques, d'une matière apparemment élastique.
C'était un spectacle répugnant, autant pour Midraël que pour Sakuchi. Ils se regardèrent, pensant à la même chose en même temps. S'il y avait des œufs, il y avait une mère et s'il y avait une mère, il y avait quelque chose qui grognait déjà dans leur dos. Mais lorsqu'ils auraient cru tomber nez à nez avec les monstres qui leur inspiraient tant de craintes, ils furent bien surpris. Malheureusement, ils n'y étaient pas préparés.
Si l'Homme régressait au stade de quadrupède une fois infecté, le virus semblait avoir l'effet inverse sur les animaux qu'il occupait, il les rendait plus dominants encore, plus oppressant. Un chien debout aux membres disproportionnés avec la bave qui s'écoule à en laisser des flaques, c'est inquiétant ; cinq, ça l'est encore plus.
Les deux meneurs furent sauvés in extremis par l'arrivée de leur troupe. Ils alertèrent une nouvelle fois Musashi, qui n'y trouva plus de quoi rire. Il ordonna l'évacuation et renvoya des troupes aériennes, avant que tout cela ne dégénère. Tout se serait passé pour le mieux dans le meilleur des mondes, si un membre de l'équipe n'avait pas voulu ramener une de ces étranges bulles mortes avec eux. Après tout, si la dispersion des phéromones pour attirer les monstres n'avait pas marché et si aucun des Infectés n'avaient bougé depuis, c'était bien pour une raison. Protéger les œufs, mais aussi la mère, qui maintenant se dressait devant l'escadron.
Les seules similitudes avec ceux qu'ils avaient rencontrés jusque-là, sans visage, ses yeux rouges et ses dents de prédateurs ressortaient. Mais le tout se trouvait bien plus haut cette fois-ci, car des dizaines de jambes soulevait son torse à la colonne pliée et portaient un abdomen qui traînait à même le sol, en se tortillant comme une chenille.
Ils durent faire preuve de finesse dans leur choix, pour contenir le monstre. L'équipe fut extraite de ce mauvais pas par voie aérienne, la moitié toujours en vie du moins. Midraël avait perdu son ami ici, mais il n'avait pu que respecter le choix du sacrifice.
Sakuchi, était seul parmi les morts et les monstres restants. Ils l'entouraient petit à petit, mais il n'avait nulle crainte. À l'heure actuelle, être transpercé où mordu à la nuque ne pouvait pas le faire faillir. Pour un cœur qui s’arrête, son esprit le ranimerait, la magie était avec lui. Son seigneur veillait sur lui, ainsi, ses membres brisés continuaient à se battre et ses yeux déchirés pouvaient encore voir. De toute façon, son âme ressentait ce qui l'entourait. Il espérait que Musashi puisse voir par ses yeux également, car quand les bombes furent lancées depuis là-haut, les coquilles d'œufs se déchirèrent. Malheureusement, la magie de Fujiwara-no-Genshin n'était pas suffisante pour ramener devant Midraël, celui dont tout le corps avait été éparpillé aux quatre coins de la cour. La centrale prit feu et le vestige disparut pour toujours.

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