Journal de Raphaëlle Roland : 10 Août

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Mon père est ce qu'on pourrait appeler un écrivain raté... Enfin certains plus indulgents diraient qu'il tient du doux rêveur. Mais peu importe toutes ces appellations et les idées qu'elles peuvent véhiculer. La vérité est toute simple: mon père a commencé tout un tas d'histoires mais n'en a jamais fini une seule. Il a essayé tous les styles qu'il affectionnait un tant soit peu. À chaque fois, il se passait la même chose: on ne sait quoi lui donnait une idée d'histoire, peut être une image, une personne croisée au hasard dans la rue, ou alors un instant particulier. Alors on le voyait qui s'enthousiasmait, qui écrivait, qui construisait des intrigues. À chaque difficulté rencontrée, ma mère et moi l'observions en train de se plonger dans d'anciennes lectures. « Autant puiser l'inspiration chez ceux qui me plaisent » disait-il.

            Et il noircissait des feuilles et des feuilles, encore et encore, cela semblait interminable. Et peu à peu, tout doucement, presque sans prévenir, on le voyait rageur, déprimé, se mettre en colère silencieusement puis violemment, en jetant avec des éclats de voix ces mêmes feuilles de papier, roulées en boules dans la poubelle. Il semblait totalement désemparé, incapable de plier ses mots selon sa volonté.

            J'ignore si ce ballet immuable, qui se répétait avec une incroyable fréquence tous les ans, est la raison pour laquelle ma mère a quitté mon père. J'étais âgée de neuf ans quand mes parents se sont enfin décidés à divorcer. Je dis enfin car j'étais bien loin du cliché de l'enfant triste qui regarde se séparer sans pouvoir rien y faire... Leurs disputes incessantes devenaient de plus en plus pesantes. Je me souviens encore de ces soirs où ils s'envoyaient des insultes au visage les poings serrés, les jointures blanches. Je me rappelle aussi de ces matins où je partais à l'école heureuse de ne plus les entendre.

            Quand ils m'ont dit qu'ils ne vivraient plus ensemble, ils semblaient choqués par le flegme avec lequel j'accueillais cette nouvelle. À dire vrai, j'étais heureuse, heureuse de ne plus entendre ces engueulades et ces silences... Je ne sais pas pourquoi on me pense toujours aussi indifférente à tout. Au contraire, ce divorce je l’accueillais presque avec joie. Enfin j'allais pouvoir cesser de fuir ce malaise et ces disputes.

            Mais je ne pensais pas encore à la nouvelle vie que j'allais connaître.

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