Chapitre 44 : Panique à bord

9 minutes de lecture

Navarre se tenait stupéfaite devant les révélations d’Aniah.

— Il me reste encore autre chose à te divulguer, déclara Aniah.

— Je ne pense pas que mon état émotionnel me permette de faire face à quoi que ce soit de plus, partagea Navarre.

— C’est une bonne nouvelle, confia-t-elle. Prends une profonde inspiration et maintiens ton souffle pendant quelques secondes. Maintenant, expire le plus délicatement possible. Excellent, continue comme ça. Bien, je t’ai dit plus tôt que les renforts se trouvaient déjà en route. Je voulais que tu saches que ton véritable mari en fait partie.

— Mon… vrai… ma… – ri… Ah ! Eclata Navarre en sanglots.

Malgré toute sa volonté, Navarre ne parvenait pas à outrepasser son amnésie. Dans son esprit, le mot mari s’avérait relié à Gejda. Cela la rendait folle de rage.

— Et ce n’est pas fini, Navarre, au moment où je te parle, tes enfants vivent avec ma famille, ajouta Aniah.

— Mes enfants…

— Oui, tu demeures la mère d’une fille et d’un garçon. Enfin enfants… ce sont de grands adultes, ils ont facilement une douzaine d’années de plus que moi, commenta-t-elle. Je te promets que tu vas les retrouver, je fais pleinement confiance en leur père.

— Merci ! Merci pour tout, Aniah, laissa échapper Navarre entre deux larmoiements.

Le chagrin terminé, les deux amies s’en allèrent vers la surface.

De son côté, Seneth avait fait ses preuves face au directeur logistique des forces extérieures. Celui-ci décida d’ignorer la faveur de Wain en préparant son protégé à effectuer sa première sortie. De manière générale, les débutants opéraient sur des missions de patrouille. Elles demeuraient sans réel objectif, de la simple reconnaissance.

— Dis-moi Seneth, quelle région d’Arnès as-tu envie d’explorer ? s’enquit Gejda.

Seneth ne répondit pas immédiatement. Il se mit à cogiter afin de repérer une destination pertinente. Il voulait faire en sorte qu’Aniah puisse venir avec lui et quitter la Cité Céleste. De plus, s’il pouvait choisir un lieu où il pourrait joindre la rescousse, cela serait la meilleure occasion à saisir. Il hésitait entre le continent de Woccid, où se trouvaient les forces de la Liste Noire, et Zenfei, l’endroit où vivaient le reste du groupe et sa famille. Il semblait avoir pris sa décision.

— Je me souviens d’une histoire que m’avait racontée Bain. Elle portait sur une opération d’excavation qui avait mal tourné, décrivit Seneth.

— Ah ! je vois, tu te réfères à l’excursion du cinquième sarcophage. Maintenant que tu en parles, nous n’avons pas encore effectué son balayage.

— Son balayage ?

— Oui, c’est une mission de patrouille qui vise à effacer toutes traces de la présence de la guilde, identifier des individus un peu trop curieux et faire en sorte que personne ne détienne aucune donnée sur nous.

— Ah ! ça n’a pas l’air d’une opération simple.

— Elles sont souvent assignées à nos meilleurs agents. Mais j’ai le sentiment que tu peux y arriver, confia Gejda.

— Dois-je l’accomplir seul ? demanda Seneth.

— Penses-tu avoir besoin d’aide ? rétorqua Gejda.

— Si nous voulons paraître efficaces, nous devons disposer d’un maximum de moyen. Bain m’a expliqué que l’unique témoin se trouve hospitalisé à la Polyclinique de Zenfei. Je sais que le père d’Aniah y travaille.

— Intéressant, j’aime ton approche ! s’exclama Gejda. Je vais demander à Wain de vous renvoyer dans les laboratoires de l’Y. Cela vous procurera une couverture. Tu peux retourner au centre de formation, je vais préparer ta mission avec Bain.

Seneth ne parvenait pas à y croire, son idée avait fonctionné à la perfection. Il s’exécuta et se mit en route vers le campus pour y retrouver Aniah. Sur le chemin, il remarqua comme un phénomène étrange. Il ressentait des vibrations provenant du sol, très légères, mais suffisamment intenses pour apparaître perceptible. Il semblerait que cela soit la première fois qu’il le constatait. Qu’elle en était la source ? Il n’y avait pas trente-six réponses possibles, seuls les laboratoires se trouvaient en dessous.

— C’est quoi ces tremblements ? s’enquit Aniah.

— Je l’ignore, répliqua Navarre, mais si l’alarme ne retentit pas, cela ne doit pas s’avérer grave.

Au même instant, le tocsin résonnait dans tout l’étage.

— J’ai parlé trop vite, soupira Navarre. Retourne à l’extérieur, je vais me renseigner sur la situation.

Alors qu’elle remontait, Aniah tomba sur Seneth.

— Que fabriques-tu ici ? demanda-t-elle surprise.

— Je me trouvais à la surface quand des secousses provenant du terrain ont retenu mon attention. Je suis descendu pour découvrir ce qu’il se passe, présenta Seneth.

— Nous ne pouvons pas rester là ! Navarre m’a ordonné de quitter les lieux, c’est beaucoup trop dangereux pour nous, expliqua Aniah.

Les deux jeunes sortirent du complexe. Ils furent rattrapés par Navarre et Wain qui arboraient un visage grave. La situation paraissait préoccupante, à un point tel que personne n’eut le temps d’échanger un mot. Navarre partit regagner ses quartiers tandis que Wain se mut vers la Citadelle.

— Cela à l’air vraiment sérieux, constata Seneth.

— Oui, cela commence à m’inquiéter, partagea Aniah. Et surtout, nous ne possédons aucun détail.

— Viens, rentrons à la maison. Si l’un d’eux a besoin de nous, ils sauront où nous joindre.

Wain se trouvait en route afin de renseigner la direction de la criticité de la situation lorsque Gejda l’interpella.

— Ah ! Wain, tu tombes à pic. Je dois…

— Pas le temps !

Gejda resta interloqué.

Navarre regagna son bureau. La sécurité de la Cité Céleste semblait sur le point d’être compromise. Les unités qui travaillaient sur les sarcophages avaient progressé. D’après les multiples analyses, les dépouilles en leur sein s’inscrivaient dorénavant dans un stade transitoire entre la vie et la mort. Apex paraissait parvenu à franchir une étape dans la résurrection de ces entités du passé. Mais la situation devint anarchique. Au contraire de Mwrida ou du grand-père de Seysus à l’Y, ces cinq êtres consommaient de l’énergie, et de plus en plus rapidement. À présent, leurs besoins créaient des surcharges dans les immenses générateurs au cœur même du siège, causant ces violentes secousses.

— Majom au rapport ! annonça-t-elle en tendant une missive à sa supérieure.

— Merci, voyons ce qu’il en est, commenta Navarre.

D’après ce document, les générateurs pouvaient encaisser ce nouveau régime pendant encore une quinzaine de jours tout au plus avant saturation. Navarre, en tant que responsable de la sécurité de la guilde, se devait de trouver rapidement une solution. Il existait un recours en cas d’urgence extrême, le protocole autotomie. Cela consistait à détacher la partie inférieure du siège en sacrifiant les niveaux sous la surface, soit les laboratoires. Mais elle ne pouvait pas engager cette action aussi simplement. Elle devait tenir compte de la zone de largage. Le complexe scientifique contenait du matériel, mais surtout du savoir précieux. À l’heure actuelle, Apex survolait Kilizet, le plus grand continent d’Arnès, situé à l’est. Navarre ne voulait pas prendre le risque de l’abandonner au beau milieu de nulle part ; où des individus se trouveraient susceptibles de piller ces ressources inestimables.

— Navarre ! interpella Alendahl, Wain m’a prévenu des circonstances. J’ai demandé à Gejda de mettre la Cité Céleste en direction du Royaume des Morts. Dans douze jours, tu pourras déclencher le protocole d’autotomie, informa-t-il.

— Compris Alendahl ! répondit Navarre.

— Ne t’inquiète pas, Navarre. J’avais déjà tout prévu. Les laboratoires s’intégreront à notre avant-poste. Vois ça comme un simple déménagement. Si tu as des questions, des remarques ou des étonnements, Gejda pourra t’aider.

Alendahl repartit. Navarre se maintenait subjuguée par autant de prestance et de contrôle. Tout le monde avait l’air angoissé par la situation, mais cette dernière ne semblait provoquer aucun effet sur lui. Le fait que le protocole autotomie couvre ce genre de conjoncture inédite prouvait à quel point Alendahl justifiait sa position de meneur. Certains anciens de la guilde proclamaient qu’il demeurait le meilleur dirigeant qui soit. En toutes circonstances, rien ne pouvait l’ébranler. Apex n’avait jamais paru aussi forte depuis qu’elle se trouvait sous sa coupe.

Wain n’affichait pas le même niveau de sérénité que le grand chef. Il se situait à la frontière d’une nouvelle ère si lui et ses collègues parvenaient à ressusciter ces cinq êtres du passé. Il avait longuement travaillé avec le corps de Mwrida, mais cette fois-ci, il tirait profit de dépouilles en parfait état de conservation, du moins c’est ce qu’il supposait avec le peu d’informations dont il disposait. Néanmoins, le problème restait identique, malgré les surpuissants générateurs qui équipaient la Cité Céleste, la quantité d’énergie produite ne semblait pas suffisante pour rétablir le niveau nominal de leur flux vital.

— Mais à quel point ces entités demeuraient redoutables ? s’interrogea Wain. Les capteurs indiquent que chacun d’eux a reçu l’équivalent de ce que peut engendrer un éclair moyen.

— C’est monumental ! s’exclama un laborantin.

— Oui, comme tu le dis ! Mais je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ils ne se réveillent pas.

Wain s’en alla. Il avait besoin de se relaxer afin de s’éclaircir les idées. Il décida de se rendre auprès de ses petits protégés. Il croisa Navarre sur son chemin.

— Du nouveau de ton côté ? lança-t-il.

— Oui, nous volons en direction du Royaume des Morts, vers l’avant-poste de Ceragan. Alendahl souhaite y transférer l’intégralité de tes quartiers, renseigna Navarre.

— Ah non ! pas là-bas, cet endroit me donne des frissons ! expliqua Wain.

— Préfères-tu certainement mieux que je te largue au beau milieu de l’océan ? demanda-t-elle sarcastiquement.

— Tu sais, la Plaine Nécrotique possède un charme totalement unique, je sens que je vais m’y plaire, rétorqua-t-il embarrassé.

— Je dois aller préparer le nécessaire aux laboratoires pour le protocole d’autotomie. Je te retrouve ce soir au bar. Emmène tes disciples.

Comme sollicité, Wain se rendit à la place publique en compagnie d’Aniah et Seneth. Ils prirent une table à la terrasse de la taverne en attendant l’arrivée de Navarre.

— Les enfants, la situation ne semble pas au beau fixe, partagea Wain. La Cité Céleste se trouve en danger.

— Comment est-ce possible ? s’enquit Aniah.

— Les générateurs qui alimentent les laboratoires ne parviennent plus à suivre la demande en énergie et sont entrés en surcharge. Si nous n’agissons pas, ils vont exploser.

— C’est la raison pour laquelle, nous allons larguer l’ensemble des sous-sols à notre avant-poste au Royaume des Morts, ajouta Navarre en s’installant à table.

— Le Royaume des Morts ? questionna Aniah.

— Oui, c’est le surnom donné à zone du continent interdit qui englobe, entre autres, la Plaine Nécrotique, les mines de la Prospehk et les chaînes de montagnes de Sarcaltar, expliqua Wain.

— Ah ! s’exclama Seneth. Cela me revient, j’en ai entendu parler pour la première fois à la Liste Noire, déclara-t-il. Des membres devaient s’y rendre pour aller s’entraîner.

— Cela n’annonce rien de bon, commenta Wain. S’ils se trouvent déjà sur place, les sentinelles de Bain pourraient les repérer sans grande difficulté. Je dois absolument prévenir Zoobohz avant qu’il ne soit trop tard.

— Et sais-tu approximativement quand nous arriverons là-bas ? demanda Aniah.

— D’après Gejda, une douzaine de jours, répondit Navarre.

— Même si je parvenais à les mettre en garde, ils ne pourront jamais agir et se préparer avec aussi peu de temps, s’inquiéta Wain.

— Connais-tu un moyen de ralentir notre déplacement ? questionna Seneth.

— Hélas, non. C’est en grande partie grâce à la puissance de l’esprit protecteur de la Cité Céleste que celle-ci se meut dans l’espace. Seul Alendahl peut entrer en contact avec lui.

— Nous ne disposons pas vraiment de plan valide. Mais quoi qu’il en soit, préviens quand même ton acolyte, conseilla Navarre. Je vais voir si je peux aider en exploitant ma position.

Wain se rendit immédiatement dans son cabinet de travail au troisième sous-sol. C’était l’unique endroit dans toute la guilde où il pouvait utiliser la télépathie pour envoyer un message à Zoobohz. Il restait assis à son bureau à attendre un acquittement de son destinataire.

Aniah et Seneth avaient l’air troublés par les événements. Ils ne savaient plus où se mettre. Quel rôle pouvaient-ils jouer dans ces circonstances ? Navarre semblait s’en sortir très bien seule de son côté. Pour des raisons de sécurité, les accès aux différentes zones avaient été restreints davantage. Aniah ne pouvait plus se rendre aux laboratoires. Seneth avait le sentiment de paraître inutile et cela le rongeait. D’ici quelques jours, leur vie va basculer. La chance avait l’air d’avoir tourné.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Le Chon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0