1 - Le plus grand loser du monde

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(Note de l'auteur : des espaces se sont glissés entre beaucoup de mots dans la transition Word-Scribay... Désolé.)

Un. Deux. Trois. Trois murs et un grillage. Deux murs en briques et un en métal. La grille aussi est en métal. Amusant. Deux parois de métal et deux de briques. Le sol est en béton, le plafond est en béton.

Je me trouve dans un cube bien proportionné.

Un instant. Est-ce vraiment un cube ? Je ne sais pas, il faut vérifier. Huit avant-bras de longueur, huit avant-bras de largeur. Impossible d’atteindre le plafond. C’est beaucoup trop frustrant. Serait-il possible de mesurer la hauteur d’une autre façon ?

Bien sûr que oui. Ce pichet fait… Un avant-bras moins une longueur de pouce. Donc si j’empile des pichets, ça me fait…

Neuf avant-bras et demi. Merde. Je déteste me tromper. Remarque, je devrais avoir l’habitude. Ha ! Peut-être qu’un jour je réussirai enfin à faire un truc potable, et qui ne me conduise pas dans une cage à lapins.

Bon. Est-ce que je devrais chercher un moyen de m'échapper ? Après tout, dans tous les films et dans tous les livres, le héros réussit toujours à s’en sortir avec une astuce sortie tout droit sortie des tréfonds des Enfers scénaristiques.

Ouais. Alors déjà, je ne suis pas le héros, et ensuite je n’ai pas la moindre idée de quoi faire, que ce soit pour sortir ou pour après. Ceci dit, ça m’occupera sans doute… Pendant une heure. Mais c’est déjà ça de pris.

Je me relève, en grognant dans ma barbe inexistante (je ne regrette pas le fait qu’elle ne pousse pas, d’ailleurs. Un prisonnier avec une barbe c’est tellement mainstream.). Ça fait deux fois que je me lève en moins de deux minutes. Quel sportif. Alors, première étape, le coup classique de l’évasion programmée. La porte est-elle sciemment laissée déverrouillée ? Non, évidemment. Y a-t-il un objet utile dans la cellule ? Bof, à moins que ce pichet ne soit un marteau-piqueur incognito, j’en doute. Est-ce que je peux exploiter une faille dans le mur ? Question stupide. Il n’y a que deux failles, une dans ma tête et une qui se prend pour Dieu.

Terminé. J’ai dû gagner… Deux minutes ? Génial, deux minutes de moins avant la mort. Toujours voir le verre à moitié plein, c’est la clef de la réussite. Ceci explique donc cela.

Et sinon, est-ce que ce serait possible d’arrêter de chouiner pendant cinq secondes ? De quoi j’aurais l’air, si quelqu’un m’entendait… Heureusement que je sais penser sans parler. Ça m’a toujours fait marrer, ces gens qui pensent à voix haute dans les films…

Tiens. En parlant de films, voilà le roi des westerns en personne qui se pointe. Allez, on va imaginer tous ensemble un énorme titre qui dit “Andrew Webster, alias Hunter, alias Spectre, Gouverneur des Protecteurs, dernier des Rift Riders”. Ça devrait claquer, sur l’écran du cinéma. Surtout avec ses deux gorilles à ses côtés, ça lui donne un petit air de méchant à la James Bond du plus bel effet.

Il se plante devant le grillage, marque un temps pour se donner l’air cool, et lance :

— Bonsoir.

Évidemment, je me dois de répondre d’une façon aussi stylée :

“On est déjà le soir ? Que le temps passe vite quand on s’amuse…”

Ou alors :

“Vous vous sentez réellement mal à l’aise au point de me sortir la pire réplique que j’aie entendu ces derniers mois ou c’est juste pour me mettre en confiance ?”

Ou encore :

“Qu'entendez-vous par là ? Me souhaitez-vous le bonsoir, ou constatez-vous que c'est une bonne soirée que je le veuille ou non, ou encore que c'est une soirée où il faut être bon ?”

Bon j’avoue, celle-là je l’ai piquée. Quoi qu’il en soit, malgré ces merveilleuses répliques qui me viennent, évidemment, en même temps que j’en élabore une encore meilleure, je sors celle-ci car la première punchline est toujours déterminante dans ce genre de dialogue.

— Hum… Bonsoir ?

Un pur génie.

— Alors, Arsenal, commence-t-il, laisse-moi te poser une question.

Comme si j’avais le choix. Il continue :

— Comment réagirais-tu si on te disait qu’en une nuit, tout ce en quoi tu croyais, tout ceux en qui tu avais confiance, ont disparu, t’ont trahi, ou sont morts ? Quoique, tu me répondras sans doute quelque chose en rapport avec le fait que tu ne crois en personne, et que tu ne fais confiance à personne… Ce dont je doute très fortement, soit dit en passant. Laisse-moi te poser une deuxième question, autrement plus intéressante…

Je m’attends à une réplique du style “mais pourquoi fais-tu tout cela ?”... Après tout, je suis le méchant, pas vrai ? En tout cas, j’espère que je pourrai répondre à celle-ci, je n’ai pas pu en placer une depuis le début.

— Qui es-tu ?

Et meeeer... credi.

— Je te préviens : je ne peux pas répondre à cette question à ta place. Qui es-tu, Arsenal ?

Il a haussé le ton. C’est le moment de balancer quelques répliques bien senties. Je commence :

— Déjà, arrêtez de m’appeler comme ça. Arsenal, c’est un nom de scène, vous savez, celui que les troufions aiment hurler sur le champ de bataille… Non, je suis Vaast Dieffenbach, et vous le savez très bien. On n’est pas sur un champ de bataille ici, on est dans un abattoir, et c’est encore un miracle si j’ai encore une identité.

— Cela ne répond pas à ma question. Il est inutile de parler pour ne rien dire, donc je le répète une dernière fois : qui es-tu ?

— Vous devriez le savoir mieux que moi, non ? Un pauvre petit traître même pas foutu de faire son boulot correctement, un gamin assez stupide au point de faire foirer une opération prévue depuis des années, le pire Libérateur de tous les temps… On a l’embarras du choix, pas vrai ?

— Dois-je te rappeler les faits ? Tu as infiltré notre commandement, manqué de voler la chose la plus importante de la planète, massacré des dizaines d’hommes sur ton passage, aidé Darma à s’enfuir, et au final, tu te laisses te faire capturer, et de bon cœur ? Pourquoi ?

Là, il hurle carrément. Les deux gorilles ont l’air gêné, même s’ils essayent de le cacher. Je suis presque aussi embêté pour eux, ils n’ont rien demandé après tout. Peut-être que si je les inclus dans la conversation… Non. Pourquoi j’ai eu cette idée, d’abord ? Continuons à parler, ça retarde au moins l’heure de ma mort.

— Pourquoi ? Bof. Finalement j’ai préféré me rendre, la voie de l’autre cinglé de Darma ne me convenait plus.

Je ne sais pas pourquoi, mais il a l’air de se calmer. Il dit, d’un ton plus fatigué qu’exaspéré :

— Écoute. Depuis le début, tu sais très bien où je veux en venir. Entre le moment où tu étais en train de te frayer un chemin à travers mes hommes…

Littéralement. J’en ai encore des traces de sang sur les poignets et le visage.

— … et celui où tu as brusquement retourné ta veste, il s’est passé quelque chose.

— Je ne peux pas parler de ça.

Merde, je crois que ça l’a énervé.

— Ce n’est pas toi qui choisis ce que tu dis !

Techniquement, si. Mauvaise tournure de phrase.

— Que t’a dit Justice, avant de mourir, qui t’a fait changer de camp aussi rapidement ? Qu’avez-vous échangé dans le Grand Hall ? Pourquoi ne détectons-nous pas la moindre once d’essence en toi, alors que tu en débordais il y a un mois ? Est-ce lié au fait que le corps de Justice n’en contenait, lui non plus, plus un seul degré ? Réponds !

— Désolé, maintenant non seulement je ne peux pas en parler, mais en plus je ne veux pas en parler.

Je crois qu'il essayait d’avoir l’air calme depuis le début. En tout cas, c’est fini maintenant. Si c’était un personnage de cartoon, son visage aurait viré au rouge. Ça aurait été marrant à voir, tiens.

— Tu te fiches de moi ? Qui décide, ici ? Toi ou moi ? Je te rappelle que si tu es encore en vie, c’est uniquement grâce à moi ; tu penses vraiment que les autres Protecteurs seraient aussi magnanimes que moi ?

Et allez. “Les autres”. On y vient. Je suppose qu’ils me détestent maintenant. Après tout, la trahison est toujours un peu violente à digérer. Mais bon, qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Leur annoncer dès le début quelque chose comme “Ah au fait, je suis un traître alors ne me détestez pas quand j’essayerai de vous tuer” ?

— La colère, c’est mauvais pour l’espérance de vie, dis-je. On devrait se calmer tous les deux et tout ira pour le mieux.

— Tu essayes de me faire croire que tu es énervé ?

— Non, c’était juste une tournure pour tenter d’être sympa. Je n’ai aucun intérêt à ce que vous vous en alliez, après tout.

Une phrase cynique, un petit sourire, rien de tel pour avoir l’air cool.

— Ça ne marche pas comme ça avec moi, Vaast. Et tu le sais. Je ne suis pas là pour te faire gagner du temps ; je suis là pour nous aider à sauver le monde. Oui, rien que ça. Le méchant s’est échappé, mais il est encore possible de le rattraper… Grâce à toi.

— Incroyable. J’ai quel rôle dans le film ?

— A toi de choisir. J’ai l’air d’être un scénariste ?

— Pas vraiment.

Je dois avouer qu’avec son long trench-coat militaire et ses revolvers que je devine dessous, il a plus l’air d’un mercenaire qui peut t’égorger à tout moment que d’un gentil Spielberg.

— Alors je peux peut-être être le metteur en scène. Je dois placer mes acteurs, et pour savoir comment, tu vas me dire ce qui s’est passé.

Mouais. Il n’a pas vraiment plus l’air d’un metteur en scène que d’un scénariste. En plus, cette question est complètement large, et par conséquent on va sûrement avoir droit à un long flashback.

— Quand ?

— Depuis le début.

Il fait chier.

— Vous faites chier.

— Ce n’est pas mon problème : il fallait y réfléchir avant de mettre le feu partout chez nous.

— Un point pour vous.

— Ce ne sera pas le dernier. Alors, quand as-tu exactement rejoint Darma ?

Je prends une inspiration. Ça va être long. Mais bon, pourquoi je refuserais ? Je cherchais justement quelque chose pour tuer le temps. Alors je commence :

— Est-ce que vous avez déjà entendu parler d'une fille qui s’appellerait Jeanne d’Arc ?

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