Chapitre 7 : Changement de programme

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À la sortie du bureau du directeur, une colère noire s’installa en moi. Tout mon être se mit à haïr Seysus. Comment avait-il pu m’embarquer dans cette histoire en connaissance de cause ? J’avais le sentiment d’être le dindon de la farce. Maintenant, je me trouvais comme prisonnier de mon nouveau travail. J’arrivais plus à me concentrer, je devais me défouler. Cela tombait bien, la seconde partie de la journée allait démarrer. Cette fois-ci, j’étais préparé.

— Bien, ravi de vous retrouver, monsieur Seneth, lança l’examinateur du matin.

— Je vous attendais.

— À la suite de mon entretien avec monsieur le directeur, nous allons procéder à des changements de dernière minute. Voyez-vous, ce séminaire avait pour but d’évaluer votre aptitude à être, disons, quelqu’un digne de confiance afin d’évoluer au sein de notre organisation. Néanmoins, je découvre que vous vous trouvez déjà au courant de tout cela, monsieur Seneth. De ce fait, le programme initial n’a plus lieu d’être. Désormais, nous allons nous focaliser sur votre résilience. Je n’ai nul besoin de vous rappeler que vous ne devez, sous aucun prétexte, évoquer le Majestic 13 en dehors de son territoire ou à des non-affiliés.

Cette semaine s’était annoncée comme un véritable enfer, mais je réussissais tant bien que mal à enchaîner les évaluations. À la fin, je voyais différemment le monde. Ce dernier demeurait hostile et mystérieux, mais ça, c’était avant. Dorénavant, je ressentais de la force en moi, une sorte d’assurance surdimensionnée qui pouvait m’aider à tout conquérir. Mais je ne devais pas oublier que je restais à la solde du Majestic 13. Merci, Seysus, pour ce cadeau empoisonné. Je ne savais plus quoi penser de lui par conséquent, je cessais de le faire. Je n’avais plus qu’un but : réussir ma thèse en évitant les problèmes.

— Alors mon amour, c’était comment ce séminaire ? demanda Aniah. Raconte-moi tout !

— Instructif, répondis-je vaguement.

— Ah oui, mais encore ?

— Admettons que l’université nous donne les connaissances théoriques, le séminaire m’a appris à me comporter comme un adulte professionnel.

— Ah ah, il suffit de regarder la tête de ta blouse d’école, un véritable gamin. Maintenant que tu le dis, j’avais relevé quelques changements dans ta façon d’être. Tu sembles plus mature. Je dois reconnaître que ça a un petit côté… rrh.

— Tant que ça ?

— Au fait, tu n’as pas remarqué ?

— Quoi donc ?

— Depuis quelques jours, des hommes vêtus de noirs se sont installés dans la maison en face.

— Non, je n’ai pas fait attention, merci de l’avoir mis en avant.

Ainsi, le Majestic 13 m’avait placé sous surveillance. Le directeur ne parlait pas à la légère. Je devais encore gagner leur confiance. Avec mes résultats du séminaire, je me trouvais sur la bonne voie, mais pour l’heure, nous étions la fin de la semaine, profitons d’un repos bien mérité.

Mon premier vrai jour de travail commençait. Une nouvelle fois, j’avais rendez-vous dans le bureau du directeur.

— Bien, je suis ravi des efforts que tu as fournis au cours du séminaire. Je dois avouer que ton profil fait partie des meilleurs. J’imagine que Seysus t’a parlé un peu de ta mission ?

— Ma mission ? Non, pas que je sache.

— Parfait, laisse-moi te la présenter. Suis-moi.

Je le suivis au sein des divers laboratoires que comptait le complexe du Y. Nous arrivâmes devant une sorte de monte-charge. Celui-ci nous amena au niveau inférieur.

— Qu’elle est la différence entre le rez-de-chaussée et cet étage -1 ?

— Disons que ce niveau n’existe pas aux yeux du public, déclara-t-il en esquissant un sourire amusé.

— Je vois, nous sommes en territoire du Majestic 13.

— C’est exact. Pour répondre plus précisément à ta question, ici, la Bride ne s’exerce pas. Seul le génie intellectuel règne en maître dans ces profondeurs.

— Et où allons-nous ?

— Vers ta nouvelle équipe : le département transbiotique.

Arrivé devant le laboratoire, j’observais au loin un individu sur un lit en observation, comme à l’hôpital.

— Bien, voilà tes collègues. Votre tâche se révèle simple : redonner vie à Monseigneur Peymour Ier, plus exactement, lui faire reprendre conscience.

Je me souvins que Seysus avait rapidement abordé le sujet. Je comprenais mieux pourquoi il m’avait désigné, c’était un choix personnel et il n’avait confiance qu’en moi pour accomplir cette prouesse.

— Mais comment voulez-vous que je réalise une telle chose ?

— Je n’affirme pas que tu as la solution, je pense juste que tu vas la trouver. Pour le moment, l’équipe parvient à le maintenir en vie, mais il reste dans un profond coma. Considère maintenant que vos destins sont liés. Nous misons tous sur toi, en particulier ton ami Seysus.

Liés ? Était-ce une menace ouverte ? Que se passerait-il s’il venait à mourir ? Devrais-je aussi le suivre dans la tombe ? Avec ce que j’avais traversé ces derniers jours, tout semblait plausible.

— Très bien, vous pouvez compter sur moi, lançai-je afin de rester dans ses bonnes grâces.

Je fis connaissance avec mon équipe de recherche.

— Merci de m’accueillir au sein du groupe. Une petite question : Que signifie « transbiotique » ?

— Notre objectif est de trouver des solutions qui permettent transcender les limites biotiques d’un système, dans notre cas l’ancien Monseigneur, expliqua le chef du département. Pour cela, nous avons recours à diverses technologies de pointe de domaines différents comme la mécanique ou, avec ton arrivée, la magénierie.

— Ah, je comprends mieux pourquoi je suis là, car mon niveau en biologie, plutôt rudimentaire, risque de n’aider personne. Me voilà rassuré.

— Tiens, installe-toi ici. Cette paillasse t’est complètement réservée.

— Oh ! merci beaucoup.

— Ton auxiliaire t’apportera les documents dont tu as besoin pour appréhender le projet.

— Monsieur ? intervint un laborantin. C’était pour vous signaler que l’assistant de Seneth rencontre un empêchement et ne pourra pas être présent aujourd’hui.

— Merci de m’en avoir informé, je vais lui trouver un remplaçant. Je vous laisse vous accommoder, je reviens.

L’équipe me donna une bonne impression. Je sentais que j’allais m’y plaire.

— Bonjour, je suis Wain, c’est moi qui vous seconde.

— Ah ! C’est gentil de votre part, Wain.

Il paraissait bien vieux pour être un simple auxiliaire. Néanmoins, il dégageait un enthousiasme certain.

— Je vais récupérer les documents du projet Phénix, annonça Wain.

En partant, il laissa par mégarde sur mon bureau un écrit à l’attention du chef de département. Je ne pus m’empêcher de le lire. « … si dans les six prochains mois, aucun résultat notable n’est observé, vous serez contraint de vous séparer de Seneth. » Comment ça ? Pourquoi vouloir me… Je ne comprenais plus rien. Ils me traitaient jusqu’à présent comme un roi, pour ensuite se débarrasser de moi ? Cela n’avait pas de sens. On me cachait quelque chose. Au moins maintenant je savais qu’il ne me restait que six mois en ces lieux. Je ne voyais aucun moyen de me sortir de cette situation. Et surtout, je ne pouvais en parler à personne avec tous ces hommes en noir qui me surveillaient.

— Je suis de retour, indiqua Wain. Voici les documents dont vous avez besoin. N’hésitez pas, je suis à votre service.

— Merci. Dis-moi, depuis combien de temps tu travailles ici ?

— Je pense une bonne dizaine d’années. J’étais tout seul à l’époque. Mais je bosse au -2 normalement.

— Attends, il y a encore un niveau inférieur.

— Ah oui, mais c’est réservés aux projets top secret.

— Top secret ?

— Oui, ça veut dire qu’il ne faut surtout pas en parler.

— Ah, ça me rassure, heureusement qu’on n’en parle pas alors, ricanai-je devant sa simplicité d’esprit.

— Je ne te le fais pas dire. C’est tellement compliqué pour moi, je n’y comprends rien.

Je venais de saisir. Sa stupidité représentait un atout pour garder les projets confidentiels.

— Dis-moi, tu as déjà aperçu des hommes habillés en noir ?

— Tu veux parler des agents du Majestic 13 ? Oui, ils sont partout. Ils assurent notre protection.

— Tu en es sûr ?

— Si je te le dis.

— Du coup, ils ne nous surveillent pas ?

— Non, quelle idée !

Je ne savais plus quoi penser. Soit il était tellement idiot qu’il ne voyait pas la réalité, soit il avait raison. Si je lui faisais confiance, je pourrais espérer trouver une solution avec ma famille. Il me fallait plus d’éléments pour évaluer les risques.

En revenant le soir à la maison, je tentai un coup de bluff. Je fis mine de me tromper de domicile pour discuter avec ces mystérieux agents.

— C’est moi je suis rentré, criai-je devant la porte d’entrée.

Quelques longues minutes après.

— Oui ?

— Oh ! pardon, j’étais concentré sur quelque chose et j’ai confondu ma résidence, veuillez m’excuser pour le dérangement.

— Non, il n’y a pas de soucis Seneth. Bonne soirée !

Au premier abord, il me semblait bienveillant. Wain avait probablement raison. Je décidai de lui faire confiance et de tout avouer à ma famille. En rentrant, l’odeur du dîner m’apaisa.

— Gyah ! lança Aniah en me sautant dessus.

— J’en connais une qui est d’excellente humeur.

Tout le monde alla s’installer à table. Je fis un détour pour me laver les mains.

— Alors, pourquoi es-tu si heureuse ?

Aniah leur montra un sac de graines de blé et d’orge en pleine germination.

— Je suis enceinte !

— Tu m’en vois ravie ma chérie, confia la mère, mais tu serais gentille d’éloigner ton affaire de la nourriture s’il te plaît.

— Ah oui, pardon.

— Je profite du repas pour moi aussi vous faire des révélations.

— Tu me fais peur fiston, qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit le père.

Je commençai à leur raconter tout ce que j’avais découvert ces derniers jours.

— Tout s’enclenche avec Seysus et mon emploi à l’Y. Au-delà des douze Chambres qui composent le gouvernement de Zenfei, il en existe une treizième secrète : le Majestic 13.

À ce moment-là, je me mis à regarder par la fenêtre au cas où les agents tentèrent quelque chose.

— Cette mystérieuse Chambre représente la face cachée de l’Ordre de Mwrida. Elle symbolise la main invisible qui contrôle le monde. Et devinez qui se trouve à la tête de cette société secrète. Nul autre que notre grand Monseigneur.

— Seysus est le maître d’Arnès ? demanda Aniah. J’ai du mal à te croire.

— Mon travail consiste à ressusciter son aïeul, car non, il n’est pas mort, biologiquement parlant.

— Ah ! Donc les individus en noirs dans la maison d’en face, ce sont… s’interrompit Aniah.

— Oui, des agents du Majestic 13. Ils sont là pour me protéger de potentielles attaques.

À la fin du dîner, j’avais remarqué que nos parents étaient restés bien silencieux pendant tout le repas.

— Vous n’avez rien prononcé de la soirée. Quelque chose ne va pas ?

— Laisse-moi te poser une question : ta vie est-elle menacée ? consulta le père.

— Hélas, elle se trouve en jeu.

Mon père lança un regard à ma mère.

— C’est bizarre, pourquoi ne semblez-vous pas surpris par les propos de Seneth ? demanda Aniah.

— Eh bien, disons que nous connaissions déjà l’existence du Majestic 13, avoua la mère.

— Toutefois, nous ne savions pas ce que c’était, précisa le père.

— Mais comment étiez-vous au courant ? continuai-je.

— Notre famille était très proche du clan Peymour, expliqua le père. J’étais ami avec Reysus, le défunt père de Seysus. Il avait entendu parler du Majestic 13 et nous avions décidé d’enquêter afin d’en découvrir plus. Non seulement cela ne nous avait menés nulle part, mais qui plus est Reysus trouva la mort.

— C’est terrible, laissa échapper Aniah.

— Qu’allons-nous faire alors ? demandai-je impuissant.

— Je l’ignore. Toutefois, je connais quelqu’un qui peut potentiellement nous venir en aide. Mais c’est sans aucune garantie. Je vais faire mon possible pour le contacter. De ton côté, essaye de gagner du temps.

— Je peux sûrement t’épauler sur ta mission, proposa Aniah.

— Tu as raison, deux cerveaux valent mieux qu’un.

Avec Aniah, nous analysions le projet Phénix avec les détails que j’avais retenu.

— Je vois que les plantes médicinales perdent peu à peu de leurs vertus, constata Aniah.

— Je comprends à présent le délai de six mois. Ils ont conclu que ça ne le maintiendra pas en vie plus longtemps.

— C’est sûrement bête ce que je vais dire, mais il n’a sans doute pas besoin d’énergie vitale, suggéra-t-elle.

— Mais bien sûr ! Il a besoin qu’on lui administre de l’hyloplasme pour maintenir stable la liaison entre son âme et corps.

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