Chapitre 38 : L'histoire se répète

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Au troisième sous-sol de l’Y, au « niveau thébaïde », l’équipe de Seneth tentait de percer l’énigme des reliques découvertes par Apex. Le sarcophage intriguait et nourrissait les spéculations. La pièce mécanique devait certainement jouer le rôle de clef dans l’ouverture de celui-ci. Mais personne ne semblait trouver comment les deux éléments interagissaient. Le plus mystérieux restait tout de même les deux jarres dépourvues d’orifice. Après plusieurs analyses, les résultats indiquaient que ces objets ne dégageaient aucune aura magique contrairement aux rémanences.

— Pourquoi Apex s’intéresserait-il à de simples reliques ? souleva Aniah.

— Parce que justement, ce n’en sont pas, supposa Seneth.

— Mais comment peuvent-ils se montrer aussi sûrs ? s’enquit-elle.

— C’est pourtant sous tes yeux, as-tu déjà vu ou entendu parler de sarcophage ? Pour moi, ça me suffit à vouloir savoir ce qui se cache à l’intérieur.

Wain de son côté tentait en vain de se servir de la pièce mécanique pour desceller cet ouvrage. Il avait essayé à peu près toutes les combinaisons possibles et imaginables, sans succès. Il commençait à se demander si cette chose se révélait réellement l’outil qui permettait d’ouvrir le sarcophage. Aniah, quant à elle, s’intéressait au couple de jarres. À maintes reprises, l’envie de les casser la submergeait. C’était pour elle totalement absurde de concevoir un contenant qui n’offrait aucun accès au contenu, à supposer qu’il existe. Seneth s’amusait surtout avec le matériel que le Majestic 13 avait mis à leur disposition. Les instruments représentaient l’état de l’art dans leurs domaines respectifs. Il avait étudié les reliques avec certainement l’unique appareil au monde capable d’analyser des objets aussi volumineux. Quand il se lassait de se divertir avec l’équipement, il sollicitait Bultred pour jouer avec lui au gardatak. Ce dernier s’était trouvé pris au dépourvu la première fois que Seneth lui avait demandé de le rejoindre sur le terrain. Depuis qu’il travaillait en tant que majordome, Seneth demeurait le seul à lui avoir porté de l’intérêt d’égal à égal. Il paraissait habitué, conformément à sa fonction, à être considéré comme inférieur. Dans cette logique, il avait décliné l’offre de Seneth. Mais celui-ci ne l’entendait pas de cette oreille.

— Dis-moi, Bultred, ne vous trouvez-vous pas ici pour nous servir ? demanda Seneth.

— C’est exact, monsieur Seneth.

— Très bien, dans ces conditions venir jouer avec moi serait par conséquent un moyen de votre part de me servir, jusque-là, sommes-nous d’accord ?

— Hum… Oui… Je suppose.

— Très bien dans ce cas, allez enfiler quelque chose de plus décontracté et rejoignez-moi.

N’en déplaise à Bultred, il ne pouvait pas nier la véracité des propos tenus par Seneth. Il se dirigea alors vers sa chambre pour se changer, comme on le lui avait demandé. Une fois fini, il se rendit sur le terrain de gardatak. Il échangeait quelques passes avec Seneth afin de s’échauffer. La phase suivante consistait en un affrontement en un contre un où le premier à inscrire dix tirs l’emporterait. Seneth commençait avec la possession du ballon et donc Bultred devait défendre le panier. Sans grand mal, il parvint à marquer le premier point.

— Hum ! sacré Bultred, je m’y attendais. Ne vous ai-je pas demandé de jouer avec moi ?

— Oui, c’est bien ce que je suis en train de faire, non ?

— Je ne crois pas, vous restez planté là sans bouger. Je ne vous ai pas sommé de m’assister, mais bien de vous mesurer à moi, amusez-vous, oubliez cette histoire de majordome et soyez un Gorlem avant tout !

Seneth, toujours avec la possession de la balle, semblait prêt pour la deuxième manche. Bultred n’avait pas l’air différent. Seneth se lança donc à l’assaut du cercle. D’un enchaînement de dribles, il effaça, une nouvelle fois, facilement le valet. Il continua sa course jusqu’au panier avant d’amorcer un tir. Au moment où la balle quitta ses mains, fuyant en direction du panneau, son œil fut attiré par quelque chose en mouvement. Il tourna légèrement la tête en arrière et vit Bultred remonter le terrain à toute allure. Quand les pieds de Seneth retombèrent à terre, Bultred se lança dans les airs et d’un revers, frappa la balle, la propulsant vers le sol.

— Impressionnant, complimenta Seneth.

— Ton tir ne semblait pas mauvais non plus, Seneth, répliqua Bultred.

— Ah ! je crois que c’est la première fois que tu m’appelles uniquement par mon prénom, et on se tutoie de surcroît, j’aime bien. On continue ?

Ils jouèrent plusieurs parties. Aniah paraissait contente d’observer son mari savourer un peu et oublier les derniers moments stressants de sa vie.

— Je ne l’avais jamais vu aussi heureux, déclara Sorgon en arrivant près d’Aniah.

— Ah ! tu parles de Bultred ? demanda-t-elle.

Sorgon, habituellement acariâtre, semblait apaisé. Aniah, curieuse, ne rata pas une occasion de lui soutirer quelques informations. Son état de vulnérabilité sentimentale constituait une aubaine dont elle n’hésita pas à profiter. Elle voulait effectuer le lien avec l’histoire que lui avait racontée Whckl. Elle se renseigna, dans un premier temps sur son passé avec Bultred. Cela avait pour effet de gagner légèrement sa confiance et surtout de continuer à l’attendrir. Afin de rester dans le domaine affectif, elle lui demanda de lui parler un peu de ses parents, ce qui l’intéressait le plus. Comme l’avait mentionné Whckl, son père représentait le cuisinier en chef d’Apex. C’est d’ailleurs lui qui avait donné envie à Sorgon de prendre en considération cet art. Pour faire ses preuves et montrer qu’il demeurait digne de son héritage, il voulut devenir lui aussi un chef. Alors qu’il vivait avec ses parents à la Cité Céleste, Apex demanda au Majestic 13 de lui dégoter le meilleur traiteur qui soit. Afin de satisfaire cette requête, la treizième Chambre organisa un immense concours de cuisine. Les participants venaient des quatre coins du globe. Des enfants se trouvaient même au cœur de l’événement, dont Sorgon. Il s’avérait plus déterminé que jamais. Les affrontements paraissaient de plus en plus durs. Elles se conformaient à l’ordre traditionnel d’une carte. Les candidats commencèrent donc par s’opposer en préparant des entrées. Sorgon se qualifia de justesse pour la manche suivante. Pour autant, sa motivation ne s’était pas amoindrie, bien au contraire. Pour l’épreuve du plat principal, il se trouvait en très bonne position, mais avant que l’on ne vienne juger son œuvre, un concurrent saupoudra sur son mets divers ingrédients dans le but de le faire éliminer. C’est à ce moment-là qu’il commença à devenir de plus en plus aigri, voire violent. Néanmoins, au même titre que la manche précédente, il se qualifia de justesse. Sa préparation devait certainement paraître un délice pour que, malgré les malversations d’un adversaire, le jury considérât son assiette comme acceptable. La dernière épreuve s’avérait de loin la plus difficile, les desserts. Sorgon avait l’air déchaîné, sa motivation semblait sans faille. Il ne restait plus qu’une dizaine de participants pour une seule place. C’était Monseigneur Peymour en personne qui allait juger et désigner le grand gagnant. Sorgon concocta en premier la spécialité que son père lui avait appris à cuisiner, le tétraèdre du pâtissier. Les gens le qualifiaient de meilleur au monde, mais aussi du plus complexe à réaliser. C’était comme confectionner quatre gâteaux en un. Les œuvres étaient dissimulées sous cloches et présentées au jury ainsi qu’au Monseigneur afin d’assurer une impartialité. Quand ces derniers découvrirent ce qui se cachait sous celles-ci, ils demeurèrent stupéfaits. Des messes basses résonnèrent dans l’auditoire. Le jury échangeait des murmures. Après une bouchée, le verdict sembla sans appel.

— Que le chef ayant réussi la prouesse de réaliser un tétraèdre du pâtissier s’avance, annonça Monseigneur Peymour.

Sorgon effectua donc deux pas en avant. Dans la salle, tout le monde réagit avec stupeur à la vue du jeune enfant. Malgré la victoire, à partir de ce jour, la cuisine ne demeurait plus une simple passion, mais un engagement. Apex l’affecta alors directement au « niveau thébaïde » où il fit la connaissance du meilleur majordome d’Arnès, Bultred.

Aniah avait le sentiment d’avoir gagné la confiance de Sorgon. Quand ce dernier eut fini de raconter son passé, Seneth et Bultred rentrèrent, dégoulinants de transpiration, mais arborant un large sourire. Dès lors, tous semblaient unis, telle une famille.

— Arrête ! Va te laver avant de m’approcher, clama Aniah en repoussant Seneth du bout des doigts.

— Je m’en occupe, madame, déclara Bultred.

— Ah bon ? laissa échapper Seneth en donnant un coup de coude à Bultred.

— Oui, je veux dire Aniah, se reprit-il.

Cet instant de complicité signait certainement le début d’une belle amitié entre les deux couples.

— Tu peux me passer le sel ? demanda Seneth. Merci ! J’étais en train de penser, vous travaillez tous les deux au « niveau -3 » depuis un très long moment maintenant. Que sont devenues les anciennes équipes de recherche qui ont œuvré à vos côtés ?

Bultred et Sorgon se regardèrent dans les yeux, comme pour se mettre d’accord. Ils affirmèrent ensuite que Seneth, Aniah et Wain représentaient leur cinquième groupe. Pour chacune d’elle, la mission demeurait identique : défaire un sarcophage. Ce dernier semblait différent chaque fois.

— Mais alors, vous savez ce qu’ils contiennent ? interrompit Seneth.

— Vous connaissez déjà la réponse à cette question, répliqua Bultred.

— Donc vous paraissez au courant de la manière dont nous devons procéder ? demanda Aniah.

— Hélas non, déclara Sorgon. À chaque fois qu’une équipe apparaissait sur le point d’effectuer l’ouverture du sarcophage, le directeur et ses hommes débarquaient et tout le monde quittait le niveau, sauf nous.

— De plus, j’ai l’impression que chaque mécanisme s’avère propre et unique à chacun, partagea Bultred.

— Vous pensez qu’ils partent vers la Cité Céleste ? interrogea Aniah.

— Tout ce que nous savons c’est qu’ils ne reviennent plus ici, ajouta Bultred.

Aniah et Seneth commençaient à devenir inquiets à la suite des révélations de leurs compagnons. Et si en fait, il s’agissait d’un piège dans lequel ils étaient tombés. Leur chance insolente ne s’avérerait plausiblement qu’une simple illusion. De plus, toujours d’après les propos de Sorgon et Bultred, les précédentes équipes ne mirent que quelques mois avant d’achever leur mission. Comment allaient-ils réussir à gagner du temps sachant que les renforts n’arriveraient pas au plus tôt dans presque une année, au prochain solstice d’hiver ? Toutefois, partis comme ils l’étaient, ils ne s’estimaient pas prêts à parvenir à ouvrir le sarcophage de sitôt. Aniah demeurait à court d’idées, Wain avait l’air d’avoir tout tenté et Seneth perdait peu à peu la foi. Positivement, les petits plats de Sorgon aidaient l’équipe à garder un minimum de volonté.

Dans le désespoir le plus complet, Aniah se mit à jouer avec les jarres. Elle les faisait tourner sur elles-mêmes telles des toupies. Au cours de leurs oscillations, les deux objets se percutèrent. Heureusement, aucune casse ne fut à déplorer. Leurs mouvements faiblissaient lentement. Le couple de jarres finit par s’immobiliser, bouche contre bouche. Sous son air amusé, un phénomène particulier se déclencha. Les deux reliques se mirent à scintiller d’une lumière vive. Elles devinrent progressivement translucides, laissant transparaître ce qu’elles cachaient. Aniah s’empara d’elles, mais ces dernières paraissaient ne former plus qu’un élément, une sorte de sablier. Une substance très étrange, qui s’apparentait à un fluide à la fois liquide et gazeux, se déversait de la partie supérieure à inférieur. Aniah pensait avoir accidentellement résolu le mystère des jarres. Néanmoins, elle ne comprenait pas ce qui se produisait devant elle. Qu’allait-il se passer une fois l’écoulement terminé ? Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir.

La progression du flux se trouvait très lente. Pendant ce temps, Wain ne se décourageait pas, il continuait d’utiliser l’ustensile mécanique pour ouvrir le sarcophage. Soudainement, après d’innombrables essais, l’objet se mit à rayonner et se verrouiller dans l’encoche. Celui-ci commença à tourner en rythme avec l’évolution du mouvement du fluide. L’usage de la pièce comme une clef semblait nécessiter son activation par l’écoulement du contenant du couple de jarres.

— Mystère résolu ! s’exclama Aniah soulagée.

— Combien de temps d’après toi l’ouverture va-t-elle prendre ? demanda Seneth.

— D’après mes observations, à cette allure, le fluide aura complètement rempli la partie inférieure dans environ trois jours, renseigna-t-elle.

— Ce qui signifie que passé ce délai, nous ne nous trouverions plus ici d’après ce qui est arrivé aux précédentes équipes, annonça Seneth.

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