Chapitre Quinze

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Il n'y eut plus aucune allusion à Warren Hall pendant les deux semaines qui suivirent. Melody n'avait plus rencontré le moindre problème, les filles de sa classe redoublant d'attention à son égard, peut-être pour lui faire oublier le petit incident du casier vandalisé.

Isolé par ses camarades, Matt vivait cette situation avec philosophie. Si les élèves partageaient l'opinion de William et de sa bande, il estimait ne pas leur devoir quoi que ce soit et ne surtout pas avoir à les regretter. Il constatait néanmoins que, à l'abri des regards, certains élèves se montraient plus amicaux qu'en public. Un discret sourire accompagné d'un hochement de tête en le croisant, quelques mots échangés dans un vestiaire vide, et même des rires lorsque Matt tentait une plaisanterie. Il l'avait bien remarqué, quelques personnes désapprouvaient le règne que William faisait subir à St John. Mais, trop peu nombreux et par manque de courage, ils se laissaient porter par le courant, gardant le silence et choisissant de détourner le regard. Matt les plaignait.


Jules ne lui adressait plus la parole. Pour le pousser à bout, Matt prenait un malin plaisir à agir comme si de rien n'était. Il le saluait tous les matins, lui posait des questions dont il n'attendait pas la réponse et faisait la conversation comme si tout allait bien. Jules fulminait, en silence, refusant par fierté de briser une promesse qu'il s'était apparemment faite.

Jusqu'au jour où il n'y tint plus.


« Mais tu veux quoi ? Tu veux quoi à la fin ? » hurla-t-il, le visage rougie par la colère et les poings serrés.


Matt leva les sourcils, innocemment.


« Je te demandais si tu allais faire le tour des maisons cette année, pour Halloween. Ou si tu préfèrerais rester ici pour accueillir les enfants. »


Assise à côté de lui, Melody pouffa, le nez dans ses céréales.


Jules bredouilla, s'étranglant de colère, avant de retomber sur sa chaise.


« Je reste ici. » bougonna-t-il avec mauvaise humeur.


Matt retint un sourire victorieux.


« Très bien. Nous n'aurons qu'à aller acheter des décorations cet après-midi. » proposa-t-il, arrachant un grognement à son cadet.


Jules remua sur sa chaise un moment.


« D'accord, mais j'veux un squelette dans un cercueil. » marmonna-t-il.


Et après que Matt lui eut promis qu'ils installeraient un cercueil dans le jardin, habité par le squelette le plus effrayant qu'ils puissent trouver, Jules quitta son air grognon et redevint l'adolescent qu'il était.


****


« Des squelettes ? Non mais vous êtes pas bien ? Et pourquoi pas des monstres pendant que vous y êtes ? »


Le gérant de la boutique de décorations de fêtes leur indiqua la sortie avec un geste autoritaire, les fusillant du regard par la même occasion. Mortifiés par les coups d'œil que la clientèle leur jetait, Matt, Melody et Jules quittèrent le magasin sans demander leur reste.


C'était la cinquième boutique qu'ils visitaient et aucune ne vendait de décorations pour Halloween. En vérité, il n'y avait pas la moindre trace qu'Halloween approchait. Pas de citrouilles, pas de fausses toiles d'araignées suspendues aux lampadaires, pas de masques affichés en vitrine. Perplexes, les trois adolescents remontèrent la rue principale, dans l'incompréhension la plus totale.


« C'est peut-être trop tôt pour vendre des décorations. » suggéra Melody sans trop y croire.


Matt en doutait. Halloween avait lieu dans un peu moins de deux semaines, et il savait qu'ailleurs dans le pays, les rues commençaient à se parer des couleurs orange et noir, typiques de cette fête. Mais pour ne pas déprimer un peu plus son frère et sa sœur, il hocha la tête.


« Des citrouilles ! » s'écria soudainement Jules en pointant une vitrine du doigt.


Une guirlande de chauve-souris surplombait la vitre, sur laquelle avaient été peintes des citrouilles et des fantômes. Un haut-parleur, accroché au-dessus de la porte, crachotait un ricanement lugubre par intermittence. Et en devanture, un étalage de pâtisseries en forme de citrouilles, avec un beau glaçage orange vif.

Matt reconnut la pâtisserie dans laquelle il s'était arrêté, quelques semaines plus tôt. Sans hésiter, il poussa la porte, accompagné par Jules, Melody, et un rire effrayant.


Toute la boutique avait été décorée pour l'occasion. Des citrouilles trônaient sur les comptoirs, des araignées en plastiques étaient suspendues au plafond et une partie des entremets étaient un hommage criant à Halloween. Encore une fois, une odeur de sucre cuit et de chocolat flottait dans l'air.


La vendeuse les accueillit avec un sourire. Il n'y avait qu'un couple, assis à une table, en train de déguster des gâteaux, et en reconnaissant la tête blonde, Matt fit un pas en arrière.


« Oh oh oh, mais qui voilà ! s'exclama Laer en faisant de grands gestes dans leur direction. Il se leva en se léchant le pouce et s'approcha. Quel hasard, de se recroiser ici. Et en civils, cette fois. »


Il se pencha vers Matt et Melody.


« Nous sommes ici incognitos. » pouffa-t-il.


Il s'intéressa alors à Jules. Les yeux plissés, il le dévisagea, émit un curieux son, mélange de moquerie et de triste constatation, et revint vers Matt.


« Joignez-vous à nous ! » proposa-t-il en s'écartant pour les inviter à la table qu'il occupait.


Matt baissa alors le regard vers la fille qui accompagnait Laer. De grands yeux noisettes, des cheveux roux.


« Encore toi ! »

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