Vengeance

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Le lendemain matin je me lève de bonne heure pour dessiner mes affiches de propagande anti allemands. Les traits de crayons s'enchaînent avec une folle rapidité. En deux heures j'ai déjà fait quatre véritables oeuvres d'arts. J'en glisse une dans ma boîte à secret sous mon lit. Quant aux trois autres je les mets dans mon sac.
Je regarde le soleil se lever puis je descends à la cuisine prendre un petit déjeuné rapide. Le Colonel sort de la pièce au moment où j'y pénètre et je ne lui accorde aucun regard.
J'enfourche mon vélo et pédale avec ardeur jusqu'au village. Je suis essoufflée mais je suis surtout tendue. Ce que je fais est strictement interdit et je ne sais que trop bien ce qui m'attend si je suis prise en flagrant délit. Comme il me l'avait dit, le jeune garçon à la casquette m'attend au bord de la fontaine. Dans un premier temps il fait mine de ne pas me voir. Je viens m'asseoir à côté de lui. Nous restons ainsi sans parler pendant quelques minutes avant qu'il rompe le silence.
- Le boss à dit oui. Il faudra que tu en fasses régulièrement, on n'a pas de quoi les imprimer. Tu ne seras pas payée évidemment. On est tous là en tant que volontaire. Tu as des questions?
Je secoue la tête. Il a beau être plus jeune que moi je suis quelque peu intimidée par son assurance.

- Bien! Tu en as apporté ?
Je lui tends les trois dessins qu'il s'empresse de faire disparaître sous sa veste. Je suis un peu déçue qu'il ne les regarde pas tout de suite mais tant pis.
J'attends qu'il soit parti avant de m'en aller à mon tour. Je passe devant la boutique de photographie. Des sentiments se disputent en moi. J'en ai un souvenir chargé de malaise et en même temps je ne peux oublier le geste du Commandant replaçant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. A ce souvenir je ne peux réprimer un frisson.
Je rentre rapidement sans traîner. Je ne tiens pas à être de nouveau questionnée par ma mère au sujet de mes déplacements.

J'attends que la nuit soit tombée, que l'obscurité épaisse nous enveloppe. Le ciel est dégagé ce soir, laissant apparaître un ciel magnifique, piqué de milliards d'étoiles. Je ne me laisse émouvoir par cette beauté qu'un bref instant, j'ai une vengeance personnelle à mettre à bien.
Le pot de chambre à la main, je descends les marches jusqu'au perron. Je sais exactement où je vais le vider. Je me dirige droit vers la tente du coupable de la nuit dernière. Je sais que ça ne sera pas revivre mes plants de légumes, mais au moins je serai en paix de savoir que le responsable à été puni comme il le devait.
Les soldats laissent leurs bottes en dehors de la tente, c'est une très mauvaise idée mais une aubaine pour moi. J'ôte le couvercle du pot de chambre et vide son contenu dans chacune des bottes, puis je disparaîs dans la nuit.
Le lendemain matin, la première chose que je fais c'est me ruer à la fenêtre pour voir si les soldats sont levés. Tout semble calme et normal. Je suis un peu déçue, mais je sais que le propriétaire des bottes à dû avoir une surprise des plus désagréable en enfilant ses bottes ce matin. Je descends toute guillerette, jusque dans la cuisine. Au moment de sortir une voix m'appelle depuis la bibliothèque. Je sais qui c'est, et même si je fais tout contre ça, mon coeur bat à la chamade. J'aimerais qu'il ne soit pas si heureux à l'idée de voir le Commandant Ludwig, mais il n'en fait qu'à sa tête.
- Vous m'avez appelé Commandant.
- En effet, asseyez-vous Madeleine.
Je m'exécute et prends place face à lui.
- J'ai un problème Madeleine. Un de nos hommes est venu se plaindre ce matin que l'un de ses camarade avait uriné dans ses bottes.
Il me regarde droit dans les yeux sans rien ajouter de plus.
- Je trouve ça fort regrettable que vos hommes...
- Madeleine!
Il a un ton de mise en garde qui me fait me sentir toute petite.
- Oui?
- Vous pourriez être punie pour insubordination!
- Je suis venue vous voir, j'ai essayé de régler les choses par le meilleur des moyens et vous m'avez refusé votre aide! Qu'est-ce que j'etais sensé faire?
Il lève les yeux au ciel.
- Justement, rien du tout! Vous avez de la chance que ce soldat sache à peine distinguer sa droite de sa gauche et qu'il n'ait de ce fait, pas compris que cette bassesse venait de vous.
Je suis blessée. Il trouve que je me suis abaissée de m'être vengée.
- Peut être n'avez-vous seulement pas compris, Commandant, l'importance que j'accordais à mon travail. Et de le voir saccagé de cette façon m'est intolérable. Si cela était à refaire je le referais sans hésitation.
Je tourne le dos sans rien ajouter de plus et quitte la maison. Je me dirige vers le bois qui jouxte les champs appartenant à mon père.
Cela fait déjà un moment que je n'ai aucune nouvelle de Georges et cela m'inquiète. Si il devait lui arriver malheur je ne sais pas si je pourrais le supporter.
Le bois est frais, l'épais feuillage cache en partie les doux rayons du soleil. Je me glisse entre les troncs d'arbre, enjambe les fougères et avance silencieusement. Il y a bien trop longtemps que je ne suis pas venue ici. La dernière fois c'était avec Georges, c'était notre repère à tout les deux lorsque nous voulions être en paix et échapper à nos corvées.
Je débouche sur la clairière. L'herbe m'arrive à mis-mollet tant elle est haute, et les fleurs effleurent la naissance de mes hanches. J'en cueille quelques unes machinalement avant d'en éffeuiller les pétales, les laissant s'envoler dans le vent. Le soleil réchauffe ma peau et illumine la prairie. Puis je le vois enfin, formant une cuvette, bordé de grosses pierres plates et grises: le lac. En réalité il a davantage la taille d'un étang, mais la clarté de l'eau se rapproche de celle que pourrait avoir un lac en haute montagne.
Je retire chaussures et chausettes avant de plonger mes pieds dans l'eau glacée. Un délicieux frisson remonte le long de ma colonne vertébrale.
Je reste ainsi un long moment, allongée sur le dos, regardant le ciel azuré, mes petons se détectant de l'eau fraîche. Mais le jour commence à décliner et il est déjà l'heure de rentrer.

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