5 - Alice au pays des merveilles

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Lydall n'était vraiment pas comme Alice l'imaginait. Elle s'était attendue à un monastère, comme dans les films d'arts martiaux (elle en avait dévoré des dizaines), mais au lieu de cela...

La ville s’étendait en contrebas de la colline qu’elle venait de gravir péniblement avec son sac à dos. Elle et Scindo Kinmey étaient arrivés en hélicoptère depuis Eden, et devraient désormais traverser les rues de Lydall pour atteindre le bas du mont Sarracenia, sur le flanc duquel se trouvait le Temple.

Le Temple de Lydall était le centre névralgique des décisions regardant la ville, et par extension les Spirituels. Il la surplombait de sa magnificence resplendissante, ses couleurs vertes et dorées brillant sous le soleil à son zénith.

Scindo avait offert de porter une des valises d’Alice, et la guida sur la route menant à l’entrée du Temple. Ce faisant, il exposa la situation :

— Les Spirituels, avait-il commencé, sont... spéciaux. Ils sont globalement isolés du reste d'Alteria depuis des siècles ; après la Scission. C'est pour ça qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs ou les mêmes coutumes que nous. Même les Terriens les trouveraient bizarres, et Dieu sait s'ils le sont eux-mêmes.

Alice sourit. Les Terriens étaient toujours la cible de piques en rapport avec leur légendaire stupidité. Les Alteriens méprisaient ce peuple qui les avait chassés, et qui ne cessait de détruire sa propre planète. Alteria n’échappait pas aux guerres, ni à la pauvreté ou à la corruption, mais tous respectaient leur terre d’accueil.

— Je ne te demanderai pas de surveiller tes gestes ou tes paroles : tu ne pourrais pas les offenser, ils ont une grande tolérance et une grande capacité à comprendre les humains. En revanche, ils peuvent se montrer parfois très directs, donc ne te vexe pas si on te pose une question ou si on te fait une remarque... disons, déplacée. Tu le découvriras bien vite de toute façon.

Scindo croisa les bras.

— Quand on arrivera, je te mènerai à Sumajyn Sirylla. Tu peux l'appeler "Maître”, un autre qualificatif serait mal adapté. Elle n'est pas une Rift Walker, mais sait faire... autre chose. Elle t'expliquera cela.

Alice était intriguée par les connaissances de son supérieur.

— Vous y êtes déjà allé ? Je pensais que peu de gens pouvaient accéder au Temple...

— C'est le cas ; mais Sumajyn est ma tante.

— Ah.

— Comme tu dis. Quoi qu'il en soit, je ne resterai pas bien longtemps : je te conduirai simplement dans l’enceinte du Temple et repartirai. Des questions ?

— Non.

Alice s'était imaginée, à l'écoute des mots "temple", "spirituels", "isolés depuis des siècles"... un endroit mythique et mystique, enfoncé dans la forêt et ayant conservé les coutumes antiques...

En fait de coutumes antiques, la quantité de technologie qui l'entourait était impressionnante. Les rues étaient pavées d'un revêtement qui utilisait l'énergie des pas pour créer de l'électricité, les murs des bâtiments étaient revêtus de sortes de panneaux solaires, les passants portaient tous une interface au poignet plus performante que la meilleure créée par Hermes Communications, pourtant déjà extrêmement performante ; le tout sous le dôme protecteur énergétique le plus puissant et large qu'Alice n'avait jamais vu.

— Sûr, je ne m'attendais pas à ça, murmura-t-elle.

Scindo rit et tapota son épaule.

— Ça m'a fait ça à moi aussi la première fois. Viens, on va au Temple.

La jeune fille suivit le jeune lieutenant à travers les rues de Lydall, bondées de monde. Alice s'étonna :

— Il n'y a pas de transport ici ? Pas de navette ?

— Si, mais elles sont souterraines. Lydall possède le réseau métropolitain le plus complet et efficace de tout le continent. Près de trois cents kilomètres de réseau, une navette toutes les trente secondes pour les lignes les plus actives, et une station tous les quatre cents mètres, au plus. Tu auras sans doute l’occasion de l’emprunter durant ton séjour.

Au détour d'une rue, Alice aperçut de nouveau le Temple dont Scindo parlait depuis tout à l'heure.

Il cadrait beaucoup plus avec l'idée qu'Alice se faisait d'un lieu d'entraînement pour Spirituels ; le temple se trouvait à mi-hauteur de la montagne qui surplombait la ville, et était desservi par une série d'escaliers sinueux et abrupts. Le Temple lui-même avait l'air d'inspiration à la fois japonaise et chinoise, mais également maya et aztèque ; cependant, Alice n'était pas une experte et classifia donc le style comme "temple des vieux moines mystiques".

Ils atteignirent le début de l'escalier quelques minutes plus tard. Deux hommes assis sur un banc de part et d'autre d'une arche, portant chacun une lance à la main, les hélèrent :

— Bonjour, amis. Vous désirez monter au Temple ?

Scindo sélectionna son laissez-passer dans son interface et le leur montra.

— Oui ; je suis Scindo Kinmey, Gardien de Régalie, et voici Alice Surge. Nous sommes attendus pour quatorze heures par Maître Sirylla.

Le premier des gardes, sans même lire le document, s'écarta du chemin en s'inclinant légèrement.

— Vous êtes en avance. Prenez la première à droite et continuez pendant cinquante mètres, vous pourrez monter de là.

Scindo s'inclina en retour, et répondit en souriant, à la façon des habitants du Temple :

— Je sais. Bonne journée, et que le ciel vous sourie.

— Merci ; que la Faille vous soit favorable.

Les deux Gardiens empruntèrent le chemin désigné. Le soleil était déjà à son zénith, mais il ne faisait pas aussi chaud qu'Alice l'avait craint. Elle avait jugé la hauteur du Temple, et avait estimé la durée de l’ascension à une bonne trentaine de minutes, ce qui ne la ravissait pas vraiment.

Puis Scindo s’arrêta devant l’ascenseur qui se trouvait au bout de la piste de terre et pressa le bouton d’ouverture des portes. Devant l’expression perplexe d’Alice, il lança :

— Allons, tu ne pensais tout de même pas que nous allions emprunter l’escalier ? Il est bien trop dangereux. On le réserve pour l’entraînement des novices. Parfois, des courses sont organisées... De mon temps, Sumajyn Sirylla en sortait toujours vainqueure.

En montant, Alice regarda à travers la paroi transparente de la cabine. L'escalier, bien que visiblement très ancien, était en excellent état, mais il n'y avait pas de garde-fou et les marches ne faisaient que deux mètres de large à l'endroit le moins étroit. Scindo expliqua :

— Les Spirituels qui vivent au temple sont encore plus isolés que ceux de la ville, même s'ils s'y rendent pour se réapprovisionner ou y passer quelques loisirs. Cet escalier ne sert pas souvent, alors il n'a pas été conçu dans un but sécuritaire, comme tu peux le voir. Cependant, personne n'est jamais mort en tombant. Pas à ma connaissance, du moins.

— Ça ne me rassure pas vraiment...

– Ne t'inquiète pas, on est en général attaché lorsqu’on le parcourt. On arrive. Je vais te laisser devant la porte et redescendre juste après. Oui, je sais, je suis monté pour rien mais... J'ai toujours voulu le refaire. Voir la ville en contrebas, sentir le vent dans mes cheveux et me dire que dans une autre vie, peut-être...

Scindo s'était tourné et faisait dos à Alice. Celle-ci, depuis sa naissance, avait le don de déceler plus d'émotions dans les comportements des autres que la plupart des humains. Elle sentait à présent comme un regret dans sa voix, un regret lié à un chemin qu'il avait pris plutôt qu'un autre. Soudain, il se retourna et lança :

— Peu importe ! Nous voici devant les portes du temple de Lydall. Bonjour, ami ; pouvez-vous introduire cette jeune fille à Maître Sumajyn ? Elle s'appelle Alice Surge ; je suppose qu'elle est attendue.

Un homme, d'apparence similaire aux gardes en contrebas, hocha la tête et héla un jeune homme assis nonchalamment à l'ombre d'un cerisier, les yeux fermés :

— Elle est arrivée, gamin. Désolé de te tirer de ta passionnante rêverie.

L'interpellé ouvrit un œil, puis, voyant qu'Alice était effectivement présente, se mit promptement sur ses pieds et s'approcha des deux Gardiens :

— Salut, vous avez fait bon voyage ? Non, je me fiche de votre réponse, c’était simplement pour être poli. Je suppose que vous êtes Scindo Kinmey et toi, Alice Surge ?

Cette dernière, quoique déconcertée par les manières de ce Spirituel quelque peu particulier, répondit :

— C'est moi, oui. Mais je ne pense pas que le lieutenant...

Scindo la coupa gentiment.

— C'est vrai. Je ne devrais pas rester ici aussi longtemps. Après tout, venir au Temple n'a été qu'un plaisir égoïste pour moi : je vais partir, à présent.

Il posa une main sur l'épaule d'Alice et dit :

— Je te retrouve dans un mois pour une visite d'inspection. Ce n'est pas que l'on ait peur qu'il t'arrive quelque chose, mais... Eh bien, tu sais. Le commandement n'aime pas laisser un agent en dehors de son organisation. Bien, je te souhaite un bon entraînement. Au revoir.

— À dans un mois, répondit Alice.

Le lieutenant fit demi-tour et sortit de la cour du temple, accompagné par le garde. Ils fermèrent la porte derrière eux, ne laissant qu'Alice, le jardin et ce singulier Spirituel.

Il devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans ; il était mince, relativement petit, et avait un visage aux traits fins, presque féminins, mais altérés par une étrange expression qui, sans être décelable par une autre personne qu'Alice, donnait l'impression qu'il pouvait à tout moment faire quelque chose de dangereux et d'irrationnel, comme sauter du toit ou assassiner froidement la personne qui se tenait devant lui.

Il portait un T-shirt noir uni et un pantalon beige au tissu si grossier qu'on aurait dit qu'il l'avait fait lui-même : cet accoutrement jurait avec les autres tenues qu'Alice avait vues jusqu'ici, qui tenaient plus de l'Asie traditionnelle que ce genre de vêtements... modernes.

Le jeune homme, qui venait probablement de l'étudier en retour, tendit sa main et serra celle d'Alice.

— Enchanté de te rencontrer. Enfin, enchanté, façon de parler... Paraîtrait que tu es la sœur d'une Rift Rideuse et la fille d'un héros national.

— Oui, je suppose que c'est vrai... On dit "Rift Rider" en revanche.

Le jeune homme haussa les épaules. Il se dirigea vers le fond de la cour et invita Alice à faire de même.

— On s'en fiche des mots. C'est ce qu'ils veulent dire qui m'intéresse. Alors comme ça, il y a pas mal de gens qui comptent sur toi ?

— De qui parles-tu ?

Son interlocuteur renifla. Ils avaient à présent dépassé le bâtiment principal, et se trouvaient sur un chemin secondaire.

— Pas mal de gens. Tes chefs, les Protecteurs, peut-être même Gendo Darma ? Hé, qui sait ? Mais ce n'est pas le sujet pour le moment. Je ne devrais pas te mettre trop de pression pour ton premier jour, n'est-ce-pas ? Pour me faire pardonner, je vais t'expliquer comment ça marche, ici. Sauf si tu connais déjà un peu ?

— Non justement, c’est la première fois que je viens chez les Spirituels...

L’autre s’arrêta et pointa un doigt sur la tête de la jeune fille.

— Alors, pour commencer, sache que les Spirituels... détestent qu'on les appelle comme ça. Ouais, les titres et eux, ça fait deux. En fait, ces titres leur servent uniquement dans les démarches administratives, ou politiques. Ici, pour eux, c'est une famille, en quelque sorte. Personne n'a de nom de code, de grade, ou je-ne-sais quelle autre connerie. Tu es Alice Surge, point barre. Sumajyn Sirylla c'est Maître Sumajyn, point barre.

— Mais ce n'est pas justement un titre, "Maître" ?

— C'est... une marque de respect. Comme quand tu dis "Monsieur" Untel.

— Mais pourquoi tu parles des Spiri... je veux dire, des gens d'ici, à la troisième personne ? Tu n'en es pas un ?

Ils se trouvaient désormais au centre d'une sorte de village dans l'enceinte du temple, ce qui était plutôt inhabituel. Un grand bâtiment les surplombait, le plus grand et le plus beau de tous. Le jeune homme lui lança un sourire énigmatique :

— Peut-être que si, peut-être que non. À titre honoraire, on va dire. Mais bon, on n'est pas ici pour parler de moi, pas vrai ? Ceci est le Pavillon, là où tous les gens importants du Temple habitent. Ce qui ne m’inclut pas, même si j’y loge tout de même. Attends, ça m’inclut, du coup. Bah, peu importe.

Les deux jeunes gens pénétrèrent dans le Pavillon, et arpentèrent les couloirs dans un silence respectueux. Ils croisèrent quelques habitants, recevant des coups d’œil intéressés de leur part. Le mystérieux guide d’Alice, à qui elle n’avait toujours pas osé demander le nom, les mena dans un long corridor, dont les murs étaient ornés de nombreux portraits. Après inspection, Alice comprit qu’ils s’agissaient des représentations des Maîtres de Lydall au fil des siècles : plus ils avançaient, en meilleure condition les tableaux devenaient.

Au bout du mur, un portrait encadré d’or montrait une femme aux cheveux verts drapée dans un tissu léger. Il s’agissait probablement de Sumajyn Sirylla. Il y avait cependant une dernière peinture, représentant une jeune fille au teint hâlé, souriant de toutes ses dents. Alice crut remarquer quelque chose à propos de cette dentition, mais n’eut pas le temps d’examiner l’image plus en détail que son guide lui tapotait sur l’épaule :

— Tiens, voici les quartiers de la grande lama, je te laisse entrer. Pas besoin de formule de politesse autre que celles de d'habitude, on n'est pas des sauvages. Je t'attends dehors, et quelqu'un va probablement nous rejoindre aussi. Allez, bon courage.

Il s'assit sur un banc et se mit à marmonner dans sa barbe sans parler à quelqu'un en particulier. Alice ne se posa pas trop de questions et passa la porte désignée, qui n’était d’ailleurs pas plus décorée que les autres.

La jeune fille se retrouva dans un hall d’un style identique au bâtiment, c’est-à-dire d’inspiration japonaise et médiévale. Une voix se fit entendre du fond du couloir :

— Tout devant puis au fond à droite, c'est la salle à manger.

Alice suivit les indications en marchant sur les nattes de paille. Pour une habitation réservée à la personne la plus importante de la ville, celle-ci n'était pas très impressionnante. Ceci dit, les Gouverneurs des Protecteurs et des Gardiens n'avaient même pas de propriété à eux, alors...

La Gardienne entra dans la salle à manger. Une femme, qui devait avoir la cinquantaine, était en train disposer deux tasses en porcelaine sur une table. Détail surprenant à propos de cette femme : ses cheveux étaient verts, et coiffés de telle sorte qu'ils faisaient le tour de sa tête en cachant un tiers de son visage, incluant son œil gauche. Elle portait des vêtements simples, mais amples et bien décorés. Son maintien était posé et calme. De but en blanc, elle demanda :

— Qu'est-ce qui te ferait plaisir à boire, ma jeune amie ? Du thé, du café ? Peut-être un jus de fruits : par cette chaleur, je ne suis moi-même pas sûre de vouloir une boisson chaude.

— Un... jus d'orange, si vous avez.

Celle qui devait être Sumajyn Sirylla se leva et alla chercher une bouteille dans... un réfrigérateur ? Maintenant qu'elle y prêtait attention, Alice remarquait que l'intérieur, quoique très traditionnel, comportait nombre d'appareils modernes intégrés dans le décor.

Sumajyn sortit une bouteille de jus d'orange, en versa le contenu dans les deux tasses et en tendit une à Alice. Celle-ci prit place sur une chaise, comme son interlocutrice, et saisit l'objet de bon cœur.

— Ça te redonnera des forces. Tu es fatiguée par la chaleur qui règne ici. Je sais, tu essayes de le cacher pour faire bonne impression mais... dommage, ça ne marche pas avec moi. Bois, c'est du vrai jus pressé ce matin, sans ajout de quelque substance que ce soit.

Effectivement, la boisson était excellente, même si les versions d'Eden étaient déjà de très bonne qualité.

— Bien. Parlons de choses sérieuses. Tu es ici car tu veux devenir Championne d’Alteria. Enfin, je l’espère.

La femme lui jeta un regard inquisiteur, la détaillant de haut en bas. Devant le mutisme d’Alice, elle continua :

— Depuis que ce titre existe, le Temple de Lydall a formé les Champions, leur a inculqué les principes profonds d’Alteria, et de ce que cela signifie d’en être l’étendard. J’ai moi-même enseigné à ta sœur, Emeline.

Le cœur d’Alice se serra. Elle n’avait toujours pas terminé son deuil, mais n’en voulut pas à la femme de lui avoir rappelé sa perte.

— Tout d’abord, nous devrons déterminer si tu possèdes une essence. Comme tu le sais probablement, elle se déclare en général durant la deuxième décennie de vie d’un humain, et tu viens tout juste d’y entrer. Nous nous efforcerons de la faire ressortir...

— Mais y a-t-il une garantie que je gagnerai effectivement une essence ?

Sumajyn soupira.

— Ma petite, on ne "gagne" pas une essence. Elle est déjà, ou pas, en chaque humain, dès sa naissance. Elle éclot simplement à un moment donné, et alors on peut contempler ses effets. Nous allons simplement verser un peu d'engrais sur le bourgeon qui sommeille peut-être en toi.

Alice but encore une gorgée. Nerveuse, elle réajusta sa queue-de-cheval et demanda :

— Et... Au final, en quoi consiste cette préparation à devenir Championne ?

Sumajyn lui reversa du jus d'orange.

— Ça, ma jeune amie, cela ne dépend que de toi. Je dois te dire que je ne superviserai pas personnellement cet entraînement. J'ai nombre de problèmes en ce moment qui requièrent toute mon attention. Pour déterminer si tu as une essence ou non, mes deux apprentis te montreront la voie, et on se concentrera sur ton avenir de Championne plus tard. Pour le moment, quelque chose en toi me... tracasse.

Alice acquiesça. Évidemment, elle avait été sotte de penser que Sumajyn Sirylla la guiderait elle-même.

— Eh bien, qu'attends-tu ? Va retrouver tes tuteurs, ils devraient t’attendre derrière ma porte, à écouter discrètement.

On entendit alors un fracas monumental, témoin du bris d’un pot de terre placé devant l’entrée de l’habitation de Sumajyn. Alice n’y prêta pas attention, et s’enquit :

— Attendez, c'est tout ? Vous ne me dites pas ce que je dois préparer, ou comment ça va se passer ?

— Comme je te l'ai dit, rien n'est fixé à l'avance. Si j'avais un seul conseil à te donner, ce serait "ne mens ni aux autres, ni à toi-même". Sur ce, je te laisse.

Sumajyn se leva et fit signe à Alice de la suivre. Elles sortirent des quartiers pour trouver deux personnes devant, qui bavardaient innocemment. L’une était le “Spirituel honoraire” d’avant, et l’autre une jeune fille, dont le pantalon était maculé de terre. La Maîtresse annonça :

— Voici tes deux mentors. Apprentis hier, maîtres aujourd'hui, n'est-ce-pas ? Quoi qu'il en soit, je vous ai déjà dit que je vous fais confiance ; vous saurez quoi faire à chaque instant si vous réfléchissez.

Puis elle s'inclina, se retourna et rentra chez elle. Les deux jeunes gens, embarrassés, s'inclinèrent à leur tour avec un temps de retard. Alice se rendit alors compte que la fille était celle représentée sur le dernier portrait du couloir.

Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans ; ses cheveux noirs coiffés en de multiples tresses, sous le soleil qui filtrait à travers les vanteaux, présentaient des reflets bleus du plus bel effet. Ses vêtements, d'un style croisé entre l'Égyptien antique et la tenue visiblement traditionnelle des Spirituels qu'Alice voyait partout en différentes déclinaisons depuis son arrivée, cachaient avec peine les nombreux tatouages qui parsemaient son corps.

Mais ce qui frappa le plus la jeune fille, c'était son visage. Tout d'abord, elle n'avait jamais vu de visage si harmonieux à son goût. Ces traits fins et délicats étaient rehaussés par une expression féline et sauvage qui la rendait très attirante, sans compter ses canines, étrangement surdéveloppées, qui rajoutaient à son charme mystérieux. Mais ses yeux étaient les plus captivants de tous ses traits. Des yeux dorés, vifs et joueurs, qui semblaient resplendir au milieu de son visage, comme deux pierres précieuses dans leur écrin rayonnant...

Alice ne pouvait dire un mot. Alors, la fille en face d'elle prit la parole.

— Alice, c'est ça ? Bon, on a un mois pour te faire développer une essence, ça devrait le faire ! On va d’ailleurs commencer tout de suite, j'en ai discuté avec ce feignant qui voulait le faire demain... Au fait, moi c'est Farah. Farah Elkaïm. Ravie de te connaître !

Alice reprit son souffle. Elle serra la main que Farah lui tendait et répondit :

— Moi aussi.

Le jeune homme, avec un sourire narquois, lança alors en se dirigeant vers la sortie du Pavillon :

— Et moi, Vaast Dieffenbach. Bon, on commence ? J'aimerais bien avoir fini avant le dîner.

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