Chapitre 22 : A l'entrainement

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Les escouades se trouvaient presque toutes parties à l’exception de celle de Sadokon qui restait sur place. La journée commença par une bonne grasse matinée. Chose promise, chose due. En se levant, Sadokon aperçut la vaisselle amoncelée sur la table de la salle commune.

— Bien, je ne vois qu’une façon de régler ce problème, constata Sadokon.

Il se dirigea vers son régiment encore en train de dormir.

— Tout le monde debout ! Et que ça saute ! Le dernier apprêté se chargera de la plonge, hurla-t-il.

Ses seconds se réveillèrent en sursaut. Personne ne semblait vouloir laver les couverts. Pendant qu’ils se battaient pour se préparer, Zoobohz passa dans le coin.

— Ah tiens, salut Sad ! Tu tombes bien ! Dis-moi, tu n’aurais pas croisé Arch ? interrogea Zoobohz.

— Non, désolé Chef, je ne l’ai pas revu depuis le conseil. Si tu le désires, je peux demander à mes gars de le chercher pour toi ?

— Non, non, ça ira. Nous avions rendez-vous ce matin, mais il ne s’est pas présenté. J’imagine que cette histoire d’enlèvement doit beaucoup l’affecter. Il devrait se montrer sous peu, je ne me fais pas de souci. Bien, je te souhaite bon courage et passe une excellente journée.

Zoobohz quitta la place de vie pour partir à la recherche d’Arch. Cela ne lui ressemblait pas, il était du genre à toujours tenir parole. Quelque chose avait dû lui arriver et Zoobohz comptait bien le découvrir. Il se dirigeait vers le domaine de Draggar, ce qui paraissait tout à fait logique puisqu’Arch avait dit s’y rendre pour retrouver son neveu Seysus. Le principal souci s’avérait que peu, voire personne, ne connaissait la route pour rejoindre ce lieu. La seule chose certaine se trouvait la présence d’une énorme chute d’eau à proximité. Il se mit donc à en rechercher une. Heureusement pour lui, les cataractes demeuraient rares dans cette région de la jungle. Il se laissait guider par son ouïe afin de se localiser dans cette immense flore. Il semblait avoir des capacités physiques étonnantes pour réussir à repérer sa route uniquement en écoutant son environnement. Même les membres de sa guilde ignoraient à quelle classe active de la pyramide du magicien il appartenait. Personne n’avait été témoin d’une quelconque démonstration de technique s’apparentant à du shamanisme, du protéisme ou de l’animisme. Seuls les anciens avaient eu le privilège de l’affronter en duel au cours de l’examen de force de guerre. Il les terrassa sans employer de facultés particulières. Certains supposaient qu’en réalité, il constituait un simple potentiel. D’autres, au contraire, imaginaient qu’il appartenait à deux classes actives et qu’il utiliserait des compétences hybrides totalement inconnues ce qui expliquerait pourquoi ils avaient du mal à juger sa façon de se battre.

Zoobohz paraissait interpellé par quelque chose qui provenait de l’est. Il suivit donc cette direction pour voir où cela le menait. Sans surprise, ses sens l’avaient conduit droit vers un lac alimenté par une chute d’eau. Il n’avait cependant fait que rejoindre un point d’intérêt. Maintenant, il devait localiser le domaine de Draggar. Alors qu’il commençait à inspecter les environs, les poils de ses avant-bras se hérissèrent. Il ressentait un champ spirituel, mais il éprouvait des difficultés à déterminer sa signature à cause de sa faible intensité. Il se situait à côté du bosquet. Arch s’avérait un shaman, nul besoin de demeurer un génie pour effectuer le rapprochement. L’aura semblait émaner d’en dessous de lui. Zoobohz se mit à creuser frénétiquement s’imaginant qu’il se trouvait enterré vivant. Il se rendit rapidement compte que cela ne servait à rien. Il retournait le sol depuis plusieurs minutes. En théorie, Arch devrait déjà être mort asphyxié et son énergie spirituelle aurait dû cesser de rayonner. Il s’assit et réfléchit. Arch devait se situer plus en profondeur. Il releva la tête et vit la chute d’eau. Il remarqua une sorte d’illumination. Il plongea dans le lac et se dirigea vers ses tréfonds. Il ressentait de plus en plus intensément sa présence. Il fut surpris lorsqu’il s’aperçut qu’il pouvait observer à travers le fond. En se laissant guider par le rayonnement d’Arch, il obtint un visuel sur lui. Comment allait-il faire pour le rejoindre ? Il ne se voyait pas passer au travers de cette paroi. En analysant l’environnement près d’Arch, il distingua l’écoulement d’un cours d’eau. Il remonta à la surface afin de reprendre son souffle. Selon lui, la cataracte, le lac et ce fleuve devaient être reliés. Pour en avoir le cœur net, il se rendit sous la cascade et se jeta pour que le courant l’emporte. Il disparut sous l’écume.

Au moment où il put rouvrir les yeux, il constata que son hypothèse s’avérait bonne. Il avait réussi à atteindre le niveau sous le sol, de manière improbable certes, mais il pouvait reprendre sa recherche. Il sortit de l’eau et longea son lit afin de rejoindre la maison à un de ses bords. Lorsqu’il arriva, il vit Arch étendu par terre, couvert de blessures. Il se saisit de lui et l’emmena à l’intérieur. Comme il ne savait pas comment retourner à la surface, il allait devoir s’occuper lui-même d’Arch. Il le déposa sur un banc habillé d’étoffe. Il effectua le tour afin de trouver de la nourriture. Il prépara une soupe de légume aux poissons. Pendant que cela cuisait à petit feu, il monta à l’étage pour chercher de quoi panser ses plaies. Il redescendit avec des bandages et divers baumes. Il éteignit le feu sous la marmite. L’odeur parfumée du plat se répandait à l’ensemble du rez-de-chaussée.

— Quelle est cette délicieuse odeur ? prononça difficilement Arch.

— Ah, tu es réveillé à ce que je vois. La bonne nourriture attire toujours les braves, déclara Zoobohz. Allez, redresse-toi, je vais m’occuper de tes blessures.

— Aïe ! Ma tête me fait mal.

— Tiens, savoure-moi cette soupe, tu m’en diras des nouvelles. D’ailleurs, si tu pouvais me dire comment on remonte à la surface, ça m’aiderait beaucoup.

— Comment es-tu venu jusqu’ici alors ?

— Bah, j’ai improvisé comme je n’ai pas trouvé l’entrée.

— Ah ah, le roi de la débrouille. Pour ressortir, tu dois repérer un arbre plus gros que les autres dans le bosquet. Dans son tronc se cache un ascenseur qui te conduira directement à l’extérieur. Ah ! merci, je me sens déjà mieux. Je vais te montrer, ça sera beaucoup plus simple.

Arch prit quelques affaires et quitta le domaine de Draggar avec Zoobohz. Ils retournèrent au siège de la guilde. Si les membres de la Liste Noire ignoraient les compétences de Zoobohz, Arch, lui, savait qu’il possédait des capacités de shaman. Ils pouvaient alors tous deux emprunter la voie des airs pour rejoindre rapidement la place publique.

Sur les lieux, Sadokon était en train d’instruire son escouade. Au vu du tableau, il paraissait avoir organisé une sorte de compétition. Zoobohz et Arch intégrèrent discrètement les rangs du fond pour écouter ce qu’il avait à dire.

— Bien, tel que vous le voyez, vous participerez à un tournoi d’évaluation. Comme son nom l’indique, il me servira à vous évaluer. Il n’y a rien à gagner, à part peut-être mon estime. Cela me permettra d’établir votre profil de guerre et vous entraîner au mieux. Ne vous angoissez pas, il n’y a pas d’enjeu à l’issue de cet évènement.

— Mais dans ce cas, pourquoi organiser un tournoi et pas simplement plusieurs rencontres ? demanda un membre de l’escouade.

— Où serait le plaisir sinon ? répondit-il en riant. Bien, vous avez quartier libre. On se revoit demain matin pour le début des combats.

La classe commençait à se vider.

— Alors, ça te dit un p’tit verre, Sad ? interrogea Arch

— Et comment ! répliqua Sadokon.

— Vous ne m’avez pas demandé mon avis, mais je suis aussi partant, déclara Zoobohz.

Ils se rendirent à la taverne de la guilde. Rares étaient celles qui pouvaient se targuer d’en posséder une. Elle était tenue par Mosz, un Canister passionné de boissons fermentées.

— Je ne pensais pas vous revoir de sitôt les gars. Qu’est-ce que je vous sers ? interrogea Mosz.

— Comme d’habitude, répondit Sadokon.

Ils passèrent la soirée à s’enivrer avec Mosz. Ce dernier profita de l’occasion pour leur faire découvrir ses nouvelles concoctions, car à cause des récents évènements, sa taverne était devenue déserte. Ils s’endormirent sur les tables, grisés par la dégustation.

Au petit matin, Mosz fut le premier sur pied. Sa résistance à l’alcool avait l’air sans pareille. Il réveilla Sadokon pour que celui-ci puisse assister à son propre tournoi. Zoobohz et Arch se levèrent simultanément à cause du raffut qu’avait causé Sadokon en essayant de se mettre debout et qui chuta lamentablement. Du coup, Zoobohz et Arch partirent avec Sadokon pour l’aider à préparer son évaluation. En arrivant près du dortoir, celui-ci paraissait entièrement vide.

— Euh… où se trouvent tes poulains ? demanda Arch.

— Je me pose la même question, répondit Sadokon.

En sortant, ils se dirigèrent vers la strate inférieure, le lieu dédié à l’entraînement des potentiels.

— Ah, les voilà ! s’exclama Sadokon.

— Eh bien, ils sont disciplinés, s’étonna Zoobohz.

— C’est parce qu’ils disposent d’un excellent chef, se vanta-t-il.

— C’est pour ça qu’il y a deux secondes tu ignorais encore où ils se trouvaient, rétorqua Arch.

— Ce n’est qu’un détail ça, répondit-il d’un ton léger.

Les membres retrouvés, le tournoi pouvait commencer. Chacun d’eux allait se voir attribuer un numéro. Les opposants des matchs seraient tirés au sort. Le but ne semblait pas vraiment de gagner, mais de montrer son potentiel. En élaborant l’arbre du déroulement des combats, Arch se rendit compte qu’il restait une place vacante.

— On a un souci, affirma Arch. Il manque une personne.

— Qu’à cela ne tienne, tu n’as qu’à simplement me rajouter.

— Tu vas participer à ton propre tournoi d’évaluation ?

— Quel meilleur poste pour observer que celui de l’adversaire ? lança-t-il concentré en craquant son cou.

Sadokon créa donc la surprise en prenant part aux affrontements. Un de ses élèves n’allait pas apprécier.

— Bien, voici l’organisation des duels. Comme vous le voyez, vos noms n’y figurent pas, d’une part par faute de place, et de l’autre pour garder votre anonymat, ceci afin de vous forcer à vous adapter au dernier moment. J’espère que vous avez mémorisé vos numéros.

— Le premier match opposera 8 à X, annonça Arch.

— X ? clama l’auditoire.

Le membre portant le 8 s’avança sur le cercle de combat. Il attendait de pied ferme son rival. Soudain, Sadokon apparut de nulle part devant lui.

— Quoi ? C’est toi X ? s’écria le numéro 8. Mais ce n’est pas possible !

— Leçon numéro une : rien n’est interdit dans une guerre, retenez tous cela, déclara Sadokon. Bien, peut-on démarrer ?

Le 8 se résigna et se prépara à lancer l’assaut. Au moment où il porta son horion, Sadokon devint invisible. Son attaque finit dans le vide. Déstabilisé par l’inertie de son mouvement, il tomba. Il leva le cou pour commencer à se mettre debout. Il se retrouva nez à nez avec Sadokon qui lui donna un coup de tête le renvoyant à terre.

— Comment dois-je combattre un adversaire que je ne peux pas voir ? s’énerva le numéro 8.

— Si je peux me permettre, la vue ne s’avère pas ton unique sens de perception. Essaye d’exploiter tes différents sens, conseilla Arch. Autre détail, si tu arrives à toucher Sadokon, tu gagnes l’épreuve.

Il se reprit et se concentra afin de mettre en éveil l’ensemble de ses sens. Il remarqua comme un étrange parfum qui commençait à l’entourer. Il se déplaça à l’opposé du terrain et ne la sentit pas. C’était ça, il devait faire confiance à son odorat pour pister Sadokon. Ses narines frémirent. Son opposant approchait. Il ne devait pas trahir sa découverte pour garder l’effet de surprise. Il fit donc semblant de se tourner dans une autre direction. Lorsque le parfum lui parut assez intense, il se retourna brutalement et asséna un coup de pied à mi-hauteur. Sadokon redevint immédiatement visible et chuta lourdement.

— Félicitation, tu as réussi ta première épreuve numéro 8, clama Arch.

Comme il fut éliminé, Sadokon put reprendre la supervision de son tournoi. Arch et Zoobohz n’étant plus d’aucune utilité, ils décidèrent de rentrer se reposer à la demeure du meneur de guilde.

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