L'arbre à la fin de tous les chemins

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Cet arbre. Encore. Toujours le même. Noir, géant, les branches sans feuilles et toutes tordues, des rivières de racines enchevêtrées autour du tronc. Cet arbre au milieu du vert, sous ce ciel blanc, sous cette pluie d'été. Le crépitement des gouttes sur les feuilles des arbres voisins, l'odeur de terre humide, et cet arbre aux branches suppliciées. Un arbre mort au cœur de la forêt. Un arbre mort à la croisée de tous les sentiers.

Un cauchemar, en boucle. Aucune autre issue. L’arbre mort, la pluie, mon souffle court puis le craquement des branches, derrière moi. La douleur, soudaine, atroce. La chute, rapide, libératrice. Car une fois au sol, le blanc. Comme le ciel. Loin de l’arbre noir, loin de la forêt, loin de mon meurtrier et de sa lame.

Mais l’arbre, encore, l’arbre mort devant mes yeux. Toujours le même instant, encore et encore et encore. Celui de ma mort.

Pourquoi ?

Aucune idée. Aucun souvenir de ma vie, juste celui-là. Cruelle ironie.

Pourquoi cette forêt ? Pourquoi ici, devant cet arbre ? Pourquoi cette mort ?

Des questions, en boucle, et pas de réponses.

La peur, profonde, au fond des entrailles. La résignation devant l’arbre mort, l’attente de la douleur et de la mort dès les premiers craquements de branches dans mon dos.

Mais, surtout, le désir d’une autre issue, d’une autre chance, de n’importe quoi d’autre.

L’éternité, très peu pour moi. Pas comme ça, en tout cas.

L’arbre mort aux branches implorantes, encore, toujours. Aussi mort que moi quelques instants plus tard.

Le cœur affolé, puis le silence à l’intérieur de mon crâne, de mon corps moribond.

La terreur non plus de ma mort imminente, la terreur de l’attente, l’attente trop longue de ces craquements de branches avant la douleur et la libération éphémère.

Le blanc et l’arbre mort au milieu de la forêt. Le cœur et le souffle courts, la pluie dans les feuilles, sur mon corps épuisé. L’attente des craquements.

Mais, cette fois, pas de craquements. Juste un bruit mat, à mes pieds. Le bruit d’un corps contre le sol meuble et humide. Pourtant, pas de corps, pas de sang. Que ce bruit. En boucle, lui aussi. De plus en plus vite. Puis le silence de la pluie.

L’arbre mort, en face. La forêt, autour. Et moi, au milieu, trempé, confus, fatigué.

Une hallucination ? Une punition divine ? La fin du cauchemar ?

Haussement d’épaule, rire nerveux dans la gorge. Puis plein de souvenirs, d’un coup. Souvenirs d’une vie, souvenir d’une mort, ici même, et souvenirs d’après cette mort, en tant que fantôme. Des années de recherche assidue, en quête de mon meurtrier. Mon harcèlement quotidien, les objets cassés, les courants d'air inexpliqués, les ombres dans les miroirs, les murmures contre son oreille. Jusqu'à son retour sur le lieu même de son crime. Ses malédictions contre moi, ses sanglots délicieux et ses lamentations pitoyables. Ah, quel régal que ces souvenirs ! Puis un autre souvenir, le dernier. Mon meurtrier prisonnier de mes boucles, de son crime, de sa lame dans la silhouette d’un fantôme comédien de son propre trépas. Et, enfin, ma revanche. Son esprit, brisé. Moi, vivant, dans son corps sans âme. Une autre issue, une autre chance.

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