Livre de l'Anastasie

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Il n’est de commencement. Seul Areb.

Il est un instant, et Areb décida que cela soit. Areb nomma cela Eïmaï.

Areb déclara : « Eïmaï, tu es, et par toi sera tout ce qui émanera de toi. »

 Eïmaï imagina alors le vide, et le vide emplit le néant. Car il ne pouvait rien être dans le néant, le néant qui est l’absence de l’être. Areb nomma le vide, mais Areb refusa un nom au néant qui ni n’est, ni ne peut être. Et aujourd’hui encore, il n’est de nom au néant, et le néant ne peut être nommé. Le mot seul peut désigner le néant, mais il n’est de nom au néant.

 Eïmaï imagina alors le tangible et l’intangible. Aucun n’avait de nom, aussi Areb donna à Eïmaï leur nom. L’intangible était Taiyo. Le tangible était Måne.

 Bien qu’ayant un nom, Måne et Taiyo ne pouvait qu’être, et aucun ne pouvait changer. Eïmaï leur donna alors de changer sans cesser d’être toujours, Taiyo, l’intangible, et Måne, le tangible. Eïmaï décida qu’il en soit ainsi pour tout ce qui serait. Areb nomma l’impermanence de ce qui est, et le temps commença sa marche.

 Eïmaï donna à Måne et Taiyo le vide, et leur demanda d’y étendre leur être. Taiyo créa alors la pensée, et Måne créa la matière. Par la matière naquirent les astres, par la pensée naquirent les concepts. Måne et Taiyo en remplirent le vide. Mais il manquait quelque chose.

 Les astres, bien qu’innombrables, n’étaient qu’un prolongement de Måne et partageaient son essence. Les concepts, bien qu’innombrables, n’étaient qu’un prolongement de Taiyo et partageaient son essence. Le vide était empli de leur essence, mais il n’était rien en le vide sinon Måne et Taiyo.

 Taiyo et Måne réfléchirent alors, et une idée leur vint. Ainsi qu’Eïmaï procédait d’Areb, ainsi que Måne et Taiyo procédaient d’Eïmaï, les esprits procédèrent de Taiyo et les corps de Måne, et chacun était de sa propre essence. Puisqu’ils procédaient, Areb nomma les corps et les esprits, processions.

 Måne et Taiyo décidèrent alors d’offrir à la procession de l’autre ce que la sienne possédait déjà. Taiyo offrit un esprit aux corps de Måne, et Måne offrit un corps aux esprits de Taiyo. Alors, les processions peuplèrent le vide.

 Pourtant, les processions voulaient, et ni Taiyo, ni Måne ne connaissait l’origine de leurs volitions. Ne sachant que faire, Måne et Taiyo attribuèrent à chaque être de leur processions une chose, espérant satisfaire leurs volitions.

 Mais il n’en fut rien. Taiyo et Måne se tournèrent alors vers Eïmaï. Eïmaï observa les processions, puis dit : « Il est un manque en vos processions. Créez à nouveau esprits et corps, et je comblerai ce manque qui est en eux. »

 Måne et Taiyo conçurent alors de nouveaux êtres, à la fois esprit et corps, puis Eïmaï fut appelé.

 Eïmaï observa ces nouveaux êtres, puis leur donna quelque chose que ni Måne, ni Taiyo ne connaissaient. Ce n’était ni pensée, ni matière. Ni tangible, ni intangible. Taiyo et Måne demandèrent à Eïmaï ce que cela était, et Eïmaï leur répondit que cela était une âme. Et après avoir dit cela, Eïmaï donna une âme à chacun de ces êtres. Areb les nomma alors, et leur nom fut « humain ».

 L’âme qu’Eïmaï leur avait donnée n’empêchaient pas les humains de vouloir, mais elle leur permettait du moins de satisfaire d’eux-mêmes leurs volitions. Måne et Taiyo, voyant cela, décidèrent de donner aux humains un domaine et créèrent alors la Terre. Et sur la Terre vécurent les humains.

 Cependant, les processions, voyant cela, vinrent voir Taiyo et Måne, réclamant une âme pour eux-mêmes. Hélas, ni Måne, ni Taiyo ne pouvait leur en donner une. Les processions, entendant cela, virent voir Eïmaï, réclamant une âme pour eux-mêmes, affirmant que si Eïmaï avait pu donner une âme aux humains, sûrement, Eïmaï pouvait donner une âme aux processions.

 Eïmaï les observa, puis dit : « Vous êtes processions de Taiyo et Måne, et pourtant venez me voir. Vous avez reçu de Måne et Taiyo chacun une chose, et pourtant venez réclamer une âme. Vous possédez déjà, et voulez posséder plus. Vous êtes processions, et n’aurez pas d’âme. » Et il en fut ainsi.

 Entendant cela, les processions se mirent en colère. Ils voulaient une âme pour eux-mêmes, et si Eïmaï ne voulait leur en donner une, ils iraient eux-mêmes la prendre.

 Les processions descendirent alors sur Terre et voulurent dérober aux humains leurs âmes. Areb le vit, et Areb les arrêta. Les processions se figèrent, pleines de colère et de peur, et Areb déclara : « Vous vouliez, et avez reçu. Vous avez demandé plus, et Eïmaï vous a refusé. Vous avez voulu, et vous apprêtiez à voler. Alors, ainsi sera : vous aurez faim, et jamais ne serez rassasiés. Toujours en vous croîtra la volition, et jamais ne sera satisfaite. Les humains vivront, et leur âme se teindra de leur vie. Quand ils mourront, vous ne pourrez vous satisfaire que de la couleur de leur âme, et celle-ci ira à un nouvel humain. Il en sera ainsi pour toujours, et jamais autrement. »

 Ayant entendu cela, les processions se querellèrent, chacun prétendant que l’autre était responsable de leur sort. Taiyo et Måne le virent, et ils eurent honte. Måne vint alors se placer sous la Terre et Taiyo dans le Ciel, ne supportant plus de regarder leurs processions. Quand celles-ci se rendirent compte que Taiyo et Måne avaient disparu, leur querelle redoubla, car au cha^timent d’Areb venait d’être ajouté la honte de Taiyo et Måne.

 Puis, les querelles s’estompèrent peu à peu, et des processions mélangées émergèrent deux camps. L’un de ces deux camps alla sous Terre pour se rapprocher de Måne. Ils se nommèrent dyables, et leur contrée l’En-dessous. L’autre de ces deux camps alla dans le Ciel pour se rapprocher de Taiyo. Ils se nommèrent agges [1], et leur contrée l’Au-dessus.

 Ainsi, les humains vivent et teignent leur âme de leur vie. A leur mort, les agges et les dyables se disputent leur âme, puis en dévorent la couleur. Une fois dépouillée de sa couleur, l’âme est offerte à un nouvel humain pour sa naissance. Génération après génération.

Et il en fut ainsi.

[1] se prononce selon la méthode Bombastienne /an.dʒ/ (a’ndj). De même, les puristes prononcent dyable en marquant la césure entre les deux syllabes.

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