Chapitre 43 : Deux couples, deux ambiances

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La soirée improvisée entre les deux ménages se termina sur une note gourmande au restaurant de la place publique. La vie à la Cité Céleste n’avait vraiment rien à envier aux continentaux, bien au contraire.

— Merci beaucoup pour ce moment de convivialité, signifia Seneth.

— Merci à vous d’avoir voulu de la compagnie d’un couple de vieux comme nous, plaisanta Gejda.

— Que diriez-vous de remettre ça ? proposa Aniah.

— Sans hésitation, je valide cette excellente idée, clama Navarre en levant son verre.

Aniah et Seneth rentrèrent dans leur petite habitation sur le campus de l’école, un niveau plus bas. Ils prolongèrent leur soirée sur le balcon, en tête à tête avec le ciel constellé.

L’atmosphère évolua de romantique à érotique quand une étoile filante traversa devant leurs yeux. La température semblait douce sans paraître trop froide. L’air demeurait peu humide. Il caressait la peau de nos amants en faisant parcourir un léger frisson à sa surface. Les rayons de la lune se reflétaient sur leur sueur, créant une aura brillante autour d’eux. La mélodie de leurs respirations devenait frénétique. Leurs corps donnaient l’illusion qu’ils entraient en résonance. Aniah paraissait en lévitation. Le temps semblait accélérer de plus en plus vite jusqu’à s’arrêter net. Nos deux partenaires se figèrent, comme s’ils venaient d’accéder à un autre monde. Le moment reprit peu à peu son rythme, tout comme leurs souffles. S’il existait une magie qui était relativement bien maîtrisée, c’était celle de l’amour.

— C’est de loin la plus belle de toutes les soirées, exprima Seneth en enlaçant Aniah de tout son être.

— Je ne me rappelle plus à quand remontait notre dernier instant d’intimité, juste toi et moi, confia-t-elle.

La spontanéité de la situation contrastait avec la routine de leur vie d’avant. Jamais ils ne semblaient avoir connu un tel degré de bonheur. Leur sentiment de retrouver le goût à la vie depuis leur arrivée à Apex paraissait amplement confirmé. La nuit demeura paisible et reposante. Le lendemain matin, le réveil se passa tout en douceur. Les rayons du soleil réchauffaient tendrement l’atmosphère et illuminaient gracieusement l’ambiance. Seneth sortit du lit et se dirigea vers la cuisine pour concocter le petit-déjeuner. Aniah prépara le bain en attendant. Lorsque la température paraissait suffisamment chaude, elle partit chercher Seneth pour continuer à savourer un instant à deux. Ils s’enfoncèrent dans la brume de la baignoire et disparurent dans l’eau.

Au moment du repas, Aniah et Seneth échangeaient à propos de leur rencontre avec le couple Navarre et Gejda.

— Ah, effectivement ! Cela me revient. Tu m’avais bien annoncé que Navarre souffrait d’amnésie ? demanda Seneth.

— Oui, c’est exact. Nous en avions abondamment parlé hier soir. Elle m’a raconté des choses troublantes, révéla Aniah.

— Et bien, tu as de la chance, car j’ai le sentiment de connaître qui est Navarre, partagea-t-il.

— Ah ! Vraiment ?

— C’est la raison pour laquelle je m’étais étouffé quand tu avais commencé les présentations. Lorsque je l’ai aperçue, elle m’a immédiatement fait penser à la mère de Glisa et de Baryton, et par conséquent, à la femme de Draggar.

— L’avais-tu déjà vu précédemment ? s’enquit-elle.

— Oui, Baryton possède une photo de famille sur laquelle elle apparaît très clairement, développa Seneth. Et figure-toi que Stanton Baum demeure le véritable nom de Draggar.

— Cela donne une explication à tous les éléments que Navarre détenait. Elle m’a déclaré que, d’après les médecins, elle aurait procréé auparavant. Avec ta révélation, cela tombe sous le sens. Et aussi la raison pour laquelle avec Gejda ils ne parviennent pas à avoir d’enfants, Navarre semble encore liée nuptialement à Draggar. Mais alors, d’où vient Gejda ? Comment se retrouve-t-il mêlé à tout ça ?

— Il m’a raconté l’avoir découverte sur une plage du continent de Saustra alors qu’il se trouvait en mission près de Chonex, la métropole des Chons. Il l’avait par la suite amené avec lui à la Cité Céleste pour qu’elle puisse recevoir des soins.

— Est-ce réellement ce qu’il t’a dit ? s’enquit Aniah

— Oui, j’en suis certain, confirma-t-il.

— Quel… Il lui a fait croire qu’ils étaient mariés ! s’offusqua-t-elle.

— Vraiment ? Le contraire me semble difficile à prouver, partagea Seneth.

— Navarre m’a raconté qu’ils s’étaient rencontrés durant leurs études dans la faculté où nous nous trouvons actuellement.

— D’après la rumeur, il demeure quelqu’un d’extrêmement infortuné. J’imagine qu’il a voulu créer sa propre chance, suggéra Seneth.

— Mais ! il lui a volé sa vie, c’est abject ! s’indigna Aniah.

— Parfois, le désespoir nous pousse à commettre des torts irréparables, concéda Seneth.

Aniah paraissait furieuse. Seneth ne l’avait jamais vue dans un tel état auparavant. Elle semblait en faire une affaire personnelle.

Malgré les récentes découvertes, Navarre restait la seule amie d’Aniah, et réciproquement. Celle-ci voulait l’aider à tout prix. Elle cultiva une haine sans pareille envers Gejda. Il avait beau lui avoir sauvé la vie, une bonne action ne pouvait pas annuler tout le mal qu’il continuait de commettre en maintenant cet immonde mensonge.

— Attends, Aniah ! Tu ne peux pas partir comme ça, lança Seneth. Calme-toi avant, et surtout, n’interviens pas si Gejda se trouve avec elle. Nous allons lui révéler tout, mais uniquement quand cela sera le meilleur moment, chaque chose en son temps.

Seneth parvint à apaiser Aniah.

Le destin semblait affectionner les affaires familiales. Après avoir reconstruit la cognation de Seneth, c’est au tour de la filiation de Draggar de voir la mère refaire surface après plusieurs décennies. Ces retrouvailles, elles sont issues du drame à l’origine de l’exode de Zoobohz.

En ralliant Navarre à leurs côtés, Aniah et Seneth voyaient leur tâche de reconnaissance grandement facilitée. Du fait de sa position, elle possédait un champ d’action encore plus vaste que Wain. Aniah lui proposa un rendez-vous au deuxième sous-sol des laboratoires, car cet endroit demeurait un authentique désert social. Il représentait le lieu idéal afin de lui dévoiler la vérité sur son passé. Cette révélation laissa Navarre pantoise. Elle apparaissait paisible de l’extérieur, mais à l’intérieur, une tempête de colère se déchaînait.

— Gej… Da… GEJDA ! hurla Navarre. Tu vas me le payer !

Aniah la saisit dans ses bras sans dire un mot. Ceci la calma légèrement. Elle ne demeurait pas en mesure d’imaginer la douleur que Navarre était en train de ressentir. Mais elle ne pouvait pas la laisser perdre son sang-froid. Le pire restait encore à venir. Navarre devrait continuer à vivre son quotidien, en tout état de cause, bien qu’il lui ait volé presque vingt années de sa vie, enlevée de sa famille, bafoué son libre arbitre, et pris avantage de sa personne. Rien que l’idée de revoir le visage de son imposteur de mari lui donnait des haut-le-cœur. Et pourtant, elle devrait prendre sur elle et passer outre ses sentiments.

— Je ne pourrais pas résister, je dois quitter cet endroit, laissa échapper Navarre entre deux sanglots.

— Si ça peut te rassurer, les renforts se préparent. Ils devraient nous rejoindre ici, à l’escale à venir qui se tiendra à Zenfei, confia Aniah.

— Mais ? nous avons déjà effectué une halte le mois dernier, à votre arrivée… La prochaine n’est pas prévue avant encore cinq mois, se plaignit-elle.

— Eh bien, à nous de concevoir un plan pour nous enfuir, suggéra Aniah.

Seneth allait passer l’après-midi avec Bain et Gejda. Comme promis, ce dernier organisa une rencontre. Chaque fois qu’il se trouvait invité, Bain demeurait en retard. En l’attendant, les deux autres bavardèrent.

— Ne t’inquiète pas, c’est toujours la même chose avec lui, déclara Gejda, il adore se faire prier.

— Et, hum… Sans indiscrétion, a-t-il quelqu’un dans sa vie ? demanda Seneth.

— Oui, son travail. Il n’a déjà pas le temps de sortir avec son meilleur ami pour prendre un simple verre, argua Gejda en buvant sa flasque. Alors, considérer qu’il peut consacrer le sien à quelqu’un d’autre me paraît fort peu probable, expliqua-t-il.

Les aiguilles de l’horloge du beffroi, situé au cœur du deuxième niveau, défilaient. Les coups de cloches s’enchaînaient et toujours aucune nouvelle de Bain.

— Penses-tu qu’il va finir par arriver ? questionna Seneth.

— Allez, viens, laissons-le faire ce qu’il a à faire, lança Gejda.

Seneth se sentait nerveux aux côtés de Gejda. Celui-ci avait privé Glisa et Baryton de leur mère dans l’unique but de satisfaire son ego. Mais il faisait preuve d’une grande maîtrise de ses émotions afin de paraître le plus naturel et serein possible. Il pouvait remercier la formation que les forces extérieures lui inculquaient.

— Tiens, pendant que j’y pense, Wain et toi, vous trouvez-vous proches ? demanda curieusement Gejda.

— Oui, j’ai beaucoup travaillé auprès de lui, répondit calmement Seneth. Pourquoi cette question ?

— Parce que maintenant que je te connais un peu mieux, je ne comprends pas ce qui le motive à vouloir te faire rester ici, déclara-t-il.

— Qu’entends-tu par là ? s’enquit Seneth.

— Lors de votre arrivée au siège, Wain m’a rencontré pour me réclamer une faveur. Il ne souhaitait pas que je t’envoie en mission.

— Alors, ce n’est donc pas à cause de mes mauvais résultats que je me retrouve consigné ?

— Non, aucun rapport, annonça Gejda.

Seneth semblait avoir du mal à croire ce que Gejda venait de lui confier.

— Ne te méprends pas, soutint Gejda, il doit sûrement tenir beaucoup à toi et préfère attendre que tu paraisses vraiment prêt pour partir avec les autres agents.

Seneth resta muet. Il aimait mieux laisser cette affaire pour plus tard afin d’en discuter directement avec Wain. Gejda lui proposa d’aller au centre pour évaluer ses compétences pour vérifier qu’il demeurait apte à participer aux missions.

Ils se rendirent donc au camp pour que Seneth fasse ses preuves. Gejda mit en place la simulation la plus exigeante que l’on pouvait effectuer. Celle-ci représentait le cas de figure où un agent se retrouverait capturé et emprisonné. Seneth allait devoir mobiliser toute sa concentration et faire fi des choses qui le préoccupaient. Son seul objectif reposait sur la réussite de cet exercice. Le parcours se trouvait situé dans un immense bâtiment. Seneth y pénétra par la grande porte. Il devait à présent parvenir à en sortir.

À l’intérieur, il arriva dans une minuscule pièce absolument obscure, dépourvue de fenêtre et de source de lumière. L’ambiance demeurait hostile et oppressante pour son mental. Il semblait incapable de discerner son environnement. Tout d’abord, il avait besoin d’un point de référence, un repère dans la salle. Il fit marche arrière pour se coller au mur où se trouver la porte par laquelle il était entré. Une fois adossé, il se concentra pour se souvenir de l’image à son arrivée. En effet, il n’avait pas été le seul à pénétrer dans cet endroit, la lumière de l’extérieur aussi, même si ce fut durant un laps de temps extrêmement succinct. Encore une fois, l’entraînement qu’il avait reçu lui serait d’une aide précieuse. Il avait pris le réflexe de bien observer un lieu quand il s’y rendait afin d’évaluer le niveau de menace. L’unique détail qui le marqua paraissait des reflets dans l’angle supérieur de la pièce. Il longea le mur pour le rejoindre. Il franchit le coin inférieur gauche et continua en face. Soudain, il ressentit un changement de surface sous sa paume droite. La matière semblait plus lisse et surtout, plus froide à l’instar d’une vitre. Il enleva son haut et l’enroula autour de sa main. Il lança un puissant coup de poing. Un bruit d’éclat retentit et des heurts au sol résonnèrent. Il accéda à une nouvelle pièce, mais cette fois-ci, il détectait un courant d’air. Il suivit sa trace et arriva devant une porte qui laissait échapper de la lumière. Il provoqua un violent impact avec son épaule afin de la démolir. De l’autre côté, Gejda attendait, stupéfié.

— Comment est-ce possible ? s’exclama Gejda. Le meilleur temps de l’épreuve s’avérait de dix-sept heures.

— Quel est mon résultat ? s’enquit Seneth.

— Je n’ai même pas pu finir mon sandwich.

— Pour paraître totalement honnête, c’était plutôt facile, stressant, mais pas difficile.

— Cela ne choque que moi ? Tu as littéralement pulvérisé le record ! clama-t-il stupéfait.

— Du coup, suis-je prêt à participer à des opérations ? lança Seneth.

Gejda le regarda et se retourna.

— Suis-moi, gamin. L’heure a sonné, passons aux choses sérieuses. J’espère que ta première mission ne sera pas la dernière.

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