6 - Au sommet

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Une semaine plus tôt

Il y avait du vent ce jour-là. La tour de l’Œil ne bougeait pourtant pas d’un pouce, témoin de l’ingénierie fantastique des Alteriens. L’édifice d’un blanc immaculé se dressait fièrement au centre de la ville qu’il représentait, de telle sorte que personne ne pouvait passer un jour sans sortir et le voir dominer les habitants d’Eden.

Andrew Webster, coincé dans l’ascenseur avec un de ses Conseillers, soupira discrètement. Cet homme n’allait-il donc jamais se taire ? Il ne cessait de lui parler de ses obligations et de ses devoirs, lorsque tout ce à quoi il aspirait était de retourner dans son bureau et se rafraîchir à l’aide d’un bon Martini -mélangé, pas secoué.

Quand enfin les portes s’ouvrirent devant le couloir du cent-quarante neuvième étage de la tour, le Gouverneur s’éclaircit la gorge et se pressa de rejoindre son bureau, tête baissée, ignorant les protestations de son adjoint. Ce faisant, il buta contre le dos d’une femme qui les attendait là.

— Oh, fit celle-ci en se retournant, pardonnez-moi, je n’aurais pas dû rester au milieu du passage.

Andrew se rendit alors compte qu’il venait de percuter Sumajyn Sirylla en personne, et retira son chapeau en guise d’excuses. Elle était pratiquement son égale, et ne voulait pas paraître impoli devant elle. À l’exception de sa femme, Reika Webster, la Maîtresse de Lydall était probablement la femme la plus charismatique qu’il connaissait. Sous ses manières posées et chaleureuses, on sentait un caractère droit et bien trempé.

— Maître, s’exclama Andrew. Je ne vous attendais pas de sitôt ! Suivez-moi, nous avons à parler.

C’était un mensonge, bien sûr : tout ce qui l’intéressait était d’échapper à son étouffant Conseiller. Il entraîna la femme amusée le long du corridor, passa la porte de son bureau et la referma derrière eux, au nez de l’homme balbutiant.

— Ouf, dit Andrew. Je pensais que je ne m’en débarrasserais jamais. Que puis-je faire pour vous ? Ça n’est pas souvent que je reçois la visite de quelqu’un d’aussi éminente que vous.

Sumajyn Sirylla, sans y être invitée, prit place dans un fauteuil. La pièce était bien garnie, d’un style traditionnellement alterien, et elle approuva ces choix de décoration.

La femme se pencha cependant en avant, en joignant ses mains.

— Je vais être directe. Je sais que vous avez capturé Vaast Dieffenbach, alias Arsenal. Depuis quelques semaines, vous essayez de le faire parler afin qu’il révèle ce qu’il s’est passé ici, au sommet de l’Œil, lors de l’insurrection.

Le Protecteur hocha la tête, tout en se demandant où elle voulait en venir. Ce n’était pas surprenant qu’elle détienne ce genre d’informations. Il semblait que les Spirituels fussent capables d’apprendre tout ce qu’ils voulaient, sans effort.

Sumajyn continua :

— J’ai récemment accepté d’entraîner une jeune Gardienne à devenir Championne d’Alteria. Elle s’appelle Alice Surge, ce nom vous dit sans doute quelque chose ?

— Emeline Surge...

— Il s’agit de sa sœur. Elle a décidé de suivre les pas de Justice, et viendra au Temple de Lydall bientôt. Et selon mes recherches, Vaast Dieffenbach entretenait une relation particulière avec Justice. Ils étaient opposés en tout : un Protecteur et une Gardienne, un traître et un symbole de paix... Pourtant, quelque chose de particulier a retenu mon attention à leur sujet. Il semblerait qu’ils aient interagi à de nombreuses reprises, toujours au cours de leurs missions. Comme si le destin les réunissait, contre toute attente...

— Êtes-vous en train de me dire qu’ils étaient ennemis au point de se chercher l’un l’autre ?

Sumajyn gloussa.

— Peut-être, qui sait ? De toute manière, puisque sa sœur viendra à Lydall, je vous demande la permission d’également y amener Dieffenbach. Le confronter à la sœur d’Emeline Surge produira forcément des résultats. Et, ce garçon m’intrigue. Il a trahi les Protecteurs, puis fui les Libérateurs... Et ne présente aucune émotion à ce sujet. Ce n’est pas en le faisant moisir au fond d’une geôle que l’on découvrira quoi que ce soit à son sujet.

Le Gouverneur grinça des dents.

— Avez-vous la moindre idée des risques que je prendrais en le libérant ? Je dois déjà faire face à tous les Gardiens qui me fustigent de le détenir dans une prison Protectrice, alors que diraient-ils s’ils apprenaient que je l’ai laissé s’envoler dans la nature ?

Ce fut au tour de la Maîtresse de Lydall de s’offusquer. Elle posa une main sur sa poitrine et lança :

— Allons, il ne disparaîtra pas ! Il sera sous surveillance constante. Ma... mon apprentie, en tant qu’héritière de Lydall, s’occupera personnellement de le tenir à l’œil. Et je réponds d’elle comme de moi-même.

— Je ne me sens tout de même pas à l’aise. J’affecterai une escouade à la surveillance de Dieffenbach.

— Ce qui signifie que c’est un oui ?

Andrew laissa échapper un léger sourire. Cette femme savait toujours comment obtenir ce qu’elle voulait.

— J’étudierai la question, dit-il cependant. Mais dans le cas où j’accepterais votre suggestion, je vous enverrais ma meilleure équipe, la treizième escouade.

— Menée par Zenekan Caravel ? Vous le connaissez aussi bien que moi. Il est dangereux.

— Mais efficace. Avons-nous là un accord ?

En se levant de son siège, Sumajyn serra la main du Gouverneur.

— Marché conclu. J’organise dès à présent les préparatifs.

Andrew la conduisit à l’extérieur, et se rassit derrière son bureau. Tout en se servant son Martini, il se rendit soudain compte qu’il avait accepté l’offre de la femme sans même le remarquer.

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