Chapitre 4

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15 h 45. Marc Le Guyader était de nouveau appelé pour un suicide, à Quimper cette fois. Il était le seul officier disponible pour se rendre sur les lieux.

“Ils se sont donné le mot, aujourd’hui ? ”, pensa-t-il.

 

Il grimpa dans son véhicule, prit la route du mont Frugy, chercha l’adresse indiquée sur son carnet, puis s’arrêta enfin devant une très jolie villa qui dominait toute la ville de Quimper. Au loin, la magnifique cathédrale Saint-Corentin trônait, veillant sur le centre-ville désert de la capitale du pays Glazik.

 

Devant la maison, une femme attendait, en larmes.

 

  • Commissaire Le Guyader. C’est vous qui avez fait le signalement à la police ?
  • Oui. J’ai découvert mon mari en rentrant pour déjeuner. C’est horrible… Je sais qu’il avait des soucis professionnels, mais je ne pensais pas que...
  • Je peux entrer ?

 

Sans attendre la réponse, Le Guyader contourna la dame et pénétra dans le salon. Il imagina facilement le choc qu’elle avait pu ressentir en voyant cette forme qui pendait au milieu de la pièce.

 

Deux hommes de la police scientifique étaient affairés, prenaient des clichés et effectuaient des prélèvements. Un air de déjà-vu.

 

Un médecin légiste était là également. Le Guyader le connaissait, c’était un petit homme qui aimait s’écouter parler, sortir des termes scientifiques pour étaler son savoir. Il ne l’aimait pas.

 

  • Bonjour, Commissaire. Comme vous le savez, la pendaison est un mode de suicide très fréquent chez les hommes. J’ai déjà analysé les lividités, elles sont bien déclives : le sang stagne bien au niveau des pieds et des mains. Les signes d’asphyxie sont nets, cyanose, pétéchies conjonctivales. Le sillon, au niveau de la corde, est très net. La pendaison est la cause de la mort. Il ne s’est pas loupé !

 

Le Guyader le regarda sévèrement, et désigna madame Prima d’un bref signe du menton  pour signifier au légiste qu’il devait mesurer ses propos.

 

  • Bon, merci pour ces conclusions. Veillez bien à déplacer le corps avec précaution, sans couper le lien, il faudra procéder à toutes les analyses nécessaires.
  • Attendez, attendez, je n’ai pas fini, monsieur le Commissaire, vous êtes bien impatient ! J’ai noté au niveau du dos une plaie très nette réalisée à l’aide d’un objet tranchant, un couteau, probablement. Ce coup a été réalisé ante mortem. Il n’est pas la cause du décès, mais cela prouve qu’il y avait une autre personne sur les lieux. Ce que je ne parviens pas à comprendre, c’est pourquoi il y a pendaison et coup de couteau, c’est très curieux, je n’ai jamais vu ça. Pourquoi avoir cumulé deux modes opératoires?

 

Le Guyader pensa à la femme qui avait sauté du pont à Concarneau, et à cette plaie dans le dos évoquée par l’autre légiste. Y avait-il une connexion entre ces deux décès ? Se pouvait-il qu’on ait affaire ici à deux meurtres maladroitement maquillés en suicide ? Mais dans ce cas, pourquoi ces coups de couteaux ? Le rituel d’un détraqué ?

 

Il s’adressa à un collègue.

 

  • La victime a-t-elle laissé un mot ?
  • Non, nous n’avons rien trouvé.
  • Faites une enquête de voisinage, essayez de savoir si on a vu quelqu’un sortir de la maison ce matin, si un véhicule suspect a été aperçu.  Prenez des empreintes digitales sur les poignées, faites des recherches sur le passé de la victime, les personnes qui pourraient lui en vouloir. Avec le passif du gars, on doit facilement lui trouver des ennemis. Tâchez aussi de voir s’il y a un lien avec la fille de Concarneau. Prenez la déposition de madame Prima, son témoignage sera crucial. Nous n’enquêtons pas sur un suicide, mais sur un meurtre, je veux que vous soyez tous sur le coup. Je veux un rapport complet sur mon bureau demain matin au plus tard. Je compte sur vous. Vous m’appelez si vous avez du nouveau.

 

 

Le Guyader quitta la pièce sans un au revoir. Cette nouvelle mort brutale ne lui disait rien qui vaille. Il détestait quand les choses clochaient… En tout cas, il avait dit ce qu’il y avait à dire, rien de plus, rien de moins, les instructions étaient claires.

Marc était debout depuis 6 heures du matin, il était fatigué. Il décida de rentrer chez lui prendre un peu de repos en attendant que les investigations apportent de nouveaux éléments. Il n’y a que dans les films où les flics retrouvent et neutralisent le criminel après une recherche menée tambour battant, sans temps mort, sans repos. Ici, on était dans la vraie vie. Les enquêtes étaient des marathons, et non des sprints. Et Les policiers n'étaient pas des surhommes...

Sa fille planchait sur ses devoirs. Il lui rendit une brève visite, puis s’enferma dans son bureau pour s'adonner à sa passion : les bateaux en bouteille. Ce passe-temps manuel le calmait de ses angoisses. Quand il confectionnait la coque et le gréement, puis assemblait les haubans, il se sentait hors du temps. Quand il ajustait les mâts à l'intérieur grâce à un système ingénieux de ficelles, il ressentait une satisfaction personnelle intense. Et quand finalement il refermait la bouteille avec un solide bouchon, il avait l'impression d'emprisonner ses démons intérieurs en compagnie du navire. Ce passe-temps constituait un palliatif bien plus efficace que les médicaments prescrits par son médecin pour calmer ses tourments.

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