La Fête de l'Hiver IV

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3 CORS

1. INT. SALLE DE BAIN — JOUR

ARTHUR prend son bain seul et somnole. Entre BOHORT.

BOHORT — Sire ! Heu, Sire… Je vous prie de m’excuser. C’est assez gênant.

ARTHUR (surpris) — Qu’est-ce que vous foutez-là ? Sortez je suis pas intéressé.

BOHORT — Majesté, la situation est pour le moins troublante pour moi également. J'en suis tout chamboulé. J'ai couru, et il fait si chaud ici que j'aurai bien besoin d'un bain également.

ARTHUR — Sortez où je vous défonce à coup de brosse. Allez voir ailleurs !

BOHORT — Sire, ne vous méprenez pas. On m’envoie vous quérir pour une affaire urgente en salle du trône.

ARTHUR — J’ai des serviteurs pour ça. Pourquoi c’est vous qu’on envoie ?

BOHORT — Votre mère a jugé que je serais mieux accueilli qu’elle-même. Elle s’est fourvoyée, j’en ai bien peur.

ARTHUR — Ma mère ? Mais qu’est-ce que vous me chantez Bohort ?

BOHORT — Elle est venue vous annoncer que l’hiver approche et que…

ARTHUR lance sa brosse sur BOHORT.

ARTHUR (hurle) — M’en fous. J’irais pas !

OUVERTURE

2. INT. SALLE DU TRÔNE — JOUR

ARTHUR est sur le trône. BOHORT et LÉODAGAN sont assis près de lui.

ARTHUR — C'est quoi la prochaine doléance ?

BOHORT (lit un parchemin) — Roparzh et Guethenoc souhaiteraient vous entretenir, je cite, "d'un sujet itinérant à la clause agricole en lien avec les festivités".

ARTHUR — De quelles festivités en particulier. Je pige pas un broc à ce que vous dites. Qui a rédigé l’ordre du jour ? Perceval ?

LÉODAGAN — Ça risque pas. Il sait pas écrire celui-là, si ?

BOHORT — J’ai rencontré moi-même ces deux valeureux fermiers. Je n’ai fait que retranscrire leur question.

ARTHUR — On verra bien. Gardes ! Faites-les entrer.

Entre YGERNE.

ARTHUR — Mère ? Qu’est-ce que vous foutez ici ? Laissez-nous travailler, on a du monde à recevoir.

YGERNE — J’ai pris l’habitude de n’être reçue par mon fils qu’en séance de doléances. Je venais donc prendre de vos nouvelles.

ARTHUR (soupire) — Mais on est pas là pour ça. Maintenant rentrez chez vous à Tintagel.

YGERNE — Puisque vous abordez le sujet, vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes en automne, et...

ARTHUR (l’interrompt) — M’en fous. J’irai pas. Pas plus que l’an dernier. Tous les ans vous venez me râper les noix avec votre fête pourrie. Je vous vois venir.

YGERNE — Vous ne faites pas honneur aux valeurs qui vous ont été inculquées sur vos terres natales.

ARTHUR — Mes terres natales ? Pour mes six ans, vous m’avez bazardé à Rome pour y faire mon éducation. Si elle ne vous plaît pas, vous savez où aller vous plaindre. Je vous fais préparer un cheval.

BOHORT — Enfin Sire, je ne vois pas quel mal il peut y avoir à participer à une petite fête.

ARTHUR (enfantin mais ferme) — Merde, là.

LÉODAGAN — Mais sérieusement ! Vous allez vous entendre à la fin ? Avec vos conneries, Tintagel paye plus d’impôts depuis l’an dernier. Faites un effort. (Plus bas) Au moins pour le pognon.

ARTHUR — (À Léodagan) Non. (À sa mère) Maintenant sortez ou je vous mets au cachot.

YGERNE — Le peuple de Tintagel est courroucé de votre refus, encore une fois.

ARTHUR — Qu’il aille se faire cuire le...

YGERNE — Il suffit. Puisque le Roi ne daigne pas se déplacer pour les coutumes de son peuple, c’est son peuple qui viendra à lui. J’ai déjà pris mes dispositions en ce sens.

YGERNE sort. ARTHUR est sonné.

ARTHUR — Qu’est-ce qu’elle nous chante ?

BOHORT cache le parchemin dans son pourpoint.

BOHORT — Peut-être pourrions-nous recevoir la prochaine doléance.

3. INT. SALLE DU TRÔNE — JOUR

GUETHENOC et ROPARZH exposent leur demande.

ARTHUR — Mais j’y comprends rien. Qui vous a demandé de préparer un banquet pour 200 personnes ? On a pas les moyens d’organiser un truc pareil et vous avez bien autre chose à faire avec vos fermes que je sache.

ROPARZH — Ben c’est vot’maman qui v’nu nous dire que fallait fêter l’hiver ou je sais plus trop bien.

GUETHENOC — Seigneur Bo...

BOHORT (l’interrompt) — En voilà des manières de parler de la mère du Roi. C’est une dame, vous devriez l’appeler Dame Ygerne.

ARTHUR — Vous défendez ma mère maintenant, Bohort ?

BOHORT — Je...

GUETHENOC — Ben justement, l’seigneur Bohort est chargé de réunir des artistes pour l’occasion. Nous on s’occupe que de ce qui aura sur la table. Rapport au fait que la musique et les arts...

ROPARZH — C’est pas bien notre rayonnement comme on dit.

Arthur jette un regard noir sur BOHORT.

FERMETURE

4. INT. AUTOUR DE LA TABLE RONDE — JOUR

ARTHUR, BOHORT, LÉODAGAN, sont autour de la table.

CALOGRENANT entre et s’excuse.

CALOGRENANT — Désolé pour mon retard, j’étais pas au courant qu’on avait réunion aujourd’hui.

Arthur l’ignore et secoue BOHORT.

BOHORT — Franchement sire, je ne comprends pas pourquoi vous avez convoqué une réunion de la table ronde pour si peu.

CALOGRENANT — En plus, moi j’ai pas reçu de convocation. J’étais dans les couloirs du château et je vous ai vus entrer. C’est une chance, sans ça je serais même pas là.

LÉODAGAN — Chut…

ARTHUR — Bohort, je vous aime bien, mais aujourd’hui j’ai autant envie de vous tuer que j’ai besoin de respirer, vous voyez ?

CALOGRENANT — Le Père Blaise est pas là pour écrire la légende ?

LÉODAGAN — Chut.

ARTHUR (à Bohort) — Depuis quand êtes-vous de mèche avec ma mère ?

BOHORT — Sire, vous présentez la chose comme si j’étais un conspirateur. Mes intentions étaient nobles, je vous en assure.

ARTHUR — Bohort, je ne fous plus les pieds à Tintagel depuis des années parce que ma famille me gonfle et que leur fête à la noix me donne des envies de génocide. Vous comprenez ? Il est hors de question qu’elle se déroule dans les murs du château.

BOHORT — Mais ce n’est qu’une petite fête en l’honneur du solstice d’hiver.

CALOGRENANT — Chez nous, on a un dicton : l’hiver arrive.

LÉODAGAN — Mais chut !

ARTHUR (dévisage Calogrenant) — C’est pas un dicton ça. C’est un truisme.

CALOGRENANT — Je vois pas le rapport avec les porcins, mais comme on le dit en gaélique, ça fait office de dicton… (prend l’accent gaélique) Winter is coming.

ARTHUR (soupirant) — Non, c’est pas un dicton. À la rigueur « quand les feuilles quittent le saule et épousent la terre, l’hiver approche », ça peut faire office de dicton. Et en plus c’est poétique.

CALOGRENANT — Sauf que le saule c’est pas vraiment un arbre emblématique de Calédonie.

ARTHUR (sèchement) — C’est une évidence. Et j’en ai une autre pour vous : fermez-là où je vous colle au cachot.

LÉODAGAN — Moi je suis d’avis qu’on attende pas et qu’on se fasse un lot avec les deux.

ARTHUR — Dites, beau-père... Vous êtes sûr que vous ne me cachez rien non plus ?

LÉODAGAN — Ah non ! C’est juste que j’ai jamais pu me les encadrer ces deux-là. Je saisis l’occasion. Vous êtes trop mou, à toujours leur laisser une deuxième chance. Pis moi, les fêtes...

ARTHUR — Oui, je sais… Si on crame pas des mecs, c’est pas festif.

LÉODAGAN — Y’a un peu de ça.

CALOGRENANT — À ce propos, on a bientôt fini la réunion ou on a encore de la légende à écrire ? Parce que j’étais dans les couloirs pour orienter les invités vers leurs chambres, mais là j’y suis plus. J’espère que ça va pas être le foutoir.

ARTHUR — Comment ? Vous aussi ?

CALOGRENANT — Dame Ygerne, votre mère, m’a transmis vos ordres. Je me sens pas dans mes fonctions de chevalier, remarquez. Mais je m’applique à la mission que vous m’avez confié.

ARTHUR — Beau-père ?

LÉODAGAN — Je reconnais et j’approuve les manipulations de votre mère, c’est une vraie stratège. Mais encore une fois, j’y suis pour rien.

ARTHUR — Je vous confie ces deux abrutis. Je vais prendre l’air. Faites-en ce que vous voulez.

LÉODAGAN adresse aux deux chevaliers un regard froid et un sourire malsain.

BOHORT respire bruyamment.

BOHORT — Je me sens mal...

ARTHUR sort.

FERMETURE

5. INT. CACHOT — NUIT

BOHORT est menotté au mur, assis dans la paille.

ARTHUR est assis à ses côtés.

Au loin, on entend CALOGRENANT qui hurle.

BOHORT— Vraiment Sire, je vous assure que je ne pensais pas à mal.

ARTHUR — Je sais bien Bohort. Mais comprenez-moi. Je ne peux pas laisser passer n'importe quoi. J’aime bien les surprises, mais vous pouviez pas faire pire. Je vous en veux, mais je vais quand même rester et vous tenir compagnie. C'est ça ou ma connasse de tante.

BOHORT — Comment est la musique ? J’avais choisi des troubadours d’avant-garde pour vous faire plaisir. Je vous sais mélomane.

ARTHUR reste silencieux un instant.

Entre deux hurlements de CALOGRENANT, on entend la musique de la fête.

Le ménestrel entonne le refrain en hurlant « Gwénola Gaie » d’une voix rocailleuse.

ARTHUR — Je sais pas quoi vous répondre. Les deux ménestrels qui jouent du oud à quatre cordes depuis les douves... On dirait de la musique de chez moi. Il y a un cousinage indéniable avec Tintagel.

BOHORT — Oh ! Je suis ravi que vous aimiez l’Orchestre Manœuvré depuis les Douves, cet ensemble est tellement innovant.

NOIR

ARTHUR (over) — Comme à Tintagel, je vous dis. C’est de la merde.

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